mardi 1 juillet 2025

Exposition "Benzine Cyprine" de Kamille Lévêque Jégo. Nîmes, 2025

 

Exposition Benzine Cyprine de Kamille Lévêque Jégo

Galerie Fotoloft Negpos, Nemausus, Nîmes

Du 28 juin au 125 octobre 2025

 

Kamille Lévêque Jégo, vue partielle de l'exposition, Negpos, 2025

                                     REBIRTH

 

  Kamille Lévêque Jégo est une photographe qui œuvre, entre autres, depuis des années (2014-2020) sur un documentaire nommé Benzine Cyprine, mettant en images un gang de filles. Elle s’inscrit d’un côté dans une esthétique picturale jouant avec les codes connotés de la représentation et de l’autre dans un discours qui s’affiche comme féministe. Le but de l’art n’est pas de simplement dénoncer un état de fait, mais de démonter les codes connotés afin de poser un œil neuf sur le monde. Son projet, présenté la première fois aux Rencontres d’Arles, dans le cadre de la Nuit de l’année le 5 juillet 2019, se décline en tirages de taille variable en fonction des lieux de monstration. Ici, à Negpos, de grands formats côtoient des œuvres plus petites en une sarabande plastique, ponctuée de diverses citations de l’auteure.

  L’art ne se situe pas dans la vérité, il crée une illusion qui le rend plus désirable encore. Toute la scénographie se trouve construite en amont avec des croquis préparatoires avant de passer aux prises photographiques. Les modèles choisis sont des connaissances de l’artiste plutôt que des actrices afin de retrouver l’illusion de réalité qui ne fonctionne pas toujours avec des professionnelles. Ainsi le gang, mis en scène, reprend les attitudes très connotées des « bad boys », mais en les détournant du côté féminin. Les activités du gang s’inscrivent, en apparence, dans une esthétique dure mais aussi dans le cadre d’une subtile réflexion sur la spécificité féminine. Il n’y a ni apologie de la drogue, ni culte de la criminalité, ni volonté de puissance viriliste comme dans de nombreux films qui encombrent nos imaginaires.

  Les corps en action reprennent les poses de la bagarre, l’explosion des tensions, la remise en cause de l’ordre (ainsi en va-t-il de la devise de la République française inscrite au fronton d’un potentiel édifice « LIBERTE EGALITE FRATERNITE » ; la portion dédiée aux frères « FRATER » se trouve barrée et remplacé par un tag vengeur en lettres rouges « ET TA SŒUR ?! »). Les normes se trouvent donc détournées par rapport à un espace urbain réel où les femmes ont du mal à trouver leur place. La réponse au sexisme urbain ne se trouve pas dans l’illégalité, mais dans une pensée en action qui s’incarne dans la sororité du gang. Comme le dit fort justement Kamille Lévêque Jégo : « … donner à voir une féminité flamboyante qui va à contre-sens des figures mièvres, complaisantes et hypersexuées de la femme, celles-là même qui saturaient les flux médiatiques des grands et petits écrans, de la presse ou encore de la publicité. »

  Dans une perspective de renversement assez amusante, liée aux glissements linguistiques de part et d’autre de l’Atlantique, « la gang » désigne en québécois (ou plutôt en français canadien) une bande de copains et/ou de copines. L’article féminin fait ainsi irruption là où on ne l’attendait pas. Enfin, ne perdons pas de vue les autres projets d’une artiste douée et extrêmement énergique.

 



                                                                                                                                                     Christian Skimao


Kamille Lévêque Jégo, exposition Negpos, 2025


Nota bene : l’exposition a été vandalisée à la fin du mois d’ avril 2025 dans les locaux de Negpos par des inconnus, non encore identifiés. Cette intolérance à l’encontre d’une manifestation artistique rappelle des périodes bien sombres. Le titre « Rebirth » joue à la fois sur la renaissance de l’exposition et l’éternel retour de l’art face à une censure violente prônant la destruction. Un débat public, organisé par le réseau LUX et intitulé « Engagement artistique : quels espaces de liberté aujourd’hui ? » se tiendra dans la cour de l’Archevêché de 19h à 20h, le 10 juillet à Arles.  

 


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