Exposition Stan Douglas
« Photographies 2008-2013»
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 12 octobre 2013 au 26 janvier 2014
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"Hastings Park, 16 July 1955", 2008, tirage numérique contrecollé sur aluminium Dibond, 151,1 x 225,4 cm. Courtesy de l’artiste, David Zwirner Gallery, New York/London & Victoria Miro Gallery, London |
Les images
« abymées » de Stan Douglas
Stan Douglas, artiste canadien, présente une cinquantaine d’images
photographiques réalisées entre 2008 et 2013. Cette exposition présentée en
partenariat avec le Centre culturel canadien à Paris, tournera ensuite en 2014
et 2015 dans le cadre d’une coproduction avec la Haus der Kunst de Munich et
d’autres partenaires européens.
L’exposition fonctionne par séries et présente diverses facettes du
travail de recomposition des photographies par l’artiste. Ainsi dans « Crowds
and Riots » Douglas réorganise en couleurs des scènes historiques suivant
des procédés cinématographiques. L’art de la mise en scène se trouve ainsi
amené à parcourir des pans entiers d’événements survenus à Vancouver au XXᵉ siècle.
La dimension monumentale se trouve obtenue grâce au montage numérique qui donne
à voir de vastes panoramas renouant avec la notion de peinture d’histoire. Ces
grandes machines permettent ainsi de saisir les références picturales tout en
nous troublant par leur déploiement même.
Avec « Disco Angola », Stan Douglas interroge clairement
l’Histoire. D’un côté des scènes censées se passer en Angola sur fond de luttes
de libération, de l’autre des plans évoquant une jeunesse multiraciale en train
de faire la fête à New York dans des lieux improbables au début des années
Reagan. D’abord toutes se trouvent totalement recréées, faut-il le
rappeler ; ensuite elles mettent en avant les corps en quête d’un devenir
où notre voyeurisme se glisse avec une étrange délectation.
A contrario, en noir et blanc, les photographies appartenant à la série
« Midcentury Studio » se présentent comme une relecture d’une
esthétique photographique sise entre 1945 et 1951 en Amérique du Nord. Des
recompositions issues de clichés se référant à Weegee, des scènes de sport ou
des photos reprenant les poses de certains modèles de Vogue contribuent à
fausser volontairement notre perception. Le travail repose sur le décalage
existant entre la copie et le modèle initial. Il ne s’agit pas d’un pastiche
mais bien d’une mise en abyme où le changement de technique (argentique à la
place du numérique) change totalement le résultat final. On se souviendra ici
de l’analyse d’André Rouillé du passage de l’une à l’autre dans son incontournable
ouvrage La Photographie. Mais en
portant sa critique sur cette notion cardinale de déplacement, Douglas ouvre sur
un trouble permanent pour le spectateur car se pose toujours la question de la
vérité (plus que relative) des images. La série « Malabar » propose
des portraits du personnel d’une boîte de nuit de Vancouver en 1951où chacun se
trouve définit par sa fonction. Là encore la critique historique (mixité
sociale et ethnique) se met au diapason d’un questionnement sur l’histoire des
techniques et de leur perception.
Une
interrogation permanente accompagne ainsi le spectateur tout au long de cette exposition.
La volonté critique incluse dans la construction des photos, processus
hautement revendiqué par l’artiste, ne propose évidemment pas un simple regard
esthétique. Pourtant Douglas se réfère parfois à la notion de magie pour ses images
- malgré ou à cause de - toute la
technologie utilisée. Etrange cohabitation entre un surplus de réalité et un
surplus de contemporanéité. En effet, optant pour un champ référentiel des plus
vastes, l’artiste contracte ses effets pour nous offrir une vision toute
théâtrale. Les images fixes semblent bouger mais sur un rythme différent, c’est l’inconscient qui danse.
Christian Skimao
Christian Skimao
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