Fondation Vincent van Gogh
35, rue du docteur Fanton, Arles
Du 20 septembre 2014 au 26 avril 2015
Touches à touche-touche
Une double exposition à touche-touche avec deux artistes qui ne semblent
pas se ressembler, Yan Pei-Ming d’un côté, de l’autre Bertrand Lavier.
Différences et ressemblances se trouvent au rendez-vous dans le cadre d’une
excitante confrontation.
Avec « Nigth of colours » de Yan Pei-Ming dont Xavier Douroux
assure le commissariat on se trouve en présence d’un travail pictural mené à
coups de larges brosses sur des sujets les plus divers. On connaissait les
portraits géants de l’artiste réalisés depuis des années, une sorte de peinture
d’histoires qui jongle avec les références et l’actualité au travers d’un medium
qui fait la part belle à la touche. L’introduction de la couleur perturbe
l’approche qui jusqu’à présent optait le plus souvent pour de subtiles apparitions ;
ici prenons le cas de « Moonligt », puissante peinture d’un bateau
d’immigrants perdus sur une mer sombre et qui existe en deux versions ;
l’une en noir et blanc (2011), l’autre en couleur nommée « Moonlight in
Color » (2014) avec un certain nombre de variantes quant à la composition.
Une importante partie de l’exposition interroge, au niveau du sujet, le fait
catholique. Qu’il s’agisse du portrait du « Pape » Jean-Paul II datant
de 2004, peint comme mort avant son décès, du Pape Innocent X repris d’après la célèbre toile de Vélasquez
(2013), d’une série de « Prie-Dieu » ou encore d’un « Chemin de
croix » très fortement coloré (2014). Le rapport avec l’œuvre de Van Gogh
qui demeure l’incontournable obligation faite aux artistes exposant à la Fondation
a trouvé un écho fort intéressant avec une « Nuit étoilée » (2014) qui
propose un écran d’ordinateur où apparaît le célèbre tableau du grand hollandais.
Cette distorsion de l’espace-temps change donc notre perception des deux œuvres.
En effet le rapport nature-culture passe toujours par la peinture mais sans
omettre cette autre dimension qu’est la noosphère. Une énigmatique installation
sise dans l’ancien bureau directorial comprend de petites natures mortes
disposées dans des étagères et deux portraits, supposés véridiques du maître
hollandais. L’ensemble général de cette monstration, très ouverte, permet ainsi
une échappée dans de multiples directions.
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Bertrand Lavier, "Picasso Ultra Marine", 2010Pigment et vernis à bronze sur aile de voiture / PigmePnt and bronze varnish on car wing 90 x 135 x 14 cm Courtesy : l’artiste et Yvon Lambert / the Artist and Yvon Lambert Crédit photo : l’artiste © Bertrand Lavier, ADAGP, Paris, 2014 |
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Plus de légèreté, en apparence avec « L’affaire tournesols »
de Bertrand Lavier dont Bice Curiger, directrice de la Fondation, est le
commissaire. La convocation d’Hergé et de Tintin au travers d’une référence
liée à l’album éponyme donne le ton mais l’emploi du pluriel nous conduit
directement du côté de Van Gogh. Le ton est donné avec un champ référentiel
vaste et indirectement horticole, ce qui réjouit fortement Lavier. Il existe
chez lui un rapport entre une approche conceptuelle et une réflexion portant
sur la signification du langage et le fait de le prendre au pied de la lettre. À
partir de 1980 Bertrand Lavier use de la « touche Van Gogh » pour
recouvrir tout objet ou sujet qui le séduit. Une sélection d’œuvres de
différentes époques s’expose ici : « Gaveau » (2008), piano de
même marque, peint ; « Walt Disney Productions 1947-2013 » œuvres
d’art inventées dans la bande dessinée Traits
très abstraits de la célèbre souris, extraites de leur fiction, puis
agrandies ; « Atomium » (2007), fragments réels de l’Atomium de
Bruxelles, peints ; et bien d’autres encore. Revenons sur quelques œuvres réalisées
spécialement pour cette monstration (en ne faisant pas mention du portail,
œuvre monumentale déjà analysée antérieurement) dont l’emblématique
installation où « L’autoportrait à la pipe et au chapeau de paille »
de Van Gogh se reflète dans le « Miroir à la touche Van Gogh » de
Lavier. Le panneau autoroutier dénommé « Paysages aixois » (2014) et
bien sûr « Jaune soleil par Tollens & Valentine » (2014) qui se
réfère mais de façon horizontale et plane, à la légendaire superposition en
volume « Brandt sur Fichet-Bauche » (1984), qui elle ne se trouve pas
présente à Arles. Toute l’œuvre de Lavier tourne autour d’une mise en abyme
permanente mais où la notion humoristique le dispute souvent à la profonde
réflexion. Cette volonté de mise en regard de ce qui avait été déjà vu nous offre
un nouveau regard, autre. N’oublions pas le rôle essentiel de la citation, dans
le domaine universitaire par exemple ; elle étaye le savoir en train de
s’élaborer, quelquefois jusqu’au vertige, aboutissant à une glose encombrante.
Pour Bertrand Lavier, c’est l’inverse, la citation lave les yeux.
Christian Skimao
Christian Skimao
Christian Skimao
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