mardi 25 février 2014

Exposition « Chorégraphies suspendues» (Vietnam)



Exposition « Chorégraphies suspendues»
Artistes contemporains du Vietnam
Lena Bùi, Tiffany Chung, The Propeller Group, Ɖinh Q Lê,
Nguyn Huy An, Nguyn Thái Tun, Nguyn Trinh Thi,
Jun Nguyn-Hatsushiba
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 21 février au 27 avril 2014



LENA BUI Image contextuelle: études de la circulation à Saigon, 2013© Lena Bui



    




NGUYEN THAI TUAN
"Interior 2, from Heritage series", détail, 2011
Huile sur toile120 x 150 cm
Collection Dinh Q Le. © Nguyen Thai Tuan
    

Des ordinateurs aux 

  rizières virtuelles

 


  Cette exposition organisée conjointement par Carré d’art à Nîmes (Jean-Marc Prévost) et le centre d’art Sàn Art à Ho Chi Minh-Ville (Zoe Butt) prend place dans le cadre de l’Année France-Vietnam (2014). Elle présente 8 artistes vietnamiens qui réinterprètent l’histoire de leur pays au travers d’une approche contemporaine. Une sorte de reconquête artistique pacifique en tenant compte de la grille de lecture mondiale d’aujourd’hui au travers de quatre thématiques : l’absence, le déplacement, l’habitude, les causes et les effets.

  On trouve donc de nombreuses vidéos qui optent pour une plongée sociologico-artistique dans la mémoire du Vietnam et dans son devenir. C’est d’ailleurs dans cet écart entre passé proche et avenir en cours de constitution que se situent de nombreuses œuvres comme l’importante installation de Ɖinh Q Lê intitulée « Erasure » qui  mélange une vidéo présentant le bateau du capitaine Cook en flammes, des fragments de bateaux en bois, des photographies familiales d’un Vietnam d’autrefois  jonchant le sol et la volonté de montrer par le biais d’un ordinateur les nouvelles technologies en action pour la mémorisation de ces documents. Il existe une relation entre les bateaux des réfugiés détruits par le feu après leur arrivée et la destruction virtuelle du fier voilier de l’explorateur. L’importance des flux se trouvent mis en lumière dans une autre vidéo de Lena Bùi nommée « Passage of the mass » où les deux roues effectuent un ballet sans cesse renouvelé dans les rues de la ville de Saigon, entre intensité personnelle et risque d’accident. L’esthétique se joint donc à la représentation des flux comme l’Histoire se mêle aux représentations stratifiées de Tiffany Chung qui reprend des cartographies anciennes, les superpose avec de plus récentes jusqu’à aboutir à d’élégants tracés, vertigineux à souhait.

  La peinture se trouve également présente, d’un type très particulier avec les œuvres de Nguyn Thái Tun qui interroge au travers d’un classicisme factuel la notion d’absence. Ses personnages sans tête et sans mains sont comme des pantins oubliés dont les vêtements flottent dans l’espace. Souvenirs d’empereur déchu, d’églises catholiques d’autrefois ou de lieux ouverts aux quatre vents constituent une réflexion aigüe sur le temps passé et sa perception actuelle. Ainsi en va-t-il d’une œuvre de Jun Nguyn-Hatsushiba, vidéo certes mais qui parle de peinture, « The Ground, the Root, and the Air : The Passing of the Boddhi Tree ». Descendant le Mékong en barque, de jeunes peintres nichés sur de bruyantes barques à moteur tentent de reproduire le paysage qui défile devant eux. L’impossibilité du challenge se confronte à la contemplation d’un banian géant tandis que la bande son passe du martèlement de joggers aux prières des moines. Une approche à la fois grotesque avec cette impossible peinture mouvante sur le motif et totalement désespérée.

  En guise de conclusion la sculpture proposée par The Propeler Group (en attente de livraison par bateau) appelée « Bling » et qui se compose d’une grosse tête de Lénine reliée à une chaîne de rappeur me paraît hautement significative. Elle symbolise l’ancien monde collectiviste et le nouveau monde affairiste. En raison de sa taille elle ne peut se trouver portée que par des statues (de Lénine) plus gigantesques encore. L’affirmation de soi passe bien par une valorisation excessive de sa propre représentation. En français on pourrait doubler sémantiquement cette réflexion par l’expression « bling bling ». L’art deviendrait alors une chose trop grave pour la confier aux artistes ?


 
                                                                                                                                            Christian Skimao

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