Site
archéologique Lattara-Musée Henri Prades, Lattes
Exposition
Les Historiens du futur de Léo Fourdrinier
Du 25
janvier au 30 juin 2025
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Vénus, Léo Fourdrinier, exposition "Les Historiens du futur", 2025 |
Yamaha
mon amour
Nous ne pouvions faire l’économie de cette
allusion à Hiroshima …, titre d’un film célèbre d’Alain Resnais, scénario
écrit par Marguerite Duras, sorti en 1959 qui nous entraîne d’emblée dans l’Histoire
et les histoires des deux protagonistes. L’exposition de Léo Fourdrinier, produite
dans le cadre des expositions réalisées par le MO.CO. Montpellier Art
Contemporain avec le Musée Henri Prades, s’inscrit dans une sorte de glissement
du futur dans notre passé. L’oeuvre installée à l’entrée, Vénus (2024), mixe
des parties de moto Yamaha, avec du marbre de Carrare, de l’acier, et de la résine.
Ainsi la notion d’hybridation se trouve énoncée d’emblée tandis que
s’établissent les correspondances avec ces « historiens du futur ».
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Léo Fourdrinier, exposition "Les historiens du futur", 2025 |
Dans les diverses salles, une tribu de
motards ou plutôt leur représentation deviennent les archéologues de nos
illusions perdues. Cette collaboration voulue entre vieilles pierres,
combinaisons plus ou moins clinquantes, récits antiques et modernes, crée un
cocktail détonant et extrêmement contemporain. Ces personnages, revêtus de
combinaisons de cuir, chaussés de bottes ou de chaussures de ski, sans visage visible,
puisque cachés derrière les visières plus ou moins surdimensionnées de leurs
casques, semblent comme disséminés. A la recherche d’une eau disparue (celle du
port de Lattara ?), quête philosophique ou triviale réalité d’un monde qui
nous guette, ils ne possèdent ni sexe défini, ni hiérarchie apparente.
Seuls deux enfants « cosmonautes », (fille et garçon, ou pas), avec
une bannière siglée « Love », rompent ce bel ordonnancement des
chercheurs en train de chercher. Nos historiens, harnachés de reproductions archéologiques
diverses, surtout des moulures de visages antiques, se trouvent aussi reliés à
des néons énergisants. Assis nonchalamment, postés en hauteur, accroupis trivialement
sur une mosaïque antique, en train de se réunir autour d’une véritable moto
Kawasaki (infidélité donc à la Yamaha précitée), dans un décor d’amphores, de
jarres, de pots de statues et de bas-reliefs, ils ressemblent à des cueilleurs-guetteurs
en train de suivre les dernières traces d’un monde perdu. L’utilisation de
la science-fiction apparaît à la fois
très forte mais aussi très parodique. La littérature pourrait nous permettre de
situer cette monstration dans le domaine de l’antiquité revisitée, autour de l’œuvre
d’un grand auteur français, quelque peu oublié aujourd’hui, Alain Nadaud (1948-2015),
influencé par l’imaginaire de Jorge Luis Borges.
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Léo Fourdrinier, "Les Historiens du futur", 2025 |
En tout cas, Léo Fourdrinier possède un sacré
sens de la mise en scène et un grand talent pour saisir nos enjeux sociétaux. L’ensemble
fonctionne à merveille au travers de ce syncrétisme historique, avec une
élégance teintée d’émotion.
Christian Skimao