Exposition Le Songe de la raison de Neo Rauch
MO.CO,
Montpellier
Du 8 juillet
au 15 octobre 2023
Neo Rauch in his studio Photo: Uwe Walter © Neo Rauch/VG Bild-Kunst, Bonn Courtesy the artist, Galerie EIGEN + ART Leipzig/Berlin, and David Zwirner |
Département Des Renaissances
Il y a ceux qui ont connu la DDR en tant qu’état
indépendant et celles qui ne l’ont pas connu, question de génération. Idem pour
Leipzig, mais tout cela nous ramène au 20ème siècle, avant 1989 et
la réunification allemande l’année suivante, un autre monde et une autre
Europe. Cette problématique d’un génie du lieu oublié, ou plutôt enfoui,
m’apparaît cependant comme importante. Neo Rauch a toujours été présent à
Leipzig ou dans ses environs. Né en 1960, le monde a tourné autour de lui et a
fini par changer, tandis que son travail a commencé à se diffuser et bien sûr
rencontrer l’Amérique.
Cette première rétrospective française,
voulue ardemment par Numa Hambursin, présente une sélection de peintures mais
aussi des dessins de l’artiste des années 1990 jusqu’à aujourd’hui. Neo Rauch
définit son travail des années 1980 comme trop lié à l’idée de la peinture
contemporaine comme elle devait « obligatoirement » se faire et préfère
débuter par son « temps d’incubation » avant d’aboutir à partir de
2000 à des toiles de grand format réalisées directement, sans esquisses
préparatoires, en laissant vagabonder son imaginaire. Cette porosité prépare dès
lors son chemin vers une approche très personnelle et sa recherche intérieure.
Si
sa toile Taufe (Baptême) de 1994 symbolise une renaissance, elle pose
de nombreuses questions. Elle ressemble davantage à quelque scène postmoderne
avec des fragments d’autoroute et son caisson d’immersion qu’à une lumineuse
conversion à quelque culte chrétien. Des silhouettes énigmatiques qui errent
n’offrent que peu de prise à l’interprétation tandis que des chiffres romains
scintillent à l’ombre d’un compas hors d’échelle. Affleure alors l’idée d’une
impossibilité à se faire une idée, l’artiste mélangeant sa biographie
personnelle, des références esthétiques, des situations vécues et des errances analytiques.
Une œuvre comme Tal (Vallée) de 1999 présente une campagne
allemande avec deux hommes vêtus de shorts de boxeur, en train de se battre (ou
non ?) avec de longues perches. Jouant avec le croisement des ailes
démesurées d’un moulin, la possibilité visuelle d’une redondance formelle
intrigue et peut aussi signifier une mise en abyme.
La résonance psychanalytique doit se trouver
prise en compte sans oublier une relecture pertinente du surréalisme quant aux
rencontres improbables entre l’homme et l’animal comme dans Türme (Tours)
de 2011 où un chien-rhinocéros velu se termine par une tête d’homme. Les
situations semblent emprunter au théâtre dans des mises en scène aux couleurs
le plus souvent ternes. Les personnages portant des habits d’époques révolues évoluent
dans des décors souvent stylisés, fixant leur attention sur des animaux hors
d’échelle comme dans Nest (Nid) de 2012. Le malaise permanent
ressenti par le spectateur provient à la fois de ces décalages spatiotemporels et
d’une impossibilité à savoir d’où parle l’artiste. Ses créatures visqueuses et
leur interaction avec l’imaginaire évoquent Jérôme Bosch comme dans Das Angebot
(L’Offrande) de 2016. Néanmoins la notion de kitsch, concept éminemment
allemand, semble à bannir impérativement, car le mauvais goût n’a pas sa place
dans son œuvre picturale.
Neo Rauch, Fastnacht (Carnaval), 2010. |
Neo Rauch, artiste aux facettes multiples et
à l’imaginaire foisonnant a évoqué son attrait pour les créations de Francis
Bacon et de Gérard Garouste. Il faut y ajouter ses deux enseignants de la
Hochschule für Graphik und Buchkunst de Leipzig, Bernhard Heisig et Arno Rink, sans
oublier une conscience aiguë du sens de la représentation des allégories de
toutes époques.
Christian
Skimao
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