dimanche 9 juillet 2023

Exposition "Petits riens" de Pascale Marthine Tayou Collection Lambert, Avignon, 2023

 Exposition Petits riens de Pascale Marthine Tayou

Collection Lambert, Avignon

Du 1er juillet au 19 novembre 2023

 

 

 

Pascale Marthine Tayou. Plastic Tree, vue partielle, Collection Lambert, 2023.

 

                   L’éclatant théâtre de la vie et de l’art

 

 

 

 Véritable tourbillon et trublion de l’art, Pascale Marthine Tayou a rajouté deux « e » à ses prénoms d’artiste et deux ailes à sa pensée qui survole le monde. Originaire du Cameroun, il réside en Belgique dans un de ces détours qui ancrent la modernité dans une active globalité. Ces Petits riens constituent de grandes choses puisqu’avec très peu, l’artiste peut faire beaucoup. Dès l’entrée, trois poteaux descendent du ciel, aux pointes siglées de tricolore (bleu, blanc, rouge) tandis qu’une nuée de pavés de couleurs se répandent dans une verticalité joyeuse (Colorfoul Stones). 23 installations se trouvent présentes, dont dix nouvelles et quatre repensées et réorganisées pour les lieux.

 

Pascale Marthine Tayou. Oxygen, vue partielle, Collection Lambert, 2023.

  Trois grandes réalisations prennent place dans la Collection. La première, Oxygen (2023) située au rez-de-chaussée, dans la salle terminale, se compose d’arbres provenant du plafond, avec comme fruits des bouteilles en plastique vides. Cette inversion, tant physique que fantasmée, oblige chacun et chacune à revoir les évidences proclamées, tout en se trouvant surpris par la grande force poétique de l’ensemble. Il en va de même, à l’étage avec la désormais fameuse installation intitulée Plastic Tree qui met en scène des branchages semblant jaillir des murs, terminés par des sacs en plastique multicolores. L’impossibilité même de l’existence de l’objet artistique lui donne toute sa pertinence. Une autre grande installation évoque les nombreuses conférences ayant émaillé la vie politique du monde. Les endroits et les dates se trouvent rédigés à la hâte sur les murs. Un certain nombre d’entre elles se trouvent facilement identifiables, dont Yalta en 1945 entre les Alliés qui ne vont pas tarder à se déchirer entre eux, mais aussi celle, infâme, de Berlin à la fin du 19ème siècle (1884-85) où les puissances occidentales se partagèrent l’Afrique, en invoquant hypocritement la civilisation, donnant naissance à un rapport colonial sans précédent qui irrigue encore notre inconscient. Des chaises en plastique, récupérées et couturées, ainsi que des ondulés colorés suspendus en hauteur, émaillent l’espace en un contrepoint saisissant.

 

Pascale Marthine Tayou. Terre Commune, Collection Lambert, 2023.

  Pascale Marthine Tayou se présente comme une sorte de conteur d’histoires, parfois drôles, parfois tragiques, mais qui nous font réfléchir. Utilisant la notion de « chaos-monde », chère à Édouard Glissant, il établit un dialogue entre son univers et le nôtre. Ces chocs permettent de revisiter un passé dont la présence nous conduit soit à l’explosion, soit à l’hybridation. Ainsi Terre Commune (2023), réalisée en terre cuite, représente notre planète avec ses différents blocs terrestres en train de s’éloigner physiquement. Des chants d’oiseaux et des comptines célèbres comme Le Pont d’Avignon proviennent d’écrans tournés contre le mur ou contre le sol, introduisant ainsi un décalage entre évidence et réminiscence.

 

  Il semble certain que l’artiste possède une qualité rare, celle de percevoir ce que nous ne voulons pas encore voir. Mais plutôt que de prendre la posture du « voyant », fût-elle rimbaldienne, il insiste sur la participation de tous avec tous. Cette chaîne créatrice privilégie bien le « nous » au détriment du « je ». Reste le jeu et Tayou apparaît comme un sacré bon joueur !

 

                                                                                                                                                        Christian Skimao

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