Exposition " Le goût de Diderot "
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier
Du 5 octobre 2013 au 3 janvier 2014
L’art contemporain de Denis Diderot
L’exposition qui se tient en ce moment au
Musée Fabre à Montpellier se trouvera ensuite présentée à la Fondation de l’Hermitage
à Lausanne. Elle essaye de mettre en lumière le travail fondateur de Diderot
critique d’art au travers d’une sélection d’œuvres qui ont retenu l’attention
de l’auteur à son époque. Il n’est cependant guère aisé de confronter le goût
du 18ème siècle à celui
du 21ème siècle sans créer de fortes turbulences, au demeurant
constitutives d’un regard neuf sur le passé et qui traduit bien la difficulté à
cerner l’esprit du temps (« Zeitgeist ») d’une époque révolue. A la
demande de Frédéric-Melchior de Grimm qui dirige la Correspondance littéraire philosophique et critique, un bulletin manuscrit
qui rend compte des Salons à Paris pour des amateurs et collectionneurs
européens de haut lignage (le prince de Hesse, la reine de Suède, le roi de
Pologne, etc.) Diderot va rédiger des textes qui s’échelonnent de 1759 à 1781
et qui vont fonder ce que l’on va nommer la critique moderne. En effet l’auteur
commente les œuvres exposées tout en donnant son avis sur elles. Il intervient
ainsi de façon parfois péremptoire et parfois très subtile, blâmant certaines
œuvres avec véhémence et en louant d’autres avec une grande énergie. En cela
son intervention relève d’un écrivain écrivant sur l’art fidèle à cette
formule : « critiquer c’est poser un jugement ». Afin de
parfaire son éducation sur les arts plastiques (gravure, peinture et sculpture)
il va visiter les ateliers et s’entretenir avec les artistes de son temps. Sa
connaissance du mode opératoire des techniques utilisées lui permet de mieux
comprendre les relations subtiles existant entre écriture et peinture.
L’exposition qui comprend près de 80 œuvres
se divise en trois sections : la vérité, la poésie, la magie. Une division
quelque peu artificielle mais qui répond à une démarche didactique . D’abord
cette notion de vérité en peinture qui nous apparaît fort éloignée de notre
regard. Il s’agit d’une confrontation entre François Boucher et Jean-Baptiste Greuze,
Diderot veut voir la vérité dans les représentations du monde social mais elle
n’existe pas dans l’art puisqu’il s’agit toujours d’une illusion. L’idéalisme
de l’époque se trouve dans la seconde partie qui se réfère à l’Ut pictura poesis (Horace), idée assez
déformée qui permettrait une sorte de transsubstantiation entre l’écrit et le
peint. Le sens du sublime hérité d’Edmund Burke se joint à cette représentation
de l’art et trouve sa plénitude chez Joseph-Marie Vien et Jacques-Louis David.
Enfin la magie, c’est-à-dire la possibilité de transfigurer le réel avec les
instruments de l’art, la force des pigments et la virtuosité des tracés, bref
le métier de l’artiste. Jean-Siméon Chardin représente à merveille cette partie
ainsi que les paysages de Claude-Joseph Vernet et Jacques-Philippe Loutherbourg.
Dans cette approche tripartite la sculpture ne se trouve pas ignorée avec Allegrain,
Houdon ou Pigalle. La scénographie générale et la configuration du Musée Fabre dans
la partie réservée à cette monstration permettent de remonter un peu le temps
et de retrouver l’état d’esprit de Diderot face à ces œuvres.
Homme de théâtre et philosophe, Denis Diderot
se sert de l’art comme d’un lieu de narration et de réflexion. Il se
différencie ainsi fortement de ses prédécesseurs comme La Font de Saint-Yenne et
entreprend une plongée très personnelle dans le monde l’art. Il s’interroge sur
l’art et ses possibles déviations. Loin de se cacher derrière sa fonction de
« critique » il veut intervenir dans le débat esthétique de son temps
et changer le point de vue de ses rares mais puissants lecteurs. Il en fit donc
un genre littéraire qui perdure jusqu’à aujourd'hui.
Christian Skimao
Christian Skimao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire