mardi 17 juillet 2018

Les Rencontres de la Photographie Arles 2018


Les Rencontres de la Photographie
Arles 2018
Du 2 juillet au 23 septembre 2018



Des instantanés subjectifs



  Cette nouvelle édition des Rencontres, toujours sous la houlette de Sam Stourdzé, propose un « Retour vers le futur ». Nous opterons pour un parcours très subjectif dans une offre très riche. En premier lieu la mise en avant du travail « braque » de William Wegman, servant aussi d’affiche officielle à cette édition 2018. L’utilisation comme modèle de ses différents chiens amène à cette magistrale et réjouissante mise en scène des travers humains. Un jeu de miroir éloquent où « eux » sont « nous » alors que se brouillent les frontières du « je ». Animaux avez-vous donc une âme ? Avec Jonas Bendiksen et son exposition « Le dernier testament » on entre dans le domaine inquiétant des délires religieux où des individus se prennent pour la figure fantasmée de Jésus et trouvent des disciples pour les suivre. La force des images montre l’incroyable besoin de croire, entre illumination et pathologie.

  L’Amérique toujours, teintée de nostalgie alors que cela n’a jamais été facile pour ses minorités, avec diverses expositions : celle du grand Robert Frank avec « Les Américains » de 1958 ; celle de Raymond Depardon couvrant la période 1968 à 1999, avec une admirable série de quatre paysages ; enfin Paul Graham et ses grands formats qui montrent le désenchantement d’aujourd’hui. Une mention spéciale pour « The Train » avec trois artistes ayant opéré sur le thème du trajet en train du cercueil du sénateur Bob Kennedy de New York à Washington : historique avec les photos prises du train par Paul Fusco, Rein Jelle Tepstra a retrouvé des images d’amateur de 1968 tandis que Philippe Parreno a fait tourner des scènes d’époque à partir du toit d’un train dans une mise en abyme exceptionnelle, accompagnées par une bande-son plus que réaliste. En contrepoint, se greffent les images du passage du convoi funéraire de Castro prises par Michael Christopher Brown entre abattement, lassitude, et inquiétude du peuple cubain (convoqué pour l’occasion) et qui tourne une page de son histoire.

  Plusieurs expositions très politiques, avec d’abord une vision personnelle de Gaza de Taysir Batniji et un regard sur la création contemporaine turque avec « Une colonne de fumée ». Cette critique très acerbe de la Turquie actuelle et de la disparition de la liberté d’expression passe par des facettes multiples. Avec « Grozny : neuf villes » d’Olga Kravets, Maria Morina et Oksana Yuskho on plonge dans la sombre république de Tchétchénie mais au travers de photographies très léchées. « Hope », à la fondation Manuel Rivera-Ortiz, propose une grande installation de gilets de sauvetage et nous nous trouvons entre actualité (migrants avec Patrick Willocq), armée (cadets russes) et références au Chili (la série « Arpilleras » de Patrice Loubon). Genève (ville et canton) avec « Le nonante-neuf » propose une lecture documentée et distanciée de mai 68 par le biais d’une grande masse de d'archives. Enfin les « Révoltes intimes » d’Aurore Valade, au musée de l’Arles antique, dynamitent la banalité de la représentation dans une construction baroque où l’intime sert la cause défendue de ses modèles dans une débauche de couleurs.


  Une rubrique esthétique trouve aussi sa place, avec l’installation d’Adel Abdessemed (photographies prises dans la rue devant son atelier et volumes), les 100 portraits de la collection Antoine de Galbert (fixes, animés, en relief ou en peinture) et les réalisations énigmatiques de Prune Nourry. Véronique Ellena au musée Réattu propose une exposition de travaux très éclectiques et de grande tenue qui mériterait un article à part.
                                                                                                                             Christian Skimao


 


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