jeudi 12 septembre 2013

« IN SITU » 2013



« IN SITU » 2013
7 lieux pour 7 artistes dans trois départements
Ange Leccia, Claude Lévêque, Stephen Marsden, Anita Molinero, Bernard Pourrière, Vladimír Skoda et Moon Pil Shim dans l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées Orientales.


Moon Pil Shim, installation lumineuse, Courtesy the artist © M. Kérignard  Région Languedoc-Roussillon – Inventaire général, 2013

Vladimir Skoda, "Danaé", 2013 Courtesy the artist © M. Kérignard  Région Languedoc-Roussillon – Inventaire général, 2013


  Pour cette seconde édition de la manifestation IN SITU organisée en Languedoc-Roussillon sous l’égide de l’association Le Passe Muraille et dont Marie-Caroline Allaire-Matte a assuré le commissariat on remarque une montée en puissance puisque l’édition de 2012 ne comptait que trois lieux et trois artistes. Avec les sept lieux et sept artistes de cette année 2013 s’établissent une relation de continuité tout en conservant l’esprit pionnier du début.

  Un rapide descriptif semble nécessaire avant même d’entamer l’analyse. Dans l’Hérault, Claude Lévêque intervient à l’Abbaye de Gellone à Saint-Guilhem-le-Désert avec « Desert Shore » où il met en place un dispositif lumineux qui jongle avec ses préoccupations personnelles liées à la souffrance et sa possible transmutation dans l’esprit de cette église, comme en témoigne sa couronne tournante de couteaux. Les sensations et les réflexions se disputent donc au sein de cette proposition ainsi qu’avec ces deux cercles lumineux qui semblent flotter dans l’espace. Vladimír Skoda occupe la cour du musée Fleury à Lodève avec une installation nommée « Danaé » qui symbolise la pluie d’or de la mythologie à l’aide d’une trentaine de sphères d’acier creuses et dorées se trouvant suspendues dans l'espace. La vision très particulière qu’en a le regardeur laisse le champ libre à d’infinies combinatoires perceptives. Enfin une œuvre d’Anita Molinero, « Exciterne », choisie dans la collection du Frac L-R par Emmanuel Latreille, se trouve exposée en l’église Saint-Étienne d’Issensac à Brissac. Un container de plastique noir tout boursouflé se trouve enchâssé dans un grillage métallique. On ne sait si ce dernier a une fonction de support ou s’il protège la surface détruite et recomposée par l’artiste. Expansion et destruction s’interpellent alors.

  Dans l’Aude, sur la terrasse du palais épiscopal de Narbonne, Stephen Marsden présente « Jardin d’hiver », soit six sculptures de couleurs ressemblant à des pièces d’un jeu d’échecs. Elles se composent d’un buste du 17ème siècle et d’une rose en guise de visage. Il faut y voir une allégorie de la femme, sise entre soumission et séduction.

  Dans le département des Pyrénées-Orientales, Moon Pil Shim propose à l’Abbaye de Cuxa à Codalet, dans la chapelle circulaire dédiée à la Vierge de la Crèche et dans l’église, derrière le chœur, une intervention lumineuse bleutée. Il redessine certains contours architecturaux optant pour une grande magie visuelle qui joue avec le génie du lieu et des effets de surlignement. Le caractère discrètement démonstratif de l’ensemble joint au rayonnement du lieu fonctionne en un jeu réflexif de haute qualité. Au prieuré de Serrabone à Boule d’Amont, un environnement sonore de Bernard Pourrière, « Intervalles » privilégie des chants d’oiseaux (cf. les micros en cage) qui se trouvent retravaillés, introduisant une distance entre le réel, sa trituration et sa perception finale. Enfin au prieuré de Marcevol à Arboussols, Ange Leccia avec « Audrey » nous entraîne dans une rêverie. Ce visage semble peu à peu sourdre des murs pour toujours proposer une réflexion sur l’image et ses mouvances innombrables.

  La plupart des œuvres ont donc opté pour la reprise de la définition même de l’in situ d’une œuvre réalisée sur place en fonction de l’espace qui lui est imparti (hormis celle d’Anita Molinero). Le fait qu’existe un rapport obligatoire entre l’œuvre sur le milieu et réciproquement fonctionne à plein. Ce parcours introduit avec bonheur le champ patrimonial et ses conséquences indirectes : les esprits heureux y verront un joyeux mélange entre diverses formes d’art et d’époque, les esprits chagrins une perte de références (voir les pleurs et grincements de dents annuels à Versailles). Pour le visiteur (la visiteuse) curieux, la contemplation active de ces travaux ouvrira de nouvelles portes. Le désir de la découverte se double le plus souvent du plaisir de comprendre tandis que l’esprit critique nous accompagne à chaque pas.

 



                                                                                                                                                   Christian Skimao

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