vendredi 11 octobre 2013

Exposition Le goût de Diderot



Exposition " Le goût de Diderot "
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier
Du 5 octobre 2013 au 3 janvier 2014

  

                                                          
    L’art contemporain de Denis Diderot



   L’exposition qui se tient en ce moment au Musée Fabre à Montpellier se trouvera ensuite présentée à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne. Elle essaye de mettre en lumière le travail fondateur de Diderot critique d’art au travers d’une sélection d’œuvres qui ont retenu l’attention de l’auteur à son époque. Il n’est cependant guère aisé de confronter le goût du 18ème siècle à celui du 21ème siècle sans créer de fortes turbulences, au demeurant constitutives d’un regard neuf sur le passé et qui traduit bien la difficulté à cerner l’esprit du temps (« Zeitgeist ») d’une époque révolue. A la demande de Frédéric-Melchior de Grimm qui dirige la Correspondance littéraire philosophique et critique, un bulletin manuscrit qui rend compte des Salons à Paris pour des amateurs et collectionneurs européens de haut lignage (le prince de Hesse, la reine de Suède, le roi de Pologne, etc.) Diderot va rédiger des textes qui s’échelonnent de 1759 à 1781 et qui vont fonder ce que l’on va nommer la critique moderne. En effet l’auteur commente les œuvres exposées tout en donnant son avis sur elles. Il intervient ainsi de façon parfois péremptoire et parfois très subtile, blâmant certaines œuvres avec véhémence et en louant d’autres avec une grande énergie. En cela son intervention relève d’un écrivain écrivant sur l’art fidèle à cette formule : « critiquer c’est poser un jugement ». Afin de parfaire son éducation sur les arts plastiques (gravure, peinture et sculpture) il va visiter les ateliers et s’entretenir avec les artistes de son temps. Sa connaissance du mode opératoire des techniques utilisées lui permet de mieux comprendre les relations subtiles existant entre écriture et peinture.

  L’exposition qui comprend près de 80 œuvres se divise en trois sections : la vérité, la poésie, la magie. Une division quelque peu artificielle mais qui répond à une démarche didactique . D’abord cette notion de vérité en peinture qui nous apparaît fort éloignée de notre regard. Il s’agit d’une confrontation entre François Boucher et Jean-Baptiste Greuze, Diderot veut voir la vérité dans les représentations du monde social mais elle n’existe pas dans l’art puisqu’il s’agit toujours d’une illusion. L’idéalisme de l’époque se trouve dans la seconde partie qui se réfère à l’Ut pictura poesis (Horace), idée assez déformée qui permettrait une sorte de transsubstantiation entre l’écrit et le peint. Le sens du sublime hérité d’Edmund Burke se joint à cette représentation de l’art et trouve sa plénitude chez Joseph-Marie Vien et Jacques-Louis David. Enfin la magie, c’est-à-dire la possibilité de transfigurer le réel avec les instruments de l’art, la force des pigments et la virtuosité des tracés, bref le métier de l’artiste. Jean-Siméon Chardin représente à merveille cette partie ainsi que les paysages de Claude-Joseph Vernet et Jacques-Philippe Loutherbourg. Dans cette approche tripartite la sculpture ne se trouve pas ignorée avec Allegrain, Houdon ou Pigalle. La scénographie générale et la configuration du Musée Fabre dans la partie réservée à cette monstration permettent de remonter un peu le temps et de retrouver l’état d’esprit de Diderot face à ces œuvres.

  Homme de théâtre et philosophe, Denis Diderot se sert de l’art comme d’un lieu de narration et de réflexion. Il se différencie ainsi fortement de ses prédécesseurs comme La Font de Saint-Yenne et entreprend une plongée très personnelle dans le monde l’art. Il s’interroge sur l’art et ses possibles déviations. Loin de se cacher derrière sa fonction de « critique » il veut intervenir dans le débat esthétique de son temps et changer le point de vue de ses rares mais puissants lecteurs. Il en fit donc un genre littéraire qui perdure jusqu’à aujourd'hui.

                                                                                                                                       Christian Skimao






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