Exposition
collective Le futur est déjà là Symptômes du vivant #2
Associée
à Chroniques, la Biennale des Imaginaires numériques.
Avec Donatien
AUBERT, France CADET, Thierry COHEN, Heather DEWEY-HAGBORG, Bastien FAUDON, Mathieu
GAFSOU, Esmeralda KOSMATOPOULOS, Ethel LILIENFELD, Maxime MATTHYS, Julien
PRÉVIEUX, STELARC, VARVARA & MAR, Filipe VILAS-BOAS
Le
Grenier à sel, Avignon
Du 5
octobre au 31 décembre 2024
Déclinaison d'un futur au présent
C’était mieux avant quand les technologies
faisaient encore rêver. Peut-être…ou pas. Certains artistes émettent des doutes
concernant l’évolution technologique comme Maxime Mathis et son projet 2091
: The Ministry of Privacy, qui parodie le travail de surveillance de la communauté
ouïghoure par l’état chinois. De même, Heather Dewey-Hagborg propose un
portrait-sculpture à partir d’analyses de matériel génétique. Julien Prévieux,
prix Marcel Duchamp 2014 (10 ans déjà, donc un autre monde), avec Les
inconnus connus inconnus questionne l’identité avec l’utilisation de la reconnaissance
faciale. Où se trouve désormais la frontière brouillée entre la célébrité et/ou
son invention ?
D’autres continuent dans une sorte d’exploration
ludique comme Filipe Vilas-Boas avec Dumb City / La peau de banane
intelligente, une fausse peau de banane qui prend vie et bouge lorsque l’on
s’approche d’elle. En contrepoint, The Punishment qui comme son nom
l’indique représente un bras articulé en train de rédiger des lignes de
punition, de façon préventive, comme un élève indocile d’autrefois. Questionnante
monstration qui nous fait voguer à travers les siècles et qui débute avec le Pierrot
écrivain d’André Soriano (première moitié du 20ème siècle), un automate
à musique qui est la réplique ancienne de celui créé par la maison
Vichy au 19ème siècle. Au recto, apparaît la figure romantique du Pierrot
qui écrit à Colombine, au recto la vision des rouages constitutifs. Stelarc,
artiste légendaire et historique, a toujours voulu aller plus loin dans la
relation corps-machine : « Tous mes projets et performances se penchent
sur l’augmentation prothésique du corps, que ce soit une augmentation par la
machine, une augmentation virtuelle ou par des processus biologiques. » (Libération,
2007). Une vidéo de 1997 Parasite jouxte les éléments corporels augmentés,
exposés sous vitrine, comme la fameuse troisième main. France Cadet, artiste
remarquable et remarqué, œuvre également du côté de l’hybridation, se mettant
en scène dans la « peau » d’un cyborg avec la série Robot mon
amour.
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Vidéo Parasite, Stelarc en action, 1997 |
Beaucoup
travaillent dans des directions multiples qui parfois se rejoignent. Ainsi Donatien
Aubert, artiste de talent et théoricien, propose un ambitieux projet nommé Veille
infinie qui comprend un certain nombre de réalisations comme son court-métrage
en images de synthèse, au titre éponyme, mais aussi une installation très rétro
Les profileurs profilés (Jeff, Elon et Mark) en noir et blanc avec des
halos lumineux qui ne sont pas sans rappeler la scène de Metropolis de
Fritz Lang avec la transformation de l’androïde. Sans oublier des blocs
holographiques et des dispositifs sculpturaux qui demeurent à la fois
inquiétants et séduisants. Esmeralda Kosmatopoulos a réalisé une quinzaine de
paires de mains, réinterprétant celles de Bruce Nauman ; fixes, elles semblent
pourtant vivantes dans la pénombre. Elle étudie ainsi la relation entre le
corps humain et les appareils technologiques (téléphones portables). Enfin, Thierry
Cohen (affiche de l’exposition) avec ses photographies Binary Kids s’interroge
sur l’avenir de la jeunesse par rapport aux envahissantes nouvelles technologies.
À l’étage, un film réalisé par Ethel
Lilienfeld, EMI nous interroge sur la vie potentielle d’une influenceuse
d’aujourd’hui, entre narration consumériste et réalité numérique. La force
dramatique de l’ensemble se pare des éléments d’un décor réinventé, proche de Barbie.
Mais nos modernes images de synthèse meurent aussi et que deviennent alors les
êtres de chair et d’os ?
En conclusion, deux titres d’ouvrages pourraient
paradoxalement résumer l’ensemble : Surveiller et punir de Michel Foucault
et La vie mode d’emploi de Georges Perec. Il semblerait qu’avec les
avancées technologiques d’aujourd’hui, toute production légèrement antérieure
dégage rapidement un parfum de nostalgie. Evoquerions-nous un futur presque dépassé
par un présent toujours en avance ?
Christian Skimao
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