samedi 24 août 2024

Expositions LUMA, Arles, Verzutti, Tiranavija, Metzger, 2024

 

Expositions LUMA, Arles

Erika Verzutti The Life of Sculptures, La Tour, galerie Est

Gustav Metzger, Chacun de nous, tous ensemble (Archives Hans Ulrich Obrist), La Tour, galerie du Cerisier

Rirkrit Tiranavija A LOT OF PEOPLE, Les Forges

Eté 2024

 

 

 

                               Trois rencontres improbables

 

 

  Se trouveront donc présentés ici trois artistes : une jeune artiste brésilienne connue internationalement, un artiste thaïlandais connu mondialement, enfin un artiste historique, à la fois très connu des spécialistes et peu connu du grand public.

 

Erika Verzutti, Tour d'oeufs avec actualités, 2024.

  Erika Verzutti, née en 1971, propose des travaux en volume de haute qualité, soutenus par une réflexion intellectuelle sur l’œuvre de Brancusi et qui possèdent une forte sensualité. L’utilisation du bronze, souvent peint, n’y est pas pour rien. Résultat d’une résidence à la LUMA, cette exposition ouvre encore de nouvelles perspectives à cette œuvre toujours foisonnante et questionnante. Des formes organiques comme les œufs surprennent beaucoup ainsi que l’utilisation de journaux enrobés dans la résine. Disons qu’elle interroge sa contemporanéité au travers de références détournées de l’art moderne. Ainsi fonctionne la série de « colonnes sans fin » de Brancusi, placées de façon horizontale, et qui pourraient alors envahir un autre espace. L’humour n’est jamais absent et semble rentrer en opposition avec la solennité du bronze, matériau qualifié de noble. Dans une autre série composée d’œuvres murales tridimensionnelles, parfois peintes, se met en place un système dialectique où le lourd semble léger et inversement. Enfin, une pièce centrale, Cemetery of Stars, semble présenter physiquement tous les concepts évoqués auparavant en une sorte de bric-à-brac proche d’un étalage de marché de rue. Posé à même le sol, il faut se pencher et en faire le tour pour picorer les multiples propositions de ce puzzle mental post-moderniste ou post-contemporain. À l’écart, dans une petite pièce, un film met en lumière, au sens le plus surréaliste du terme, diverses réalisations de l’artiste.

 

Rirkrit Taranajiva, untitled 1990 (pad thaï), ingrédients pour le pad thaï.

  Rirkrit Tiranavija , artiste thaïlandais, né à Buenos Aires en 1961, a commencé dans les années 1990 à mettre en place des happenings, souvent culinaires, dans des galeries d’art contemporain, nécessitant la participation des spectateurs et spectatrices. Le fait de manger ensemble devenait ainsi le départ d’un grand mouvement qui se nommera « l’esthétique relationnelle ». Nicolas Bourriaud, critique d’art et commissaire bien connu, avait publié en 1998, aux Presses du Réel, un essai au titre éponyme pour faire le point sur la question. Si le côté convivial demeure certain au niveau de l’actualité, la conservation des « œuvres » de ladite expérience commune pose un problème lié à l’absence de vie du matériel exposé. Heureusement, des vidéos témoignent de ces temps forts mais irrémédiablement passés, tandis que la préparation d’un café turc quotidien à 15 h permet toujours au public de participer à une nouvelle expérience relationnelle. Ainsi en va-t-il pour de nombreuses traces qui acquièrent un statut de reliques dans l’art contemporain. La reconstitution d’un atelier de réparation de parapluies, quelque part en Asie, nous accueille dès l’entrée, sorte d’inimitable bazar où tout se trouve finalement rangé très soigneusement. Nous nous trouvons donc plongés dans des préoccupations communes à beaucoup de gens. D’autres œuvres, plus différentes occupent l’espace. Une installation remarquable avec vidéo untitled 2025 (bangkok boogie woogie, n°2) montre des pneus en bronze recouverts de pétrole puis enflammés qui roulent dans une galerie vide. Cette protestation contre la répression organisée par l’armée thaïlandaise conjugue le fait politique avec la distance esthétique. Toujours dans le domaine de la remise en cause, une série de portraits de Mao Zedong, untitled 2014 (import-export) le montre avec le visage chromé et traversé d’ombres. Ainsi le portrait de l’ancien dirigeant devient un simulacre, absorbé par ce qu’il reflète. Force est de constater, paradoxalement, que la puissance du modèle continue d’irradier malgré tout.

 

Gustav Metzger, Liquid Crystal Environment (1965/2024), vue partielle.

  Gustav Metzger (1926-2017), né de parents juifs polonais à Nuremberg, a heureusement pu s’enfuir d’Allemagne et se réfugier en Angleterre en 1939. Il  s’inscrit dans la présentation des Archives Hans Ulrich Obrist. Créateur inclassable, toujours en ébullition, il participe à l’activisme dans les arts avec le manifeste Auto-destructive Art mais aussi dans le mouvement écologique naissant. Obrist a fini par le rencontrer à Londres et à le faire participer à diverses manifestations à la Serpentine Gallery. Des documents nombreux se trouvent à disposition dans la galerie du Cerisier tandis que plusieurs œuvres prennent place dans une salle conjointe, souterraine et obscure. Un travail de montré-caché existe avec des œuvres participatives comme Historic Photographs : To Crawl Into-Anschluss, Vienna, March 1938. Il s’agit de se glisser sous un drap jaune pour voir et sentir physiquement, par le biais d’une photographie en noir et blanc d’époque, agrandie, l’humiliation subie par des juifs autrichiens obligés de laver les rues à quatre pattes, après l’annexion de leur pays par les nazis. Une autre œuvre, très différente, Liquid Crystal Environment, enveloppe le public dans un écosystème vivant et immersif. Les études sur les cristaux liquides revêtent une grande importance pour l’artiste ainsi que la participation rêveuse de ceux et celles qui se laissent emporter, couchés sur des poufs moelleux, vers un monde coloré.

 

  Trois univers, trois artistes, trois rencontres…à suivre impérativement.

 

                                                                     

                                                                                                                                                 Christian Skimao   

 

 

 

 

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