Exposition « Personal cuts / Art à
Zageb de 1950 à nos jours»
Avec Gorgona
Group, Josip Vaništa, Julije Knifer, Ivan Kožarić, Dimitrije Bašičević
Mangelos, Tomislav Gotovac, Goran Trbuljak, Sanja Iveković, Dalibor Martinis,
Mladen Stilinović, Vlado Martek, Boris Cvjetanović, Igor Grubić, Andreja Kulunčić,
David Maljković & Božena Končić Badurina
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 17 octobre 2014 au 11 janvier 2015
Un clin d’œil croate
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Profitant de l’entrée de la Croatie dans l’Union européenne voilà un an, Carré d’art a proposé à Mme Branka Stipančić, historienne de l'art de présenter un parcours personnel de quinze artistes mettant en lumière diverses préoccupations de la scène artistique de Zagreb. Il ne s’agit pas ici d’une démonstration d’une simple spécificité nationale mais de voir les étonnants rapports existant entre ces œuvres et les réalisations d’autres créateurs de la même époque dans le monde. L’essentiel repose ici sur des œuvres qualifiables de conceptuelles, au sens très large du terme allant du dépassement du modernisme des années 1950 à des performances, installations, vidéos, happenings ou mises en scène d’objets et de situations de la vie quotidienne. La critique du système communiste yougoslave de l’époque apparaît de façon directe ou indirecte mais elle se situe aussi dans une perspective plus large concernant les notions cardinales d’aliénation et de recherche de la liberté.
Le groupe Gorgona (1959-1966),
proche de l’anti-art, ouvre la monstration. Il se trouvait composé de Julije
Knifer (qui a été le grand ami de François Morellet), Josip Vaništa, Dimitrije
Bašičević Mangelos, Ivan Kožarić. Il a
opté pour de nombreuses interventions afin de précipiter la pratique artistique
vers de nouveaux domaines. Un travail de réflexion théorique a été mis en place
par Dimitrije Bašičević Mangelos tandis que d’autres comme Goran
Trbuljak ont opté pour une approche quasi-sociologique de l’art avec son
intervention de 1972 dans la rue où il demande de voter aux passants afin de
savoir s’il est ou non un artiste. Tomislav Gotovac présente d’une part des
travaux de collage qui questionnent le monde et ses références politiques et
d’autre part des photos de performances, comme celle de 1981 où il s’exhibe nu
dans les rues de la capitale croate. Il s’inscrit dans cette tradition du corps
dénudé confronté à l’espace urbain et se trouvera bien sûr suivi par de
nombreux autres artistes dans les années qui suivront. L’exploration du langage
passe chez Mladen Stilinović par des textes, photographies et dessins qui
légèrement mais fermement subvertissent la réalité de l’époque. L’incroyance au
discours officiel se teinte d’une ironie mordante comme chez Vlado Martek qui dessine
lui des cartes évoquant des géographies décalées ne parlant pas de géographie
mais d’une tension liée aux noms évoqués. Une mention spéciale pour la salle de
Dalibor Martinis qui expose des œuvres très hétérogènes allant de son
installation « Les artistes en grève » de 1977 à son « Manteau
de Lénine pulvérisé », pièce gigantesque en feutre, réalisée en 2012 à
partir d’un fait réel.
Diverses vidéos se trouvent également projetées. Entre autres celle de Sanja
Iveković intitulée « Personal
Cuts », dont l’exposition reprend le titre et qui fait référence à
un étrange découpage filmé datant de 1982 où les lambeaux d’un masque souple
finissent par libérer un visage de femme (celui de l’artiste), chaque action se
référant à un extrait de l’émission télévisée « L’Histoire de la
Yougoslavie ». Les deux sens du mot « cut », à la fois dans
l’action de couper dans le réel et dans celle de couper dans le film traduisent
la violence existant entre les faits et leur interprétation. Plus récemment Igor
Grubić avec « East Side story » (2008) a opté pour une relecture d’un
documentaire des évènements violents qui ont émaillé la Gay Pride à Belgrade et
Zagreb en 2001 et 2002. Sur un autre écran des danseurs de la « Bad
Company » réinterprètent les évènements susnommés. Il en résulte un
questionnement fort intéressant sur la réalité et sa transposition sur fond d’une
haine qui nie l’altérité sexuelle.
L’intérêt majeur de cette exposition repose sur la découverte d’artistes
moins connus que leurs homologues américains ou chinois, pour ne citer qu’eux.
Une ouverture très intéressante sur cet Est si proche géographiquement et si
lointain dans sa perception. L’internationalisation des pratiques se définit
toujours autour de ces deux axes : le marché et l’utilisation
« obligatoire » de l’anglais comme langue de communication (voir
l’œuvre-banderole de l’entrée). Etrangement il demeure un parfum de nostalgie
dans certaines œuvres historiques, résultat de la lutte des créateurs contre le
système des années rouges lorsque l’adversaire semblait n’avoir qu’un seul
visage. Aujourd’hui son nom est légion.
Christian Skimao
Christian Skimao
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