mercredi 12 juillet 2023

Rétrospective Neo Rauch, MO.CO, Montpellier, 2023

 Exposition Le Songe de la raison de Neo Rauch

MO.CO, Montpellier

Du 8 juillet au 15 octobre 2023

 

 

Neo Rauch in his studio Photo: Uwe Walter © Neo Rauch/VG Bild-Kunst, Bonn Courtesy the artist, Galerie EIGEN + ART Leipzig/Berlin, and David Zwirner

 

                   Département Des Renaissances

 

 

 Il y a ceux qui ont connu la DDR en tant qu’état indépendant et celles qui ne l’ont pas connu, question de génération. Idem pour Leipzig, mais tout cela nous ramène au 20ème siècle, avant 1989 et la réunification allemande l’année suivante, un autre monde et une autre Europe. Cette problématique d’un génie du lieu oublié, ou plutôt enfoui, m’apparaît cependant comme importante. Neo Rauch a toujours été présent à Leipzig ou dans ses environs. Né en 1960, le monde a tourné autour de lui et a fini par changer, tandis que son travail a commencé à se diffuser et bien sûr rencontrer l’Amérique.

 

  Cette première rétrospective française, voulue ardemment par Numa Hambursin, présente une sélection de peintures mais aussi des dessins de l’artiste des années 1990 jusqu’à aujourd’hui. Neo Rauch définit son travail des années 1980 comme trop lié à l’idée de la peinture contemporaine comme elle devait « obligatoirement » se faire et préfère débuter par son « temps d’incubation » avant d’aboutir à partir de 2000 à des toiles de grand format réalisées directement, sans esquisses préparatoires, en laissant vagabonder son imaginaire. Cette porosité prépare dès lors son chemin vers une approche très personnelle et sa recherche intérieure.

 

Si sa toile Taufe (Baptême) de 1994 symbolise une renaissance, elle pose de nombreuses questions. Elle ressemble davantage à quelque scène postmoderne avec des fragments d’autoroute et son caisson d’immersion qu’à une lumineuse conversion à quelque culte chrétien. Des silhouettes énigmatiques qui errent n’offrent que peu de prise à l’interprétation tandis que des chiffres romains scintillent à l’ombre d’un compas hors d’échelle. Affleure alors l’idée d’une impossibilité à se faire une idée, l’artiste mélangeant sa biographie personnelle, des références esthétiques, des situations vécues et des errances analytiques. Une œuvre comme Tal (Vallée) de 1999 présente une campagne allemande avec deux hommes vêtus de shorts de boxeur, en train de se battre (ou non ?) avec de longues perches. Jouant avec le croisement des ailes démesurées d’un moulin, la possibilité visuelle d’une redondance formelle intrigue et peut aussi signifier une mise en abyme.

 

  La résonance psychanalytique doit se trouver prise en compte sans oublier une relecture pertinente du surréalisme quant aux rencontres improbables entre l’homme et l’animal comme dans Türme (Tours) de 2011 où un chien-rhinocéros velu se termine par une tête d’homme. Les situations semblent emprunter au théâtre dans des mises en scène aux couleurs le plus souvent ternes. Les personnages portant des habits d’époques révolues évoluent dans des décors souvent stylisés, fixant leur attention sur des animaux hors d’échelle comme dans Nest (Nid) de 2012. Le malaise permanent ressenti par le spectateur provient à la fois de ces décalages spatiotemporels et d’une impossibilité à savoir d’où parle l’artiste. Ses créatures visqueuses et leur interaction avec l’imaginaire évoquent Jérôme Bosch comme dans Das Angebot (L’Offrande) de 2016. Néanmoins la notion de kitsch, concept éminemment allemand, semble à bannir impérativement, car le mauvais goût n’a pas sa place dans son œuvre picturale.

 

Neo Rauch, Fastnacht (Carnaval), 2010.



  Neo Rauch, artiste aux facettes multiples et à l’imaginaire foisonnant a évoqué son attrait pour les créations de Francis Bacon et de Gérard Garouste. Il faut y ajouter ses deux enseignants de la Hochschule für Graphik und Buchkunst de Leipzig, Bernhard Heisig et Arno Rink, sans oublier une conscience aiguë du sens de la représentation des allégories de toutes époques.

 

                                                                                                                                           Christian Skimao

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