mardi 15 octobre 2024

 

Exposition collective Le futur est déjà là Symptômes du vivant #2

Associée à Chroniques, la Biennale des Imaginaires numériques.

Avec Donatien AUBERT, France CADET, Thierry COHEN, Heather DEWEY-HAGBORG, Bastien FAUDON, Mathieu GAFSOU, Esmeralda KOSMATOPOULOS, Ethel LILIENFELD, Maxime MATTHYS, Julien PRÉVIEUX, STELARC, VARVARA & MAR, Filipe VILAS-BOAS

Le Grenier à sel, Avignon

Du 5 octobre au 31 décembre 2024

 

                   

  


                

                       Déclinaison d'un futur au présent

 

  C’était mieux avant quand les technologies faisaient encore rêver. Peut-être…ou pas. Certains artistes émettent des doutes concernant l’évolution technologique comme Maxime Mathis et son projet 2091 : The Ministry of Privacy, qui parodie le travail de surveillance de la communauté ouïghoure par l’état chinois. De même, Heather Dewey-Hagborg propose un portrait-sculpture à partir d’analyses de matériel génétique. Julien Prévieux, prix Marcel Duchamp 2014 (10 ans déjà, donc un autre monde), avec Les inconnus connus inconnus questionne l’identité avec l’utilisation de la reconnaissance faciale. Où se trouve désormais la frontière brouillée entre la célébrité et/ou son invention ?

 

  D’autres continuent dans une sorte d’exploration ludique comme Filipe Vilas-Boas avec Dumb City / La peau de banane intelligente, une fausse peau de banane qui prend vie et bouge lorsque l’on s’approche d’elle. En contrepoint, The Punishment qui comme son nom l’indique représente un bras articulé en train de rédiger des lignes de punition, de façon préventive, comme un élève indocile d’autrefois. Questionnante monstration qui nous fait voguer à travers les siècles et qui débute avec le Pierrot écrivain d’André Soriano (première moitié du 20ème siècle), un automate à musique qui est la réplique ancienne de celui créé par la maison Vichy au 19ème siècle. Au recto, apparaît la figure romantique du Pierrot qui écrit à Colombine, au recto la vision des rouages constitutifs. Stelarc, artiste légendaire et historique, a toujours voulu aller plus loin dans la relation corps-machine : « Tous mes projets et performances se penchent sur l’augmentation prothésique du corps, que ce soit une augmentation par la machine, une augmentation virtuelle ou par des processus biologiques. » (Libération, 2007). Une vidéo de 1997 Parasite jouxte les éléments corporels augmentés, exposés sous vitrine, comme la fameuse troisième main. France Cadet, artiste remarquable et remarqué, œuvre également du côté de l’hybridation, se mettant en scène dans la « peau » d’un cyborg avec la série Robot mon amour.

 

Vidéo Parasite, Stelarc en action, 1997

   Beaucoup travaillent dans des directions multiples qui parfois se rejoignent. Ainsi Donatien Aubert, artiste de talent et théoricien, propose un ambitieux projet nommé Veille infinie qui comprend un certain nombre de réalisations comme son court-métrage en images de synthèse, au titre éponyme, mais aussi une installation très rétro Les profileurs profilés (Jeff, Elon et Mark) en noir et blanc avec des halos lumineux qui ne sont pas sans rappeler la scène de Metropolis de Fritz Lang avec la transformation de l’androïde. Sans oublier des blocs holographiques et des dispositifs sculpturaux qui demeurent à la fois inquiétants et séduisants. Esmeralda Kosmatopoulos a réalisé une quinzaine de paires de mains, réinterprétant celles de Bruce Nauman ; fixes, elles semblent pourtant vivantes dans la pénombre. Elle étudie ainsi la relation entre le corps humain et les appareils technologiques (téléphones portables). Enfin, Thierry Cohen (affiche de l’exposition) avec ses photographies Binary Kids s’interroge sur l’avenir de la jeunesse par rapport aux envahissantes nouvelles technologies.

 

  À l’étage, un film réalisé par Ethel Lilienfeld, EMI nous interroge sur la vie potentielle d’une influenceuse d’aujourd’hui, entre narration consumériste et réalité numérique. La force dramatique de l’ensemble se pare des éléments d’un décor réinventé, proche de Barbie. Mais nos modernes images de synthèse meurent aussi et que deviennent alors les êtres de chair et d’os ?

 

  En conclusion, deux titres d’ouvrages pourraient paradoxalement résumer l’ensemble : Surveiller et punir de Michel Foucault et La vie mode d’emploi de Georges Perec. Il semblerait qu’avec les avancées technologiques d’aujourd’hui, toute production légèrement antérieure dégage rapidement un parfum de nostalgie. Evoquerions-nous un futur presque dépassé par un présent toujours en avance ?

 

                                                                                                                                                    Christian Skimao

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