Exposition Petits riens de Pascale Marthine Tayou
Collection
Lambert, Avignon
Du 1er
juillet au 19 novembre 2023
Pascale Marthine Tayou. Plastic Tree, vue partielle, Collection Lambert, 2023.
L’éclatant
théâtre de la vie et de l’art
Véritable tourbillon et trublion de l’art,
Pascale Marthine Tayou a rajouté deux « e » à ses prénoms d’artiste
et deux ailes à sa pensée qui survole le monde. Originaire du Cameroun, il
réside en Belgique dans un de ces détours qui ancrent la modernité dans une
active globalité. Ces Petits riens constituent de grandes choses puisqu’avec
très peu, l’artiste peut faire beaucoup. Dès l’entrée, trois poteaux descendent
du ciel, aux pointes siglées de tricolore (bleu, blanc, rouge) tandis qu’une
nuée de pavés de couleurs se répandent dans une verticalité joyeuse (Colorfoul
Stones). 23 installations se trouvent présentes, dont dix nouvelles et
quatre repensées et réorganisées pour les lieux.
Pascale Marthine Tayou. Oxygen, vue partielle, Collection Lambert, 2023.
Trois grandes réalisations prennent place
dans la Collection. La première, Oxygen (2023) située au rez-de-chaussée,
dans la salle terminale, se compose d’arbres provenant du plafond, avec comme fruits
des bouteilles en plastique vides. Cette inversion, tant physique que
fantasmée, oblige chacun et chacune à revoir les évidences proclamées, tout en se
trouvant surpris par la grande force poétique de l’ensemble. Il en va de même,
à l’étage avec la désormais fameuse installation intitulée Plastic Tree
qui met en scène des branchages semblant jaillir des murs, terminés par des sacs
en plastique multicolores. L’impossibilité même de l’existence de l’objet
artistique lui donne toute sa pertinence. Une autre grande installation évoque
les nombreuses conférences ayant émaillé la vie politique du monde. Les endroits
et les dates se trouvent rédigés à la hâte sur les murs. Un certain nombre d’entre
elles se trouvent facilement identifiables, dont Yalta en 1945 entre les Alliés
qui ne vont pas tarder à se déchirer entre eux, mais aussi celle, infâme, de
Berlin à la fin du 19ème siècle (1884-85) où les puissances
occidentales se partagèrent l’Afrique, en invoquant hypocritement la civilisation,
donnant naissance à un rapport colonial sans précédent qui irrigue encore notre
inconscient. Des chaises en plastique, récupérées et couturées, ainsi que des ondulés colorés suspendus en hauteur, émaillent l’espace en un contrepoint saisissant.
Pascale Marthine Tayou. Terre Commune, Collection Lambert, 2023.
Pascale Marthine Tayou se présente comme une
sorte de conteur d’histoires, parfois drôles, parfois tragiques, mais qui nous
font réfléchir. Utilisant la notion de « chaos-monde », chère à Édouard
Glissant, il établit un dialogue entre son univers et le nôtre. Ces chocs permettent
de revisiter un passé dont la présence nous conduit soit à l’explosion, soit à
l’hybridation. Ainsi Terre Commune (2023), réalisée en terre cuite, représente
notre planète avec ses différents blocs terrestres en train de s’éloigner
physiquement. Des chants d’oiseaux et des comptines célèbres comme Le Pont d’Avignon
proviennent d’écrans tournés contre le mur ou contre le sol, introduisant ainsi
un décalage entre évidence et réminiscence.
Il semble certain que l’artiste possède une qualité
rare, celle de percevoir ce que nous ne voulons pas encore voir. Mais plutôt
que de prendre la posture du « voyant », fût-elle rimbaldienne, il
insiste sur la participation de tous avec tous. Cette chaîne créatrice privilégie
bien le « nous » au détriment du « je ». Reste le jeu et
Tayou apparaît comme un sacré bon joueur !
Christian Skimao
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