
Exposition Gérard Gasiorowski
"Recommencer
Commencer de nouveau la peinture"
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 19 mai au 19 septembre 2010
Nostalgie de la Peinture
Déjà quinze ans de passés depuis la rétrospective de Gérard Gasiorowski aux Galeries contemporaines du Centre Pompidou à Paris en 1995. Le moment de refaire le point et de réfléchir sur l'inlassable questionnement de l'artiste vis-à-vis de la peinture. Une mise en abyme permanente pour lui et pour nous. Comme un passage entre ce qui doit être peint, ce qui l'a été, et ce qui devra l'être. Ou même ce qui demeure impossible à peindre. Gasiorowski a lutté contre la peinture avant de se trouver dévorée par elle. De son vivant il a effrayé fortement le petit monde de l'art avec sa radicalité et mis un point d'honneur à vouloir rompre tous les ponts.
Défendu par Adrien Maeght (depuis 1975 avec la réalisation d'une lithographie à partir d'un texte de Gilbert Lascault) puis repêché par sa galerie en 1982 (date de sa première exposition personnelle chez lui), il pourra continuer à donner sa pleine mesure ou démesure des choses de l'art. Tout a été dit sur l'artiste: points de vue cultivés, tentatives psychanalytiques, historicisations excessives, positionnements dans l'histoire de l'art, rejets trop intempestifs, admirations intenses, etc. Mais que nous apporte le jugement de l'histoire à propos de cette œuvre et quelle se trouve être sa perception à l'heure actuelle ? D'une remise en cause de la peinture au travers de séries radicales comme "Les Régressions" ou "Les Croûtes", Gasiorowski frappe au plexus et veut montrer la force de la peinture au travers de ses méandres même. Mêler la peinture du dimanche avec le noble art, et montrer la non étanchéité des frontières au travers de l'acte du faire. Démarche de théoricien en fin de compte, illustrée par son sujet qui ne s'en laisse d'ailleurs pas compter.
Mettons en lumière certaines périodes privilégiées comme celles de l’Académie Worosis Kiga (anagramme de son nom), l’A.W.K. Au début de l’année 1976, Gasiorowski conçoit ce projet, une Académie, et le terme est essentiel, qui se trouve dirigée par Arne Hammer (personnage de fiction là encore). Le but, peindre un chapeau. On trouve bien sûr les noms de grands artistes de l'époque comme Ben, Degottex, Gilbert & George, Morellet, Serra, Warhol, … pour ne citer qu'eux. L'artiste crée un cycle d'études avec notes et humiliations, mimant les conditions fantasmées d'une peinture enrégimentée. Une école d'art d'autrefois ou d'aujourd'hui ? Enfin l’Indienne Kiga tue Hammer et la peinture, ou plutôt la Peinture renaît. Il existe dans cette démarche, éminemment conceptuelle, la tentative de création d'un mythe au travers d'une relecture qui fait de l'artiste un incontournable fondateur. Fait assez rare pour le signaler, l'analyser, le disséquer et en tirer d'éventuelles conclusions sur la notion d'éternel retour.
La notion philosophique de L'un et du multiple semble demeurer une source profonde pour quelqu'un qui a compris l'art du siècle dit moderne et sa problématique sérielle. Il n'est d'unique que ce qui se fond dans une temporalité donnée, ce qui explique parfois l'absence de signature pour certaines compositions. Du silence assourdissant de "La Guerre de 1974" aux "Meuliens" se dressent des approches très personnelles qui empruntent au corps même de l'artiste. Comme une mémoire ancienne du corps de la peinture. Et puis finalement ne pourrait-on reprendre la fameuse formule de Flaubert et l'adapter à Gasiorowski: "Kiga c'est moi". Mais de quel moi parle-t-on pour un artiste qui a emprunté tous les rôles pour devenir un autoportrait parfois anonyme du siècle (GGXX) ?
Christian Skimao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire