Exposition
Benzine Cyprine de Kamille Lévêque Jégo
Galerie
Fotoloft Negpos, Nemausus, Nîmes
Du 28
juin au 125 octobre 2025
Kamille Lévêque Jégo, vue partielle de l'exposition, Negpos, 2025
REBIRTH
Kamille Lévêque Jégo est une photographe qui œuvre,
entre autres, depuis des années (2014-2020) sur un documentaire nommé Benzine
Cyprine, mettant en images un gang de filles. Elle s’inscrit d’un côté dans
une esthétique picturale jouant avec les codes connotés de la représentation et
de l’autre dans un discours qui s’affiche comme féministe. Le but de l’art
n’est pas de simplement dénoncer un état de fait, mais de démonter les codes
connotés afin de poser un œil neuf sur le monde. Son projet, présenté la
première fois aux Rencontres d’Arles, dans le cadre de la Nuit de l’année le 5
juillet 2019, se décline en tirages de taille variable en fonction des lieux de
monstration. Ici, à Negpos, de grands formats côtoient des œuvres plus petites
en une sarabande plastique, ponctuée de diverses citations de l’auteure.
L’art ne se situe pas dans la vérité, il crée
une illusion qui le rend plus désirable encore. Toute la scénographie se trouve
construite en amont avec des croquis préparatoires avant de passer aux prises
photographiques. Les modèles choisis sont des connaissances de l’artiste plutôt
que des actrices afin de retrouver l’illusion de réalité qui ne fonctionne pas
toujours avec des professionnelles. Ainsi le gang, mis en scène, reprend les attitudes
très connotées des « bad boys », mais en les détournant du côté
féminin. Les activités du gang s’inscrivent, en apparence, dans une esthétique
dure mais aussi dans le cadre d’une subtile réflexion sur la spécificité
féminine. Il n’y a ni apologie de la drogue, ni culte de la criminalité, ni
volonté de puissance viriliste comme dans de nombreux films qui encombrent nos imaginaires.
Les corps en action reprennent les poses de
la bagarre, l’explosion des tensions, la remise en cause de l’ordre (ainsi en
va-t-il de la devise de la République française inscrite au fronton d’un
potentiel édifice « LIBERTE EGALITE FRATERNITE » ; la portion
dédiée aux frères « FRATER » se trouve barrée et remplacé par un tag
vengeur en lettres rouges « ET TA SŒUR ?! »). Les normes se
trouvent donc détournées par rapport à un espace urbain réel où les femmes ont
du mal à trouver leur place. La réponse au sexisme urbain ne se trouve pas dans
l’illégalité, mais dans une pensée en action qui s’incarne dans la sororité du
gang. Comme le dit fort justement Kamille Lévêque Jégo : « … donner à
voir une féminité flamboyante qui va à contre-sens des figures mièvres,
complaisantes et hypersexuées de la femme, celles-là même qui saturaient les
flux médiatiques des grands et petits écrans, de la presse ou encore de la
publicité. »
Dans une perspective de renversement assez amusante,
liée aux glissements linguistiques de part et d’autre de l’Atlantique, « la
gang » désigne en québécois (ou plutôt en français canadien) une bande de
copains et/ou de copines. L’article féminin fait ainsi irruption là où on ne
l’attendait pas. Enfin, ne perdons pas de vue les autres projets d’une artiste douée
et extrêmement énergique.
Christian Skimao
![]() |
Kamille Lévêque Jégo, exposition Negpos, 2025 |
Nota bene : l’exposition
a été vandalisée à la fin du mois d’ avril 2025 dans les locaux de Negpos par
des inconnus, non encore identifiés. Cette intolérance à l’encontre
d’une manifestation artistique rappelle des périodes bien sombres. Le titre
« Rebirth » joue à la fois sur la renaissance de l’exposition et l’éternel
retour de l’art face à une censure violente prônant la destruction. Un débat
public, organisé par le réseau LUX et intitulé « Engagement artistique :
quels espaces de liberté aujourd’hui ? » se tiendra dans la cour de l’Archevêché
de 19h à 20h, le 10 juillet à Arles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire