jeudi 4 février 2010

Expositions ISA MELSHEIMER et MICHAEL RAEDECKER, line-up


Michael Raedecker



Isa Melsheimer



Expositions ISA MELSHEIMER et MICHAEL RAEDECKER, line-up
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 26 janvier au 18 avril 2010





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Deux jeunes artistes, Isa Melsheimer et Michael Raedecker, très reconnus au niveau international, investissent l’espace du musée avec deux expositions personnelles.

Isa Melsheimer est née en 1968 à Neuss (Allemagne) et vit à Berlin. Elle œuvre dans une mise en scène spécialement élaborée pour Carré d'art avec des installations réalisées in situ. Son approche, profondément singulière, travaille sur le peu et le changement d'échelle. Elle convoque l'attention du spectateur avec des œuvres brodées, de très petite taille, qui prennent place sur des supports incongrus comme des matelas tandis que le temps de la contemporanéité semble s'opposer à celui nécessaire à la réalisation d'une broderie ("Umzug" de 2008). A partir de 2005, Isa Melsheimer s’est intéressée au verre comme matériau. Les volumes constitués de fragments collés verticalement évoquent des constructions fantastiques, des jardins orientaux ou des palais d'utopie. L’installation se poursuit en dessous du sol de la salle, créant un espace pénétrant le cœur de la structure et apparaissant comme proliférant, une sorte d'all-over en volume ("Zwischen Gebirge" daté de 2009). La notion de danger et de risque ne semble pas à exclure, le verre symbole de transparence peut blesser et établir des nouveaux liens émotifs et esthétiques. Si Isa Melsheimer convoque l'écrivain japonais Kôbô Abé et son roman L’Homme-Boîte, j'aimerais pour ma part évoquer Swift et ses Voyages de Gulliver (du moins les deux premiers, "Liliput" et "Brobdingnag" ) qui excellent à changer le point de vue du lecteur, du grand vers le petit et vice-versa, sans oublier la mordante ironie du grand écrivain irlandais. Il en va ici de même pour le regardeur.


Michael Raedecker, né à Amsterdam (Hollande) en 1963 est installé à Londres. Il s'inscrit dans une pratique picturale, classique au premier abord mais perturbée par l'emploi de fils et de brins de laine qui offrent un surlignage ou un accompagnement des contours de base. Ses tableaux, souvent composés de camaïeux de gris offrent des variations là aussi très (trop) esthétiques en apparence. Si l'on prend une œuvre comme "corrupt" (2008), un tableau de fleurs, on voit qu'il s'agit d'une figure empruntée à un dessin de broderie; pourtant par petites touches (encore un terme emprunté au vocabulaire de la peinture) apparaissent des références à l'histoire de l'art moderne et aux préoccupations actuelles. Sa réflexion sur les genres traditionnels en peinture (natures mortes, paysages, fleurs, etc., exception faite du portrait) montre les charmes de l'apparence tout en déconstruisant les structures même de la tradition. La pensée de Derrida semble accompagner ses images truquées et biaisées qui font office de support à une réflexion actuelle sur le statut de la peinture, les trous non utilisés pour le passage de ses fils faisant également sens dans la perception globale. Il me semble intéressant d'établir aussi un lien, certes antinomique, entre les structures légères de Raedecker et la force monumentale des peintures de Kiefer.

Quel est le lien existant entre les deux artistes? Une thématique basée sur un dépassement des apparences au travers d'un fil conducteur pourrait être un semblant de réponse un peu facile. Reste que l'ironie demeure chez les deux artistes une force motrice mise au service d'une critique implicite de catégories par trop figées.






Christian Skimao

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