jeudi 26 juin 2025

Exposition Françoise Pétrovitch, "Sur un os" MO.CO. Montpellier Contemporain,2025

 

Exposition Françoise Pétrovitch, Sur un os

MO.CO. Montpellier Contemporain

Du 21 juin au 2 novembre 2025

 

 

 

Françoise Pétrovitch. Sur un os, 2024. MO.CO. Montpellier 2025

 

             Naviguer sur la mer des incertitudes

 

 

 

  A l’os. Au plus près de l’os. Sur un os. Gardons en mémoire cette étrange sculpture, en bronze patiné noir, de petite fille tenant un os énorme dans sa bouche, repris de travaux anciens où Françoise Pétrovitch a gravé puis mis en volume L’Ogresse, soit une enfant qui a mangé un ogre, en un surprenant renversement des codes des contes. Une grande sélection de céramiques l’accompagne au sous-sol, questionnant l’acte même de sculpter.  Au travers de toiles et de sculptures, mais aussi d’une installation, nous allons effleurer ces étranges continents où les mots s’envolent avant de revenir en images qui murmurent à l’oreille du public.

 

Françoise Pétrovitch. Sans titre (2019-2024).MO.CO. Montpellier 2025

  Les peintures de Françoise Pétrovitch égrènent des états d’âme et des éclats de vie, comme Sans teint (2024), huile sur toile, qui se retrouve utilisée pour l’affiche et les flyers du MOCO. Les couleurs acidulées, sans doute représentatives du temps de l’adolescence, se trouvent tempérées par la placidité apparente du visage qui laisse néanmoins entrevoir le trouble sous-jacent de celui/celle qui se pose des questions sur son avenir. Pourtant rien de mièvre dans ce portrait qui joue avec les codes de la grande peinture, tout en les détournant avec maestria. Le réalisme s’effiloche tandis que le questionnement philosophique s’accentue. Au Plateau du premier étage, un  tableau de grand format, sur quatre panneaux, Sans Titre (2019-2024) représente un personnage accroupi regardant vers le sol.  La mer, un bateau, une falaise semblent apparaître dans le fond tandis que deux fragments de corps, non identifiables, apparaissent en arrière plan. Le questionnement intérieur semble intense et nous revient en mémoire le titre de la fameuse toile de Gauguin : D’où venons-nous ?  Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897-98). Chez Françoise Pétrovitch, la dimension onirique demeure primordiale et le temps semble toujours marquer un temps d’arrêt. D’autres réalisations, des dessins au lavis d’encre, présents en double ligne occupent également l’espace. Là aussi, il n’existe ni début, ni fin, mais une suspension temporelle extrêmement troublante qui se double d’une tension palpable obtenue par l’emploi de tons vifs et de gris colorés. Une grande installation vidéo occupe tout le rez-de-chaussée, Papillon, réalisée avec Hervé Plumet. Elle se compose de cinq écrans de voilage où se trouvent projetées des dessins éphémères réalisés à l’encre sur des plaques de verre, le tout dans une irréelle lumière violette. Un grand dessin réalisé sur le mur occupe le fond. L’ensemble possède une grande force poétique liée à cette immersion dans un univers mouvant dont le thème central demeure la métamorphose.

 

  En conclusion, une grande exposition d’une grande artiste qui essaye de cerner ce qui nous échappe : l’incertitude des transformations.

                                                                                                                                     Christian Skimao

                                                                                                                                   

mardi 24 juin 2025

Exposition Jean-Marie Appriou, "La cinquième essence" , MO.CO. Panacée, Montpellier, 2025

 

Exposition Jean-Marie Appriou, La cinquième essence

MO.CO. Panacée, Montpellier

Du 21 juin au 28 septembre 2025

 

 

Jean-Marie Appriou, The Lighthouse Watcher, 2025

 

 

                  Naviguer dans les interstices des mythologies

 

  Jean-Marie Appriou nous propose un fort beau voyage au travers des quatre éléments primordiaux que sont l’eau, la terre, l’air et le feu. Ne reste plus qu’à ajouter l’éther, partie céleste issue de l’Antiquité qui désigne à la fois l’impalpable et l’invisible, notion  indispensable à la vision humaine et qui sert de lien avec les quatre précédents. À partir de ce postulat, certes également utilisé par d’autres, doit surgir une forte singularité au travers de ses oeuvres. Il en parle dans un entretien avec Jean De Loisy : « Mes sculptures sont le fruit de l’association du minéral, du gaz et de l’eau, et de leurs échanges mystérieux qui se produisent dans le four. »

 

L’eau, et plus particulièrement l’océan, concerne Appriou au premier chef en raison de ses origines bretonnes. Un bateau d’aluminium portant un personnage de bronze, fend des flots imaginaires (La barque). La dimension maritime rejoint une dimension spatiale, semblable à un aéronef mythologique, puisque ce véhicule pourrait aussi bien circuler parmi les étoiles. Un très étrange gardien (The Lighthouse Watcher) semble veiller sur les passagers, lointaine référence au phare d’Alexandrie, septième des sept Merveilles du monde antique. La terre demeure aussi indispensable puisqu’elle lui permet de réaliser des modelages qui présentent des rugosités narratives. Le métal sert de peau et d’écorce tandis qu’en son centre des formes organiques, végétales, minérales et humaines émergent du chaos primordial. Tout un monde disparu semble bouillonner à l’intérieur de ces espaces sombres. À propos de l’air, Appriou réalise une grande et vaste série de douze figures zodiacales, à la fois hors d’échelle et dont la ressemblance n’est pas évidente. Utilisant des représentations d’animaux, plus ou moins réalistes, il en donne une représentation fantastique avec souvent de gros yeux de verre. Au centre, flotte un voyageur spatial (Mitosis), sorte de Témoin du devenir des prédictions potentielles. Le feu, élément difficile à saisir, se trouve présent dans trois oeuvres : deux dans le patio : un brasero en bronze situé dans la fontaine et un bénitier en bronze aux formes torsadées pouvant servir de barbecue, enfin trois lucioles en verre phosphorescent, de grand taille, installées au plafond dans la galerie de circulation.

 

Jean-Marie Appriou, un des douze signes du Zodiaque, MOCO, 2025.



  L’éther, le plus difficile à représenter, se retrouve au travers de grandes gravures, assez effrayantes, qui rendent compte d’un monde calme en apparence, mais grouillant et déformé sous la surface de l’eau et d’une pyramide qui propose une élévation de l’être symbolisée par une tête de plâtre sise dans une sphère en verre. Pour finir, l’artiste nous rappelle dans un entretien avec Numa Hambursin  que La Cinquième essence se réfère au tome 5 (en deux volumes) de la bande dessinée éponyme du cycle l’Incal, de Moebius et Jodorowsky, publiée aux Humanoïdes associés, à la fin du 20ème siècle. Tout reste à remonter, ou à démonter, en même temps.

 

                                                                                                                                                     Christian Skimao

 

mercredi 11 juin 2025

Exposition Anne-Marie Soulcié. Sommières 2025.

 

Exposition Viennoises d’Anne-Marie Soulcié

Chapelle des Ursulines (Espace Lawrence Durrel) à Sommières

Du 7 au 28 juin 2025


Anne-Marie Soulcié. Le soleil sous la peau. Exposition Sommières, 2025.

                         Valser avec l’histoire des arts

 

 

  Les oeuvres d’Anne-Marie Soulcié s’inscrivent dans une approche très ouverte où de nombreuses références s’interpénètrent. En reprenant le titre de son exposition, Viennoises, immanquablement apparait un panorama culturel autrichien, allant de Robert Musil (littérature et inachèvement) à Sigmund Freud (psychanalyse et exploration), en passant par la Sécession viennoise (Sezessionstil) avec Gustav Klimt (peinture et élaboration), sans oublier une personnalité plus récente comme l‘inclassable créateur polymorphe Friedensreich Hundertwasser (1928-2000) et ses spirales magnétisantes.

 

  Cette riche sélection conduit à une déstructuration contemporaine des images qui convoquent le rêve et la suspension du temps au travers d’une mise en scène d’un monde intérieur mouvant. Certaines oeuvres optent pour une porosité certaine, tandis que d’autres jouent sur un cloisonnement plus structuré. Pour les premières, un effet psychédélique entre en action dans un enchevêtrement de têtes et de corps. L'explosion chromatique générale semble également s’inspirer d’un art africain caractérisé par une profusion de couleurs éclatantes et variées. Pourtant toutes ces représentations et abstractions se situent sur le même plan, désignant ainsi la puissance onirique de la démarche. D’autres œuvres, tout en conservant également leur part de rêve, se trouvent construites sur des canevas plus distincts. Des visages souvent imposants heurtent des éclats de paysages, des constructions plus ou moins identifiables se mélangent avec des objets malicieux et incongrus. Des réminiscences de l’enfance de l’artiste apparaissent au détour de la toile, mais transformées, sublimées en quelque sorte par la peinture. Des animaux étranges, et parfois des représentations mythologiques comme celle du dieu égyptien Thot, glissent devant nous. Remarquons aussi des plages plus sombres qui mettent en valeur les mosaïques colorées en un jeu d’apparitions et de disparitions.  

 

 Anne-Marie Soulcié  a ainsi composé un opéra pictural où les pièces d’un puzzle mental se trouvent assemblées au gré de son imaginaire. Pour en revenir à Vienne, du moins à une certaine Vienne, évidemment quelque peu fantasmée, l’artiste a rejoint ce vaste courant onirique qui va d’un Romantisme fantastique jusqu’aux nouvelles technologies utopistes et écologistes. Pourrions-nous enfin envisager la rencontre fortuite d’un croissant (de Lune ?) avec Le soleil sous la peau ?

 

                                                                                                                               

                                                                                                                                             Christian Skimao

mercredi 21 mai 2025

 

Exposition Jardins intérieurs de Jean-Pierre Loubat

Espace culture Jean-Jaurès, Vauvert

Du 16 mai au 12 juillet 2025

 

 


                        Livrer ses livres

 

 

 

 La bibliothèque demeure un lieu mystérieux, fantasmatique et fantasmé, mais aussi éminemment réel. D’un côté, celle décrite par Borges, avec l’emphase poétique qu’on lui connait : « L’univers (que d’autres appellent la Bibliothèque)… », de l’autre, celle de Pascal Quignard qui définit les amoureux du livre : « Ils forment à eux seuls une bibliothèque de vies brèves mais nombreuses.». Reste aussi la définition plus pragmatique d’un meuble aux étagères nombreuses et aux formes variées, dont le nom vient du grec ancien et met en relation le livre (biblion) avec le lieu de rangement (thêkê). Se trouvent, hors champ, mais intensément et souvent névrotiquement consultés, l’internet et l’IA, immatérialités redoutables, qui classent le monde selon des algorithmes plus ou moins orientés.

 

  Pour Jean-Pierre Loubat, le vagabondage au travers des lieux et des livres, photographiés en couleur et en noir et blanc, sans précision de l’identité des propriétaires, ouvre un champ exploratoire plein de surprises. Les angles de vue se diversifient, des plans larges alternent avec des plans resserrés, des gros plans sur certains titres de volumes se mélangent à de vastes espaces de classification où peu de détails émergent. Martine Guillerm, dans le texte critique du catalogue évoque deux fonctions de la bibliothèque, « comme lieu (réel/imaginaire ») et comme lien (à soi-même/au monde) », sans oublier l’existence d’un non-dit de taille, car le rangement personnel dévoile l’espace critique sous-jacent. Je range ce qui dérange, et inversement. La psychanalyse s’épanouit indéniablement dans les bibliothèques.

 

Jean-Pierre Loubat, Jardins intérieurs, vue partielle, Vauvert, 2025


   Le format des photographies varie ainsi que leur accrochage dans tout l’espace de monstration. La lisibilité des titres induit une réflexion plus ou moins orientée, le monde se découvre au travers de l’hétérogénéité. La qualité des reliures ou leur modestie concernant les éditions de poche se retrouvent dans une nouvelle concurrence lors de la découverte des auteurs. Mais les bibliothèques privées contiennent également autre chose que des livres. Des bibelots côtoient des peintures, de petites sculptures du monde entier se mélangent à des poteries, des coquillages séduisent des bronzes, etc. Les volumes, eux, demeurent sereins malgré la présence de ce petit peuple non imprimé. Le titre choisi, Jardins intérieurs, coïncide avec cette injonction à se cultiver, ou plutôt à « cultiver notre jardin », comme l’écrit Voltaire dans Candide, avec une cruelle malice. Et pour finir ou ouvrir un nouveau débat, une citation extrêmement questionnante d’Amos Oz : « Enfant, j’espérais devenir un livre quand je serais grand. »

 

                                                                                                                           Christian Skimao

 

 

PS Je suis très heureux de figurer dans les photographies exposées, bibliothèque parmi les bibliothèques.

mercredi 14 mai 2025

Exposition Danse avec les démons, LUMA Arles, 2025

 

Exposition collective et expérimentale avec une cinquantaine d’artistes contemporains, Danse avec les démons, La Tour, galerie principale, niveau -2 et dans le parc paysager, LUMA, Arles,

Saison 2025, ouverture en mai

 

 

Danse avec les démons, vue partielle, LUMA Arles, 2025

 

 

 

                  Eclectismes (partie 3)

 .

 

 

   Danser avec des démons ne semble jamais une activité anodine. La question du démon dans le titre exact, Danse avec les démons, demeure essentielle, car de quoi parlons-nous ? Du démon catholique ou du daimôn de la Grèce antique ? Cette exposition ou plutôt cette expérience, a été menée à Bâle-Riehen à la Fondation Beyeler en 2024 et se continue en 2025 à Arles. Projet ambitieux et évolutif, le titre même demeure variable en fonction des intervenants. Ainsi, l’accrochage pensé par Tino Seghal met en scène des photographies et des peintures qui se lient entre elles et forment sur les murs une sorte de ligne directrice, autonome, entre le portrait, l’architecture, et l’abstraction. Les sculptures entament également, entre elles, un dialogue, selon le principe énoncé mais dans une spatialité différente. Les cartels individuels se trouvent évincés pour ne pas nuire à l’effet visuel global tandis des schémas explicatifs prennent place sur le mur opposé.  

Danse avec les démons, LUMA Arles, 2025


 Une installation immersive de Carsten Höller et d’Adam Haar nous accueille dès l’entrée, nommée Dream Hotel Room #1 : Dreaming of Flying with Flying Fly Agarics (2024) . Si depuis 2008 Höller crée des chambres d’hôtel à l’intérieur des musées, Haar travaille sur la modification des rêves pour résoudre certains troubles du sommeil. Ensemble, ils proposent pendant la durée d’une sieste, pour une visiteuse ou un visiteur de changer leur état onirique grâce à différentes innovations comme un lit mouvant, un champignon « volant » et des récits murmurés les incitant à accompagner des amanites tue-mouches volantes. Finalement cette démarche introspective n’est peut-être pas si anodine que cela, et renoue avec certains aspects du Romantisme historique et des expérimentations de la Côte Ouest des USA durant les années 1960. Une autre réalisation, fort massive en raison de ses grosses chaînes en métal demeure paradoxalement très ouverte, et se trouve au centre de la salle, intitulée Une bibliothèque aussi grande que le monde. Elle a été conçue par le philosophe Federico Campagna et l’artiste Dozie Kanu. Un club de lecture permet de mettre en relation, les publics et les intellectuels sur divers questionnements

 

Philippe Parreno, Membrane, 2023. LUMA Arles, 2025

  Trois réalisations occupent le parc paysager. Voyons d’abord installation de Precious Okoyomon, poète et artiste avec the sun eats her children (2024) : dans une cabane en bois, avec des fleurs et des lauriers (toxiques) se trouve un gros ours animatronique qui pousse des cris à intervalles réguliers. Fujiko Nakaya se trouve ensuite sur un plan d’eau avec sa magique sculpture de brouillard (déjà évoquée dans l’article sur E .A .T.). Enfin, émerge une énorme machine, assez inquiétante, de Philippe Parreno, Membrane (2023), une « structure cybernétique à capacités sensorielles et traitement génératif du langage » qui se trouve reliée à la terre par des capteurs. Si l’étrange rapport qui s’établit entre nature et animation crée un trouble récurrent, il semble pourtant assez difficile de savoir ce qui relie tous ces éléments ensemble. Par ailleurs, les œuvres du parc semblent bien éloignées de celles de la salle d’exposition intérieure. Restons cependant dans l’attente curieuse des prochaines variations curatoriales.

 

                                                                                                                                                    Christian Skimao

 

 



       

 

 

lundi 12 mai 2025

Exposition Maria Lassnig, LUMA Arles ,2025

 

Archives Hans Ulrich Obrist

Exposition Maria Lassnig “Vivre avec l’art empêche de se faner », La Tour, galerie des Archives, galerie du Cerisier, niveau -2, LUMA, Arles

Saison 2025, ouverture en mai

 

 

Maria Lassnig, Früstück mit Ohr (Petit-déjeuner avec oreille), 1967. LUMA 2025.

 

                                                Éclectismes (partie 2)

 

   Retour à la peinture avec une importante présentation d’œuvres de Maria Lassnig  (1919-2014), grande créatrice autrichienne qui s’inscrit dans une peinture très particulière, à la fois expressionniste et surréaliste, mais qui penche aussi du côté de l’informel et la Nouvelle Figuration. L’importance de son engagement féministe se traduit par une mise en scène de sa propre personne, sans aucune complaisance, en utilisant souvent des couleurs criardes, exprimant à la fois la dureté des temps et une certaine hostilité du milieu où elle vit. Elle a beaucoup pratiqué l’autoportrait qui repose sur la notion de « conscience corporelle » qui peut se traduire par le fait qu’elle peint, non pas ce qu’elle voit, mais ce qu’elle ressent au travers des parties de son corps. Ce subjectivisme ne demeure néanmoins pas à l’état de rêverie mais apparait comme le moteur d’un activisme tous azimuts. 

 

Maria Lassnig, Selbst als Almkuh (Moi-même en vache alpine), 1987. LUMA 2025.

  Avec Selbst als Almkuh (Moi-même en vache alpine) de 1987, se met en place une fusion de la nudité de l’artiste avec la silhouette d’une vache alpine à cornes. Elle inscrit son propos dans une relecture mythologique sous-jacente tout en gardant une ironie constante par rapport à cette interprétation trop éthérée, car la vache pourrait être aussi un animal doué d’une intelligence limitée. Par contre au niveau de la figuration, nous nous trouvons face à un autoportrait féminin aux seins nus : naturisme ou naturalisme ? La forme générale demeure dans le registre du grotesque tout en évoquant un fort sentiment de puissance qui l’autonomise par rapport à un regard masculin. Enfin, les couleurs pastel apportent une gaieté inattendue évoquant une plaisanterie sur fond d’alpages autrichiens de sa jeunesse, tout en optant pour des tracés assez bruts. Elle est intervenue dans le domaine de l’animation avec un film comme Selfportrait (1971), où sa tête, peinte au feutre, chante en anglais avec un très fort accent autrichien. La présentation de ses désirs et de sa quête éternelle se trouve tournée en dérision par elle-même, une approche très parodique, proche du style d’une chanteuse de cabaret des années 1930.  Maria Lassnig recevra conjointement avec Marisa Merz, le Lion d’Or de la Biennale de Venise en 2013. Hans Ulrich Obrist a été frappé à 17 ans par sa rencontre ans avec elle dans son atelier de Vienne. Il a continué à la défendre et à mettre en avant son travail, tant au niveau critique qu’à la Serpentine Gallery de Londres. Des affiches d’exposition, des entretiens vidéo entre eux deux ainsi que leur correspondance, classée chronologiquement, complètent l’ensemble.

 

 

                                                                                                                                                        Christian Skimao

 

Exposition E.A.T. , Luma Arles, 2025

 

Exposition Sensing the Future : Experiments in Art and Technology (E.A.T.), La Tour, galerie des Archives vivantes, LUMA, Arles

Saison 2025, ouverture en mai

 

 

Photographie du Pavillon Pepsi à Osaka en 1970, au fond. LUMA Arles, 20025.

 

                                            Éclectismes (partie 1)

 

 

  Évoquons d’abord Sensing the Future : Experiments in Art and Technology (E.A.T.), exposition historique qui bénéficie du soutien du Getty Research Institute. La convergence de pensée de divers acteurs a permis la mise en place d’un soft power traduisant l’euphorie technologique et artistique de ces années 1960 et 1970. Dans un cadre extrêmement collaboratif entre ingénieurs, artistes, industriels, et penseurs, E.A.T. a été fondé en 1966 aux USA par Billy Klüver et Fred Waldhauer, ingénieurs aux Bell Telephone Laboraties ainsi que par des artistes, et non des moindres, comme Robert Rauschenberg et Robert Whitman. L’acmé des réalisations se trouve atteinte avec la création du pavillon Pepsi à la Foire internationale d’Osaka au Japon, en 1970. Les défis technologiques se trouvent présents à tous les niveaux ainsi que les enjeux artistiques. La création d’un brouillard d’eau qui enveloppe le dôme blanc à facettes, par la japonaise Fujiko Nakaya, offre une aura particulière à l’ensemble, tout en lançant une nouvelle forme de sculpture écologique. Un exemple de son approche très spectaculaire nous enchante et nous fascine avec Fog Sculpture #07563, dans le parc paysager de la LUMA et qui s’inscrit également dans Danse avec les démons


Fujiko Nakaya, Fog Sculpture #07563, parc LUMA Arles, 2025


  Dans des petites salles et dans une pénombre complice surgit une sélection de ces œuvres technologiques des années 1960 : Robert Rauschenberg avec Dry Cell (1963), sorte de Combine-painting animé réagissant à la voix humaine ; Cone Pyramid (Hearty Beats Dust) (1968) de Jean Dupuy, artiste français, qui enregistre les battements du cœur tout en les traduisant en fonction de leur intensité en une vibration déclenchant l’envolée d’un pigment, sublimé par un éclairage rougeoyant ; Hans Haacke avec Photoelectic Viewer-Controlled Coordinate System (1968) où des ampoules s’allument et s’éteignent en fonction des mouvements du public qui visite ; sans oublier les Silver Clouds (1966) d’Andy Warhol, refabriqués en 2025, sorte de ballons en forme d’oreiller qui réagissent aux courants et aux variations de température. Cette monstration à la fois didactique et nostalgique nous ramène dans une modernité, presque disparue, où les recherches technologiques se trouvaient placées sous le signe d’un optimisme qui aujourd’hui n’existe presque plus.

 

                                                                                                                                                     Christian Skimao