lundi 26 mai 2014

Exposition Walid Raad « Préface »


Exposition Walid Raad
« Préface »
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 23 mai au 14 septembre 2014




WALID RAAD "Prologue" Plate I, 2014





   "Objets inanimés avez-vous donc une âme ..."


Pourquoi ne pas utiliser comme titre ce vers fameux de Lamartine qui résonne comme une possible interprétation de l’œuvre de Walid Raad ? Le pathos du 19ème siècle en moins, la sensibilité de notre époque en plus. En effet cet artiste libanais qui travaille à New York a réalisé une importante action concernant le Louvre et sa nouvelle antenne d’Abu Dhabi. Cette exposition coproduite avec le Museo Madre de Naples occupe les deux ailes de Carré d’Art à Nîmes, l’une contenant les développements du projet Scratching on things I could Disavow, l’autre présentant certains travaux réalisés dans le cadre de The Atlas Group (1989-2004). L’exposition réunit des œuvres existantes et de nouvelles productions

  En ce qui concerne le premier projet, l’artiste y travaille depuis 2007. Il aborde des notions comme le statut de l’œuvre durant son voyage entre l’Occident et le Moyen-Orient. Cette réflexion se trouve mise en scène par des installations d’œuvres anciennes et des photographies qui questionnent ce que l’on voit véritablement dans un musée. La prise en compte de l’importance du reflet, par exemple, par rapport à l’œuvre dite originale oblige à une remise en cause des genres constitués. Il en va de même avec les vitrines qui trouvent à ses yeux une nouvelle fonction, non pas de simple protection mais d’œuvre d’art en en soi. L’importance du regard de l’artiste porté sur ces objets, la nouvelle qualification qu’il leur donne met en lumière un déplacement poétique des plus intéressants. Où se situe la frontière exacte entre la vérité de l’œuvre et sa perception ? Nul ne le sait véritablement puisque le regardeur se trouve investi à chaque fois d’une virginité sensorielle qui dépasse un cadre  voulu normé par le capitalisme mondial et le marché de l’art.

  Le second projet traite de l’approche du politique par l’artiste au travers de la dénomination générique The Atlas Group (1989-2004). Walid Raad compile des documents traitant de l’histoire mouvementée du Liban tout en créant une fiction autour de cette organisation imaginée par lui. Les photos et les références semblent réelles mais elles se situent dans des chronologies différentes. L’importance du récit confère à chaque source une vérité qui repose sur un parti pris sociologique. L’artiste expose des photographies censées représenter un milicien libanais devant entrer dans l’armée régulière après la guerre civile et qui n’arrive pas à mémoriser le nom des armes et projectiles utilisés. Il les photographie donc afin de pouvoir les nommer. Nous nous trouvons dès lors pris dans un récit vertigineux où le possible se marie au doute avant d’aboutir à une œuvre d’art. La vraisemblance demeure ainsi la compagne d’un détournement permanent soutenu par des récits multiples.

  Dans les deux projets existe un questionnement permanent sur l’histoire et ses enjeux. Le monde de l’art se trouve désormais au prise avec un marché qui le dépasse. Pour soutenir ses actions visuelles, Walid Raad rédige aussi des fictions fort ironiques et inventives qui s’insèrent dans son approche d’une théâtralisation globale. Nous ne trouvons pas en face de simples installations mais en présence de narrations multiples qui doivent nous faire sentir la complexité d’un monde en train de changer à vive allure. Si la question du devenir de l’œuvre d’art est cruciale qu’en est-il aujourd’hui du rôle de l'artiste ?
                                                                                                                                   Christian Skimao

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