Expositions « L’automne du paradis » de Jean-Luc Mylayne
et « Siècles noirs » (James Ensor et Alexander Kluge)
Fondation Vincent van Gogh, Arles
Du 17 novembre 2018 au 10 février
2019
L’oiseau moqueur ?
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| Jean-Luc Mylayne, No368, Février Mars 2006 123 × 153 cmCollection Mylène et Jean-Luc Mylayne © Jean-Luc Mylayne |
En
premier lieu, la grande exposition consacrée à Jean-Luc Mylayne au premier
étage. Né en 1946 l’artiste et photographe privilégie la figure de l’oiseau,
entretenant un rapport certain à l’espace doublé d’un questionnement sur la
composition picturale. Bice Curiger propose 39 œuvres allant de 1979 à 2008,
chacune étant un tirage unique. Il n’est guère aisé de qualifier le travail de
Mylayne puisque de nombreux facteurs entrent en ligne de compte comme le temps,
la narration et la symbolique de sa présence au monde. L’oiseau ne constitue
donc pas le sujet de la photographie, mais le prétexte. La dénomination de
« tableaux photographiques » traduit cette complexité ; le lieu
de prise de vue ne se trouve jamais indiqué, seul un numéro et une datation
permettent de les situer dans la production de l’artiste.
Se situant à côté des modes, l’artiste interroge notre rapport au monde
et à la nature. Il demande au regardeur une grande attention et une
perspicacité certaine, car tout repose sur les détails et leur mise en scène.
La poésie qui se dégage de certaines compositions renvoie à une vision parfois
adamique du monde, parfois plus tourmentée. Il faut s’imprégner du résultat
comme Mylayne s’est imprégné du monde (son monde ?) photographié. Son acte
créateur prend place dans une démarche totale car vivant et travaillant
avec sa femme (nommée Mylène ─ on comprend dès lors l’investissement tant artistique
que personnel ─) dans ces espaces naturels où glissent des oiseaux.
Perfection du peu ? Variations imperceptibles ? Miroitements
divers ? Réfractions minuscules ? L’harmonie apparaît et disparaît
aussi vite que les changements d’éclairage et les déplacements de la gent
ailée. Si la photographie a figé le temps, la peinture a pris son envol.
Lumières obscurcies
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| James Ensor, Le Pisseur, 1887 Eau-forte en noir (1/1), 145 × 103 mm ; 150 × 110 mm Ensor Foundation Ostend © Adagp, Paris, 2018 / © Ensor Foundation Ostend |
Au deuxième et troisième
étages, se trouve l’exposition organisée par Julia Marchand consacrée à
l’interaction entre James Ensor (le grand artiste belge 1860-1949) et Alexander
Kluge (né en 1932, cinéaste, écrivain, théoricien et artiste allemand) au
travers d’une quarantaine de gravures (datées de 1886 à 1904) et de onze films
très récents. La thématique de la constellation permet d’abandonner la
linéarité et la chronologie et de partir à la découverte d’une certaine
noirceur. Ensor a une position à la fois antimoderne très caustique (héritée du
19ème siècle) et une autre plus conformiste (lié à une impossibilité
de vraiment vouloir comprendre les grands changements artistiques de la modernité).
Pour Kluge, qui a utilisé dans ses propres productions l’œuvre gravée d’Ensor (« Hommage
à James Ensor », 2018) il s’agit de questionner la notion de grotesque et
de l’incorporer dans une approche de cette seconde moitié du 20ème
siècle. Ses films, présentés à la Fondation, reprennent en partie l’approche
dada en la replaçant dans un contexte différent. Cinéaste qui a participé au
renouveau du cinéma allemand d’après-guerre, la contestation de la réalité et
de l’oppression demeure essentielle, mais au travers d’une mise à distance des
conséquences, c’est-à-dire en optant pour une présentation des faits et non pas
en posant un jugement moral. Le jeu des mots se conjugue avec le jeu des images
pour démonter les enjeux historiques.
Christian Skimao
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| Alexander Kluge, Chinoiserie musicale de Jacques Offenbach, 1855 / « Bataclan » , 2018 Film avec images de Peter Konwitschny Durée : 05 min 35 s © Alexander Kluge |




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