Exposition
Parade, une scène française
Collection
Laurent Dumas
MO.CO,
Montpellier
Du 26
octobre 2024 au 12 janvier 2025
Claire Tabouret, Makeup (Red and Purple), 2016. Exposition MO.CO Montpellier, 2024.
Comme à la Parade
Un
ticket gagnant se remet en place : une collection privée d’art
contemporain rencontre une institution publique qui la reçoit, les deux contribuant
à la réussite d’un événement tant didactique que passionnant. Évidemment, ceci
ravive quelques souvenirs. Ainsi, Laurent Dumas, président du groupe Emerige, achète
de l’art français depuis plus de vingt ans et va ouvrir en 2026 un centre d’art
privé sur l’île Seguin à Boulogne-Billancourt. Une sélection d’œuvres lui
appartenant, réalisées par une quarantaine d’artistes, se trouve mise en scène avec
soin dans les locaux de l’Hôtel de Montcalm, avec une forte présence de
peintures, agrémentée de quelques sculptures et de réalisations plus composites.
Des artistes historiques comme Jean-Pierre
Pincemin avec une très belle peinture intitulée L’arbre au tombeau de 1999,
Daniel Spoerri, qui vient de nous quitter, avec Bateau en détresse ou péril
en mer (Détrompe - l’œil) de 1985, assemblage d’une tapisserie rehaussée de
peinture, d’un gyrophare, d’un véritable rostre de poisson scie qui jaillit en
avant, menaçant et ironique, de feuillages artificiels et de poissons en
porcelaine, contrecollés sur un panneau en bois. Raymond Hains se trouve
présent avec Votez Arlette, de 1974, un décollage sur toile où il a
récupéré un morceau d’affiche où apparaissent, grâce aux déchirures, les
strates d’une certaine réalité. Christian Boltanski, incontournable, avec Réserve
- La fête de Pourim, de 1990, reprend une de ses séries où des images floutées
d’enfants juifs de 1939 se trouvent au-dessus de boîtes en aluminium rouillé. Le
temps s’écoule alors que la douleur de la disparition demeure.
Les variations picturales se déclinent avec une
autre génération, comme Hélène Delprat avec WUT (FUREUR) de 2022, immense
acrylique sur toile, mesurant 245 x 970 cm, où les riches motifs ornementaux
cachent une réalité historique. Elle a utilisé une photo de 1945, lorsque des
soldats russes inspectaient le bunker où s’était suicidé Hitler. La grande Nina
Childress qui interroge sans cesse les images au travers de réalisations où le
kitsch flirte avec un univers très psychanalytique, Long Hair Piece (Pièce
aux longs cheveux) de 1998. La peinture épurée de Djamel Tatah qui œuvre
dans un espace scénique et pictural côtoie les rébus intimistes de Georges Tony
Stol. Sans oublier l’immense travail de Fabrice Hyber, bricoleur génial et créateur
quantique, autour de la nature, avec Tornade de 2008-09 où le
pédagogique rejoint l’artistique.
Adel Abdessemed, Untitled, 2014. Exposition MO.CO, Montpellier,2024.
N’oublions pas une vague encore plus jeune de créateurs comme Assan Smati et son grand tableau aux couleurs vives, Parade, de 2015, 283 x 540 cm, où le grotesque le dispute au tragique et qui donne le titre à l’ensemble de l’exposition. En effet, la notion de combat se trouve présente d’emblée avec des clowns armés de bâtons et menaçant un trapéziste à terre. Cette problématique se trouve présente également dans La lutte de 2012 de Rayan Yasmineh qui joue avec les codes du « non finito » italien et des représentations orientales. Il en émerge une sorte de décalage cultivé fort intéressant. La sculpture époustouflante d’Adel Abdessemed, Sans titre, de 2014, reprend aussi des références historiques, le tableau du Caravage intitulé Sacrifice d’Isaac de 1597-98. Ici, les deux figures humaines constituées de lames de scalpel, représentent un homme agenouillé, l’artiste, tandis que celui qui tient le couteau est son père. La violence visuelle se charge aussi d’une violence symbolique où soumission et rébellion se déclinent par rapport à des messages venus d’ailleurs. Enfin Claire Tabouret, qui vit et travaille à Los Angeles, dont les oeuvres frappent par leur puissance et leur étrangeté car elle réussit à rendre inquiétantes les scènes les plus banales.
Une collection à voir et à revoir, dans le
cadre d’une relecture de nos futurs classiques…
Christian Skimao