Exposition « VIALLAT, une
rétrospective»
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier
Du 28 juin au 2 novembre 2014
Claude Viallat toujours recommencé
La
rétrospective demeure un genre difficile mais passionnant. Elle permet de faire
le point sur le parcours d’un artiste tout en risquant de l’inscrire dans un
passé. Or un créateur se voit toujours dans l’avenir et l’image qu’on projette
de lui l’inquiète et le ravit à la fois. Néanmoins s’établit une pertinence
générale de l’ensemble de l’œuvre qui acquiert ainsi une cohérence nouvelle
tout en prenant place dans l’histoire de l’art en train de s’écrire.
Il était une fois une forme … la fameuse forme que Claude Viallat
décline sur des supports hétérogènes aux formats multiples depuis 1966. De
celle-ci découle un système reposant sur une complémentarité dynamique (forme
et contre-forme) qui utilise également et en permanence la couleur. Cette
occupation de l’espace, en apparence répétitive offre à l’artiste une grande
liberté qui lui permet dès lors d’envahir le monde entier.
Cette exposition comprend près de 200 œuvres, peintures dessins et
objets qui envahissent tout l’espace du Musée Fabre, allant des espaces d’exposition
temporaire jusqu’au hall Buren, l’escalier Leenhardt, l’atrium Richier pour
finir à l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran. Le parcours muséographique a
opté pour 8 ensembles dont les intitulés permettent de mieux saisir les enjeux
didactiques de l’exposition : « Viallat avant Viallat » propose
de montrer le travail figuratif et peu connu du peintre se référant à ses
influences classiques comme Chabaud ; « l’émergence de la forme »
propose des œuvres qui peu à peu conduisent à la rupture d’avec l’art moderne
et optent pour un passage radical vers l’art contemporain ;
« Supports-Surfaces » nous introduit dans la dernière avant-garde
française avec les liens entretenus avec Arnal, Bioulès, Dezeuze et Saytour
pour ne citer que les sudistes proches ; « la plénitude de la
forme » suggère l’épanouissement formel du système en action ;
« l’éloquence de la couleur » explore la force matissienne du
travail et ses multiples résonances dans l’histoire de la peinture; les
« cerceaux et objets » permettent de saisir le lien entre les
peintures et la construction mentale liée à l’utilisation de matériaux simples
comme les bois flottés ; la série des « Tauromachies » saisit le
lien intime existant entre l’artiste et cette pratique gardoise ; la
partie désignée sous le nom de « réminiscences et tentation du kitsch »
fait part d’expérimentations dans des domaines où les supports jouent un rôle
improbable face à l’occupation de la forme.
Revenons donc à l’insolite installation d’œuvres de Claude Viallat dans
les locaux de l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran qui représente le
département arts décoratifs du musée Fabre. Il s’agit de prendre place de façon
discrète dans cet univers suranné et surchargé. On notera les très surprenantes
correspondances entre les Viallat et les salons présentés dans leur indicible
somnolence. La notion du goût, bon ou mauvais, se trouve confronté à la
difficulté du temps qui passe dans un questionnement somme toute très
proustien. Pour l’atrium Richier, au musée, la présence des pièces monumentales
confirme une fois encore la supériorité du mètre carré de couleur sur le
centimètre carré. En effet le regard se trouve totalement happé par la
puissance des œuvres et leur fuite dans l’espace. On y trouve un fragment de
toile de cirque exposé à Montbéliard en 1992, une bâche bleue exposée en
Allemagne en 2007 à l’aéroport de Cologne, un taud de bateau réalisé au Pont du
Gard en 2012 et une toile recto-verso exposée à La Biennale de Venise en 1988
au Pavillon français.
Claude Viallat s’est toujours revendiqué comme peintre alors que son
approche polymorphe excède les frontières de sa pratique. Sa problématique
constante consiste à brouiller les pistes en se référant à la figure de la
spirale qui se joue des datations et des classifications. Se situant à la fois
dans la modernité et dans un archaïsme revendiqué, son travail oscille entre
des références préhistoriques, la peinture américaine des années 1950 et une
inventivité quotidienne. Il traduit.sa
volonté de s’affranchir des cloisonnements trop lourds du classement historique
et de jouer totalement la prolifération. Si cette rétrospective montre des
œuvres exceptionnelles dans le cadre d’une scénographie fort réussie il demeure
impossible de prendre Claude Viallat au filet. Même dans celui qui lui sert de
trame à ses narrations archétypales.
Christian Skimao
Christian Skimao
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