Exposition Action, Geste, Peinture. Femmes dans l’abstraction, 1940-1970.
Fondation Vincent van Gogh, Arles
Du 3 juin au 22 octobre 2023
Joan Mitchell (1925-1992), Sans titre 1957, Coll. ASOM. Copyright Joan Mitchell.
Abstraites de tous
les pays, exposez-vous !
Reprendre comme titre, une injonction célèbre d’un penseur barbu fort connu du 19ème siècle, peut prêter à sourire. Pourtant la réunion de 85 artistes femmes autour de l’abstraction des années 1940 à 1970 pose le problème de leur perception globale et oblige à une relecture des enjeux de l’histoire des arts. Cette exposition itinérante, partie de la Whitechapel Gallery, vient d’arriver à la Fondation van Gogh, et se poursuivra à la Kunsthalle Bielefeld (l’année prochaine).
Si des artistes très connues comme Helen Frankenthaler, Joan Mitchell ou Maria Helena Vieira da Silva se trouvent dans cette monstration, apparaissent d’autres, moins connues, comme Ida Barbarigo ou Helen Khal, également critique d’art. Mais il ne s’agit pas d’inconnues, puisque leurs œuvres se trouvent dans des institutions. La notion d’abstraction est à prendre ici au sens large, puisque des références au surréalisme, à l’expressionnisme tardif, à l’informel, à la calligraphie, et à une approche souvent personnelle de la matérialité se trouvent à l’œuvre. Une grande hétérogénéité règne en raison du nombre important de toiles exposées. Pour une fois, les locaux de la Fondation semblent presque trop petits pour les contenir toutes.
Les rapports compliqués dans les couples d’artistes en fonction des excès de notoriété de l’un des deux apparaissent assez vite. Ainsi en va-t-il pour Elaine de Kooning (signant « EDK » pour se différencier de son mari), de Lee Krasner, épouse de Jackson Pollock ou d’Anna-Eva Bergman et ses périodes d’intense création et de séparation avec Hans Hartung. Rappelons qu’en 1988, Jean-François Mozziconacci avait présenté le travail de Bergman au musée des Beaux-arts de Carcassonne.
On y voit également des Françaises comme
l’inclassable Niki de Saint-Phalle, Judith Reigl (d’origine hongroise) défendue
par André Breton ou encore Marie Raymond (mère d’Yves Klein). Du côté de
l’Asie, Toko Shinoda, japonaise, aux travaux épurés, Atsuko Tanaka, également japonaise
et membre du légendaire mouvement Gutaï, Wook-kyung Choi, coréenne et Chinyee, sinoa-méricaine, née à Nanjing en 1929 et toujours vivante. De petites vidéos
incluses parmi les œuvres offrent une contextualisation de la création
plastique au travers des domaines de la danse et de la performance.
Atsuko Tanaka (1932-23005), Peinture 1962. Musée Cantini, Musées de Marseille. Dist. RMN-Grand Palais/Claude Almodovar / Michel Vialle
L’incroyable diversité des créations fonctionne
de pair avec une intense circulation entre le pays de naissance et celui de
résidence, d’où cette dénomination d’« histoire mondiale ». Un
dernier hommage à Betty Parsons, artiste et légendaire galeriste de 1946 à 1982
qui a présenté des femmes comme Judith Godwin et Sonja Sekula et des hommes
comme Barnett Newman et Mark Rothko. Cinq œuvres de Van Gogh, fondation oblige,
apparaissent en contrepoint, dont l’admirable et rare Paysage enneigé
(1888) sous l’intitulé Sols fertiles.
Porter un regard neuf sur cette période de
l’abstraction, vue du côté des créatrices et non plus seulement des créateurs,
change effectivement la donne. Cette exposition opte donc pour une
problématique très didactique et très historique, qui donne parfois le tournis,
entre noms, dates et créations. Seules quelques artistes de cette génération se
trouvent encore parmi nous, dont Fanny Sanín, présente en personne lors de la
présentation d’Action, Geste, Peinture. Visiteuses et visiteurs auront
donc de quoi réfléchir, discuter, se cultiver, et même débattre ensemble.
Christian Skimao
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