Archives
Hans Ulrich Obrist
Exposition
Maria Lassnig “Vivre avec l’art empêche de se faner », La Tour,
galerie des Archives, galerie du Cerisier, niveau -2, LUMA, Arles
Saison 2025, ouverture en mai
Maria Lassnig, Früstück mit Ohr (Petit-déjeuner avec oreille), 1967. LUMA 2025. |
Éclectismes (partie
2)
Retour
à la peinture avec une importante présentation d’œuvres de Maria Lassnig (1919-2014), grande créatrice autrichienne qui
s’inscrit dans une peinture très particulière, à la fois expressionniste et
surréaliste, mais qui penche aussi du côté de l’informel et la Nouvelle
Figuration. L’importance de son engagement féministe se traduit par une mise en
scène de sa propre personne, sans aucune complaisance, en utilisant souvent des
couleurs criardes, exprimant à la fois la dureté des temps et une certaine
hostilité du milieu où elle vit. Elle a beaucoup pratiqué l’autoportrait qui
repose sur la notion de « conscience corporelle » qui peut se
traduire par le fait qu’elle peint, non pas ce qu’elle voit, mais ce qu’elle
ressent au travers des parties de son corps. Ce subjectivisme ne demeure
néanmoins pas à l’état de rêverie mais apparait comme le moteur d’un activisme
tous azimuts.
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Maria Lassnig, Selbst als Almkuh (Moi-même en vache alpine), 1987. LUMA 2025. |
Avec Selbst als Almkuh (Moi-même en
vache alpine) de 1987, se met en place une fusion de la nudité de l’artiste
avec la silhouette d’une vache alpine à cornes. Elle inscrit son propos dans
une relecture mythologique sous-jacente tout en gardant une ironie constante
par rapport à cette interprétation trop éthérée, car la vache pourrait être
aussi un animal doué d’une intelligence limitée. Par contre au niveau de la
figuration, nous nous trouvons face à un autoportrait féminin aux seins
nus : naturisme ou naturalisme ? La forme générale demeure dans le
registre du grotesque tout en évoquant un fort sentiment de puissance qui
l’autonomise par rapport à un regard masculin. Enfin, les couleurs pastel
apportent une gaieté inattendue évoquant une plaisanterie sur fond d’alpages
autrichiens de sa jeunesse, tout en optant pour des tracés assez bruts. Elle
est intervenue dans le domaine de l’animation avec un film comme Selfportrait
(1971), où sa tête, peinte au feutre, chante en anglais avec un très fort
accent autrichien. La présentation de ses désirs et de sa quête éternelle se
trouve tournée en dérision par elle-même, une approche très parodique, proche
du style d’une chanteuse de cabaret des années 1930. Maria Lassnig recevra conjointement avec
Marisa Merz, le Lion d’Or de la Biennale de Venise en 2013. Hans Ulrich Obrist
a été frappé à 17 ans par sa rencontre ans avec elle dans son atelier de Vienne.
Il a continué à la défendre et à mettre en avant son travail, tant au niveau
critique qu’à la Serpentine Gallery de Londres. Des affiches d’exposition, des
entretiens vidéo entre eux deux ainsi que leur correspondance, classée
chronologiquement, complètent l’ensemble.
Christian Skimao