Expositions
LUMA, Arles
Erika
Verzutti The Life of Sculptures, La Tour, galerie Est
Gustav
Metzger, Chacun de nous, tous ensemble (Archives Hans Ulrich Obrist), La
Tour, galerie du Cerisier
Rirkrit Tiranavija A LOT OF PEOPLE, Les Forges
Eté
2024
Trois rencontres improbables
Se trouveront donc
présentés ici trois artistes : une jeune artiste brésilienne connue
internationalement, un artiste thaïlandais connu mondialement, enfin un artiste
historique, à la fois très connu des spécialistes et peu connu du grand public.

Erika Verzutti, Tour d'oeufs avec actualités, 2024.
Erika Verzutti, née en 1971, propose des
travaux en volume de haute qualité, soutenus par une réflexion intellectuelle
sur l’œuvre de Brancusi et qui possèdent une forte sensualité. L’utilisation du
bronze, souvent peint, n’y est pas pour rien. Résultat d’une résidence à la
LUMA, cette exposition ouvre encore de nouvelles perspectives à cette œuvre toujours
foisonnante et questionnante. Des formes organiques comme les œufs surprennent
beaucoup ainsi que l’utilisation de journaux enrobés dans la résine. Disons qu’elle
interroge sa contemporanéité au travers de références détournées de l’art
moderne. Ainsi fonctionne la série de « colonnes sans fin » de Brancusi,
placées de façon horizontale, et qui pourraient alors envahir un autre espace.
L’humour n’est jamais absent et semble rentrer en opposition avec la solennité
du bronze, matériau qualifié de noble. Dans une autre série composée d’œuvres
murales tridimensionnelles, parfois peintes, se met en place un système
dialectique où le lourd semble léger et inversement. Enfin, une pièce centrale,
Cemetery of Stars, semble présenter physiquement tous les concepts
évoqués auparavant en une sorte de bric-à-brac proche d’un étalage de marché de
rue. Posé à même le sol, il faut se pencher et en faire le tour pour picorer les
multiples propositions de ce puzzle mental post-moderniste ou post-contemporain.
À l’écart, dans une petite pièce, un film met en lumière, au sens le plus surréaliste
du terme, diverses réalisations de l’artiste.

Rirkrit Taranajiva, untitled 1990 (pad thaï), ingrédients pour le pad thaï.
Rirkrit Tiranavija , artiste thaïlandais, né
à Buenos Aires en 1961, a commencé dans les années 1990 à mettre en place des happenings,
souvent culinaires, dans des galeries d’art contemporain, nécessitant la
participation des spectateurs et spectatrices. Le fait de manger ensemble
devenait ainsi le départ d’un grand mouvement qui se nommera
« l’esthétique relationnelle ». Nicolas Bourriaud, critique d’art et
commissaire bien connu, avait publié en 1998, aux Presses du Réel, un essai au
titre éponyme pour faire le point sur la question. Si le côté convivial demeure
certain au niveau de l’actualité, la conservation des « œuvres » de
ladite expérience commune pose un problème lié à l’absence de vie du matériel
exposé. Heureusement, des vidéos témoignent de ces temps forts mais
irrémédiablement passés, tandis que la préparation d’un café turc quotidien à
15 h permet toujours au public de participer à une nouvelle expérience
relationnelle. Ainsi en va-t-il pour de nombreuses traces qui acquièrent un
statut de reliques dans l’art contemporain. La reconstitution d’un atelier de réparation
de parapluies, quelque part en Asie, nous accueille dès l’entrée, sorte
d’inimitable bazar où tout se trouve finalement rangé très soigneusement. Nous
nous trouvons donc plongés dans des préoccupations communes à beaucoup de gens.
D’autres œuvres, plus différentes occupent l’espace. Une installation remarquable
avec vidéo untitled 2025 (bangkok boogie woogie, n°2) montre des
pneus en bronze recouverts de pétrole puis enflammés qui roulent dans une
galerie vide. Cette protestation contre la répression organisée par l’armée
thaïlandaise conjugue le fait politique avec la distance esthétique. Toujours
dans le domaine de la remise en cause, une série de portraits de Mao Zedong, untitled
2014 (import-export) le montre avec le visage chromé et traversé d’ombres. Ainsi
le portrait de l’ancien dirigeant devient un simulacre, absorbé par ce qu’il
reflète. Force est de constater, paradoxalement, que la puissance du modèle
continue d’irradier malgré tout.

Gustav Metzger, Liquid Crystal Environment (1965/2024), vue partielle.
Gustav Metzger (1926-2017), né de parents juifs
polonais à Nuremberg, a heureusement pu s’enfuir d’Allemagne et se réfugier en
Angleterre en 1939. Il s’inscrit dans la
présentation des Archives Hans Ulrich Obrist. Créateur inclassable, toujours en
ébullition, il participe à l’activisme dans les arts avec le manifeste Auto-destructive
Art mais aussi dans le mouvement écologique naissant. Obrist a fini par le
rencontrer à Londres et à le faire participer à diverses manifestations à la
Serpentine Gallery. Des documents nombreux se trouvent à disposition dans la
galerie du Cerisier tandis que plusieurs œuvres prennent place dans une salle conjointe,
souterraine et obscure. Un travail de montré-caché existe avec des œuvres
participatives comme Historic Photographs : To Crawl Into-Anschluss,
Vienna, March 1938. Il s’agit de se glisser sous un drap jaune pour voir et
sentir physiquement, par le biais d’une photographie en noir et blanc d’époque,
agrandie, l’humiliation subie par des juifs autrichiens obligés de laver les
rues à quatre pattes, après l’annexion de leur pays par les nazis. Une autre
œuvre, très différente, Liquid Crystal Environment, enveloppe le public
dans un écosystème vivant et immersif. Les études sur les cristaux liquides
revêtent une grande importance pour l’artiste ainsi que la participation
rêveuse de ceux et celles qui se laissent emporter, couchés sur des poufs
moelleux, vers un monde coloré.
Trois univers, trois artistes, trois
rencontres…à suivre impérativement.
Christian Skimao
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