jeudi 22 novembre 2018

« L’automne du paradis » de Jean-Luc Mylayne et « Siècles noirs » (James Ensor et Alexander Kluge) Fondation Vincent van Gogh, Arles


 Expositions « L’automne du paradis » de Jean-Luc Mylayne
et « Siècles noirs » (James Ensor et Alexander Kluge)
Fondation Vincent van Gogh, Arles
Du 17 novembre 2018 au 10 février 2019


Ensor-Kluge-Mylayne



L’automne 2018 à la Fondation Van Gogh, 2 /3



L’oiseau moqueur ?



Jean-Luc Mylayne, No368, Février Mars 2006
123 × 153 cmCollection Mylène et Jean-Luc Mylayne © Jean-Luc Mylayne


  En premier lieu, la grande exposition consacrée à Jean-Luc Mylayne au premier étage. Né en 1946 l’artiste et photographe privilégie la figure de l’oiseau, entretenant un rapport certain à l’espace doublé d’un questionnement sur la composition picturale. Bice Curiger propose 39 œuvres allant de 1979 à 2008, chacune étant un tirage unique. Il n’est guère aisé de qualifier le travail de Mylayne puisque de nombreux facteurs entrent en ligne de compte comme le temps, la narration et la symbolique de sa présence au monde. L’oiseau ne constitue donc pas le sujet de la photographie, mais le prétexte. La dénomination de « tableaux photographiques » traduit cette complexité ; le lieu de prise de vue ne se trouve jamais indiqué, seul un numéro et une datation permettent de les situer dans la production de l’artiste.

  Se situant à côté des modes, l’artiste interroge notre rapport au monde et à la nature. Il demande au regardeur une grande attention et une perspicacité certaine, car tout repose sur les détails et leur mise en scène. La poésie qui se dégage de certaines compositions renvoie à une vision parfois adamique du monde, parfois plus tourmentée. Il faut s’imprégner du résultat comme Mylayne s’est imprégné du monde (son monde ?) photographié. Son acte créateur prend place dans une démarche totale  car vivant et travaillant avec sa femme (nommée Mylène ─ on comprend dès lors l’investissement tant artistique que personnel ─) dans ces espaces naturels où glissent des oiseaux. Perfection du peu ? Variations imperceptibles ? Miroitements divers ? Réfractions minuscules ? L’harmonie apparaît et disparaît aussi vite que les changements d’éclairage et les déplacements de la gent ailée. Si la photographie a figé le temps, la peinture a pris son envol.   



Lumières obscurcies


James Ensor, Le Pisseur, 1887
Eau-forte en noir (1/1), 145 × 103 mm ; 150 × 110 mm
Ensor Foundation Ostend
© Adagp, Paris, 2018 / © Ensor Foundation Ostend


  Au deuxième et troisième étages, se trouve l’exposition organisée par Julia Marchand consacrée à l’interaction entre James Ensor (le grand artiste belge 1860-1949) et Alexander Kluge (né en 1932, cinéaste, écrivain, théoricien et artiste allemand) au travers d’une quarantaine de gravures (datées de 1886 à 1904) et de onze films très récents. La thématique de la constellation permet d’abandonner la linéarité et la chronologie et de partir à la découverte d’une certaine noirceur. Ensor a une position à la fois antimoderne très caustique (héritée du 19ème siècle) et une autre plus conformiste (lié à une impossibilité de vraiment vouloir comprendre les grands changements artistiques de la modernité). Pour Kluge, qui a utilisé dans ses propres productions l’œuvre gravée d’Ensor (« Hommage à James Ensor », 2018) il s’agit de questionner la notion de grotesque et de l’incorporer dans une approche de cette seconde moitié du 20ème siècle. Ses films, présentés à la Fondation, reprennent en partie l’approche dada en la replaçant dans un contexte différent. Cinéaste qui a participé au renouveau du cinéma allemand d’après-guerre, la contestation de la réalité et de l’oppression demeure essentielle, mais au travers d’une mise à distance des conséquences, c’est-à-dire en optant pour une présentation des faits et non pas en posant un jugement moral. Le jeu des mots se conjugue avec le jeu des images pour démonter les enjeux historiques.  



                                                                                                                                                     Christian Skimao


Alexander Kluge, Chinoiserie musicale de Jacques Offenbach, 1855 / « Bataclan » , 2018
Film avec images de Peter Konwitschny
Durée : 05 min 35 s
© Alexander Kluge










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