
Vincent Bioulès "L'étang de l'Or", 1996, huile sur toile.
Exposition Vincent BIOULES "Paysages du sud"
Musée de Lodève
Square Georges Auric
Du 12 décembre 2009 au 4 avril 2010
Tél. 04.67.88.86.10.
COUP DE SOLEIL EN PEINTURE
Que d'eau a coulé sous les ponts depuis l'appartenance de Vincent Bioulès au groupe Supports-Surfaces. Ici, au Musée de Lodève, il s'agit pour Maïthé Vallès-Bled, commissaire de l'exposition, de mettre en valeur une sélection d'une cinquantaine d'œuvres et de commencer par l'éblouissante série des "Places et fontaines d'Aix en Provence". Paradoxalement il y a dans ce retour à … quelque chose qui n'a jamais été un retour mais une continuité.
Vincent Bioulès revendique une filiation avec des peintres comme Corot, Cézanne, Bonnard, Marquet ou Matisse. Pourtant il y en a d'autres qui n'apparaissent pas au premier abord. Ainsi en va-t-il d'une réappropriation des structures abstraites américaines réutilisées dans un contexte paradoxalement figuratif. Elles lui permettent de dynamiter un réalisme qui n'est qu'apparence pour essayer de rendre la vérité intrinsèque, donc subjective d'un paysage. Mais comment aborder la notion de paysage dans sa peinture? Si la thématique semble d'emblée évidente, son traitement ouvre des interrogations tous azimuts. En effet face au génie du lieu, volontairement cultivé par l'artiste ("je suis essentiellement un peintre du sud de la Loire" affirme-t-il) existe une problématique de la déclinaison du sujet. C'est-à-dire comment arriver à explorer toutes les facettes d'un lieu donné pour en retirer sa quintessence.
L'artiste évoque aussi Fra Angelico et Ucello, entres autres italiens et l'école française avec Champaigne et Poussin. J'aimerais pour ma part y adjoindre une œuvre d'Henri-Edmond Cross, datée de 1890-92, intitulée "Les îles d'or", qui reprend la division classique du paysage du genre marine et entraîne le spectateur vers l'éblouissement. Comme chez Bioulès la force des structures contribue à établir un langage autre, situé en intertexte, qui pourtant ne nuit à aucun moment à la force poétique de l'œuvre.
La réunion des contraires dans l'œuvre picturale présentée ici crée parfois des distorsions comiques, des chocs inattendus, des rencontres fulgurantes, bref la mise en place d'un vocabulaire où la rigueur se marie à la malice. Loin de se trouver écrasé par ses maîtres, l'artiste virevolte de l'un à l'autre, picore chez chacun pour arriver à bon port (celui de son tableau "Le port, le soir", par exemple).Il n'est pas aisé de définir le lieu d'où peint l'artiste car paradoxalement une certaine idée de la modernité habite son œuvre, liée à la notion de mouvance. En contradiction flagrante avec une approche considérée comme traditionnelle, Vincent Bioulès régénère la notion de paysage en l'inscrivant dans une continuité évolutive. Ne serait-ce que parce que ce dernier se trouve peint et que chaque cadrage, change la perception de son monde. Ainsi le spectateur se trouve convié à participer à l'évolution des points de vue donc à l'évolution du monde intérieur du créateur.
Un mot enfin sur l'évolution muséale de Lodève puisque Mme Maïthé Vallès-Bled quitte cette institution pour une aventure plus littorale. Une reprise de la fameuse formule "Finir en beauté" semble adéquate pour qualifier l'ensemble de son ample implication dans la vie artistique locale et internationale ainsi que la séduction de cette dernière monstration.
Christian Skimao
1 commentaire:
Votre texte est beau, concis et dense dans la droite ligne du grand peintre dont vous parlez. Un tout autre, Frank Zappa, parlait de "continuité conceptuelle". On pourrait aussi parler de la multiplication des points de vue chez Bioulès, multiplication synchronique et diachronique. Et puis aussi: assumer l'héritage pictural, qui s'en préoccupe?
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