mercredi 9 octobre 2024

Exposition "La Haute Note Jaune", Fondation Vincent van Gogh, Arles, 2024-25

 

Exposition La Haute Note Jaune

 Avec Richard Artschwager, Paul Blanchet dit Le Sauvage, Louise Bourgeois, Vittorio Brodmann, Claude Cahun, Nina Childress, Martin Disler, VALIE EXPORT, Markus Gadient, Bruno Jakob, Asger Jorn, Martha Jungwirth, Karen Kilimnik, Verena Loewensberg, Albert Oehlen, Thomias Radin, Pipilotti Rist, Klaudia Schi­erle, Pierre Schwerzmann, Hyun-Sook Song, Vincent van Gogh, Dominique White

Fondation Vincent van Gogh, Arles

Du 5 octobre 2024 au 2 février 2025

 

 

Louise Bourgeois, Arch of Hysteria, bronze et patine polie,1993.

 

                              Le jaune dans tous ses états

 

  Une fois encore, Vincent se trouve en position centrale, avec son Lieur de gerbes (1889). Accompagné par VALIE EXPORT, la grande artiste autrichienne, qui ouvre l’exposition avec des clichés d’elle-même des années 1970, réutilisés en 2009, décadrés et colorisés partiellement en jaune (Jump). Un autoportrait en noir et blanc de la même époque la montre en train de présenter un paquet de cigarettes, celui qui donnera son pseudonyme. Elle s’achève sur les « peintures invisibles » de Bruno Jakob, sans jaune, sans rien, en apparence, mais avec la trace de l’eau et la possibilité de retenir toute l’énergie du monde. Rappelons la tradition chinoise d’écriture avec de l’eau qui s’évapore rapidement, sur une surface de pierre ou autre, laissant ainsi place à la force du fugace.

 

  Un grand nombre de peintures, plus ou moins figuratives, de grand format et de grande qualité se trouvent entre les deux artistes précités. Asger Jorn, avec des toiles des années 1960, rébellion colorée du membre-fondateur danois de Cobra, où les hurlements stridents des couleurs se marient à la pensée en action. Plus tardivement, Martin Disler s’occupe à mettre à mal le bon goût en une sarabande post-expressionniste. Cet artiste suisse, né en 1949, également écrivain, a eu sa première exposition à la Kunsthalle de Bâle avant de mourir en 1996. Une découverte pour certains, les travaux récents et passionnants de Markus Gadient qui travaille sur la notion de paysage de façon récurrente, entre couleur et grisaille. Martha Jungwirth expose de grandes toiles à partir d’une relecture de l’Asperge d’Édouard Manet en un superbe choc spatio-temporel. De somptueuses réalisations de Hyun-Sook Song, coréenne d’origine, vivant et travaillant en Allemagne, permettent de faire le pont entre les deux pratiques. Ses coups de pinceaux définissent un espace où l’objet acquiert une dimension nouvelle : mystérieuse, majestueuse et précieuse.

 

Martha Jungwirth, une des peintures de la série Edourd Manet L'asperge, 2023

  D’autres travaux s’inscrivent dans une abstraction au sens large avec Albert Oehlen et son triptyque réalisé à l’huile et à la laque sur Alubond. Ce recouvrement de jaune (qui pourrait être celui de la couleur de la poste allemande, comme le rappelle avec malice Bice Curiger dans son texte de présentation) ne manque pas de puissance puisqu’il se trouve surligné par des tracés noirs et remanié par une série de signes et de points : l’industriel au service de l’artisanal ? Caché dans un recoin, un petit portrait, très libre, de Van Gogh. Pierre Schwerzmann use du  trompe-l’œil avec brio. Ses œuvres froides et géométriques ne se trouvent point réalisées sur du métal, mais sur de la toile. L’effet obtenu oblige à reconsidérer les dates des œuvres et leur inscription dans une histoire de l’art décalée. Verena Loewensberg, la seule figure féminine de l’art concret suisse, se trouve mise en valeur avec sept toiles. Toute la rigueur du mouvement s’y retrouve, tempéré d’une certaine joie intérieure.

 

  Nina Childress, inclassable, propose des portraits réalisés avec des pigments phosphorescents dont Family of 24 (Ringo et Sheila entourés de peluches monstrueuses), les quatre portraits de Sylvie Vatan (2023), ou Genoux serrés et Bad genoux serrés. L’utilisation de torches spéciales demeurent indispensables pour découvrir les effets visuels de ces compositions pop, verdâtres en apparence et pleines de secrets.

 

  Côté volume, une œuvre de l’immense Louise Bourgeois, suspendue dans l’espace, Arch of Hysteria (1993), en bronze poli, corps féminin sans tête et en tension, qui interroge sur sa vie et ses obsessions. Richard Artschwager propose un gros point d’exclamation jaune très dynamique tandis qu’à l’étage une admirable sculpture de Dominique White nous attend, The Tortuous (La Tortueuse) de 2023. En acajou et fer forgé, une sorte de spirale pointue comme une lance s’élance vers le ciel tandis que sa base brisée nous invite à réfléchir sur la vanité des choses.

 

  Des portraits de Paul Blanchet dit Le Sauvage (1865-1947), émaillent la monstration. L’homme revenu de son service militaire au Sénégal décida de n’en plus faire qu’à sa tête, de raconter des histoires et de prendre des poses lors de saynètes comme un moderne performer. Il est né et a vécu à Saint-Rémy-de-Provence, n’a jamais rencontré Van Gogh, mais fait partie désormais d’une « légende dorée » laïque, donc jaune.

 

                                                                                                                                                    Christian Skimao

 

 

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PS  En 2007, Claude Viallat exposait à la Fondation Van Gogh (la première, que dirigeait alors Yolande Clergue) sous l’intitulé La haute note jaune. Je profite de cette correspondance pour saluer la mémoire de cette pionnière arlésienne, disparue récemment en septembre 2024.

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