« IN
SITU » 2013
7 lieux pour 7 artistes dans trois
départements
Ange
Leccia, Claude Lévêque, Stephen Marsden, Anita Molinero, Bernard Pourrière, Vladimír Skoda et Moon Pil Shim dans l’Hérault,
l’Aude et les Pyrénées Orientales.
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Moon Pil Shim, installation lumineuse, Courtesy the artist © M. Kérignard Région Languedoc-Roussillon – Inventaire général, 2013 |
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Vladimir Skoda, "Danaé", 2013 Courtesy the artist © M. Kérignard Région Languedoc-Roussillon – Inventaire général, 2013 |
Pour cette seconde édition de la
manifestation IN SITU organisée en Languedoc-Roussillon sous l’égide de
l’association Le Passe Muraille et dont Marie-Caroline Allaire-Matte a assuré
le commissariat on remarque une montée en puissance puisque l’édition de 2012
ne comptait que trois lieux et trois artistes. Avec les sept lieux et sept
artistes de cette année 2013 s’établissent une relation de continuité tout en
conservant l’esprit pionnier du début.
Un rapide descriptif semble nécessaire avant même d’entamer l’analyse. Dans
l’Hérault, Claude Lévêque intervient à l’Abbaye de Gellone à
Saint-Guilhem-le-Désert avec « Desert Shore » où il met en place un
dispositif lumineux qui jongle avec ses préoccupations personnelles liées à la
souffrance et sa possible transmutation dans l’esprit de cette église, comme en
témoigne sa couronne tournante de couteaux. Les sensations et les réflexions se
disputent donc au sein de cette proposition ainsi qu’avec ces deux cercles
lumineux qui semblent flotter dans l’espace. Vladimír Skoda occupe la cour du musée Fleury à Lodève avec une
installation nommée « Danaé » qui symbolise la pluie d’or de la mythologie
à l’aide d’une trentaine de sphères d’acier creuses et dorées se trouvant
suspendues dans l'espace. La vision très particulière qu’en a le regardeur
laisse le champ libre à d’infinies combinatoires perceptives. Enfin une œuvre
d’Anita Molinero, « Exciterne », choisie dans la collection du Frac
L-R par Emmanuel Latreille, se trouve exposée en l’église Saint-Étienne
d’Issensac à Brissac. Un container de plastique noir tout boursouflé se trouve
enchâssé dans un grillage métallique. On ne sait si ce dernier a une fonction
de support ou s’il protège la surface détruite et recomposée par l’artiste.
Expansion et destruction s’interpellent alors.
Dans l’Aude, sur la terrasse du palais épiscopal de Narbonne, Stephen
Marsden présente « Jardin d’hiver », soit six sculptures de couleurs ressemblant
à des pièces d’un jeu d’échecs. Elles se composent d’un buste du 17ème siècle
et d’une rose en guise de visage. Il faut y voir une allégorie de la femme,
sise entre soumission et séduction.
Dans le département des Pyrénées-Orientales, Moon Pil Shim propose à l’Abbaye
de Cuxa à Codalet, dans la chapelle circulaire dédiée à la Vierge de la Crèche
et dans l’église, derrière le chœur, une intervention lumineuse bleutée. Il
redessine certains contours architecturaux optant pour une grande magie
visuelle qui joue avec le génie du lieu et des effets de surlignement. Le
caractère discrètement démonstratif de l’ensemble joint au rayonnement du lieu
fonctionne en un jeu réflexif de haute qualité. Au prieuré de Serrabone à Boule
d’Amont, un environnement sonore de Bernard Pourrière,
« Intervalles » privilégie des chants d’oiseaux (cf. les micros en
cage) qui se trouvent retravaillés, introduisant une distance entre le réel, sa
trituration et sa perception finale. Enfin au prieuré de Marcevol à Arboussols,
Ange Leccia avec « Audrey » nous entraîne dans une rêverie. Ce visage
semble peu à peu sourdre des murs pour toujours proposer une réflexion sur l’image
et ses mouvances innombrables.
La plupart des œuvres ont donc opté pour la reprise de la définition
même de l’in situ d’une œuvre réalisée sur place en fonction de l’espace qui
lui est imparti (hormis celle d’Anita Molinero). Le fait qu’existe un rapport
obligatoire entre l’œuvre sur le milieu et réciproquement fonctionne à plein.
Ce parcours introduit avec bonheur le champ patrimonial et ses conséquences
indirectes : les esprits heureux y verront un joyeux mélange entre
diverses formes d’art et d’époque, les esprits chagrins une perte de références
(voir les pleurs et grincements de dents annuels à Versailles). Pour le
visiteur (la visiteuse) curieux, la contemplation active de ces travaux ouvrira
de nouvelles portes. Le désir de la découverte se double le plus souvent du
plaisir de comprendre tandis que l’esprit critique nous accompagne à chaque
pas.
Christian Skimao
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