mercredi 2 juillet 2014

Exposition « VIALLAT, une rétrospective»

Exposition « VIALLAT, une rétrospective»
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier

Du 28 juin au 2 novembre 2014






                    Claude Viallat toujours recommencé

  La rétrospective demeure un genre difficile mais passionnant. Elle permet de faire le point sur le parcours d’un artiste tout en risquant de l’inscrire dans un passé. Or un créateur se voit toujours dans l’avenir et l’image qu’on projette de lui l’inquiète et le ravit à la fois. Néanmoins s’établit une pertinence générale de l’ensemble de l’œuvre qui acquiert ainsi une cohérence nouvelle tout en prenant place dans l’histoire de l’art en train de s’écrire.

  Il était une fois une forme … la fameuse forme que Claude Viallat décline sur des supports hétérogènes aux formats multiples depuis 1966. De celle-ci découle un système reposant sur une complémentarité dynamique (forme et contre-forme) qui utilise également et en permanence la couleur. Cette occupation de l’espace, en apparence répétitive offre à l’artiste une grande liberté qui lui permet dès lors d’envahir le monde entier.

  Cette exposition comprend près de 200 œuvres, peintures dessins et objets qui envahissent tout l’espace du Musée Fabre, allant des espaces d’exposition temporaire jusqu’au hall Buren, l’escalier Leenhardt, l’atrium Richier pour finir à l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran. Le parcours muséographique a opté pour 8 ensembles dont les intitulés permettent de mieux saisir les enjeux didactiques de l’exposition : « Viallat avant Viallat » propose de montrer le travail figuratif et peu connu du peintre se référant à ses influences classiques comme Chabaud ; « l’émergence de la forme » propose des œuvres qui peu à peu conduisent à la rupture d’avec l’art moderne et optent pour un passage radical vers l’art contemporain ; « Supports-Surfaces » nous introduit dans la dernière avant-garde française avec les liens entretenus avec Arnal, Bioulès, Dezeuze et Saytour pour ne citer que les sudistes proches ; « la plénitude de la forme » suggère l’épanouissement formel du système en action ; « l’éloquence de la couleur » explore la force matissienne du travail et ses multiples résonances dans l’histoire de la peinture; les « cerceaux et objets » permettent de saisir le lien entre les peintures et la construction mentale liée à l’utilisation de matériaux simples comme les bois flottés ; la série des « Tauromachies » saisit le lien intime existant entre l’artiste et cette pratique gardoise ; la partie désignée sous le nom de « réminiscences et tentation du kitsch » fait part d’expérimentations dans des domaines où les supports jouent un rôle improbable face à l’occupation de la forme.

  Revenons donc à l’insolite installation d’œuvres de Claude Viallat dans les locaux de l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran qui représente le département arts décoratifs du musée Fabre. Il s’agit de prendre place de façon discrète dans cet univers suranné et surchargé. On notera les très surprenantes correspondances entre les Viallat et les salons présentés dans leur indicible somnolence. La notion du goût, bon ou mauvais, se trouve confronté à la difficulté du temps qui passe dans un questionnement somme toute très proustien. Pour l’atrium Richier, au musée, la présence des pièces monumentales confirme une fois encore la supériorité du mètre carré de couleur sur le centimètre carré. En effet le regard se trouve totalement happé par la puissance des œuvres et leur fuite dans l’espace. On y trouve un fragment de toile de cirque exposé à Montbéliard en 1992, une bâche bleue exposée en Allemagne en 2007 à l’aéroport de Cologne, un taud de bateau réalisé au Pont du Gard en 2012 et une toile recto-verso exposée à La Biennale de Venise en 1988 au Pavillon français.

  Claude Viallat s’est toujours revendiqué comme peintre alors que son approche polymorphe excède les frontières de sa pratique. Sa problématique constante consiste à brouiller les pistes en se référant à la figure de la spirale qui se joue des datations et des classifications. Se situant à la fois dans la modernité et dans un archaïsme revendiqué, son travail oscille entre des références préhistoriques, la peinture américaine des années 1950 et une inventivité quotidienne. Il traduit.sa volonté de s’affranchir des cloisonnements trop lourds du classement historique et de jouer totalement la prolifération. Si cette rétrospective montre des œuvres exceptionnelles dans le cadre d’une scénographie fort réussie il demeure impossible de prendre Claude Viallat au filet. Même dans celui qui lui sert de trame à ses narrations archétypales.

                                                                                                                                                                                         Christian Skimao


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