lundi 17 juillet 2023

Expositions "Portraits" et "Jacques Léonard", Musée Réattu, Arles 2023

 Deux expositions

Dans le cadre d’Arles associé des Rencontres de la photographie 2023

Portraits. La collection Florence et Damien Bachelot

Du 1er juillet au 1er octobre 2023

Jacques Léonard. L’esprit nomade.

Du 27 mai au 1er octobre 2023

Musée Réattu, Arles

 

 



 

                        Souvenirs et avenirs

 

 

 

  Deux expositions qui nous entraînent dans les méandres d’une photographie historique au sens le plus large. La première, intitulée Portraits, propose une sélection de 120 portraits prêtés par la collection Florence et Damien Bachelot, importante institution privée en France, possédant près de 1000 tirages de qualité muséale. Elle débute avec le fameux portrait de Paul Strand, Young boy, Gondeville, Charente (1951) pour s’achever sur un polyptyque de Luc Delahaye, montrant le corps d’un jeune palestinien en une mise en scène éclatée relevant presque de la scénographie chrétienne. Les photographies répondent aux toiles de Jacques Réattu ou de Pablo Picasso, mais aussi aux sculptures de Germaine Richier dans un dialogue passionnant. Il se crée ainsi de nouvelles mises en regard qui enrichissent simultanément la perception du passé et du présent dans un espace muséal ainsi mis en mouvement. Citons quelques photographies extraordinaires comme Igor Stravinsky d’Arnold Newman (1946), pensif face à son énorme piano à queue ou Lella, d’Edouard Boubat (1948) sans oublier un inconnu Soldat américain, guerre du Vietnam de Gilles Caron (1967) où se lit toute l’amertume des combats inutiles. Un éblouissant visuel, rouge sang, de Nan Goldin, Jennifer Jason Leigh au bar Seventh Veil, Los Angeles (1997), avec une actrice entre provocation et mélancolie. Et bien d’autres encore, de toutes époques, comme les photographies américaines des années 1910 à 1980 comprenant les tirages en couleurs du grand Saul Leiter.

 

  La seconde consacrée à Jacques Léonard permet de mettre en lumière un photographe encore peu connu en France. Né en 1909, il est mort en 1994, a travaillé dans le cinéma aux studios Gaumont avant de collaborer avec Abel Gance sur plusieurs films. Il part en Espagne en 1940, en repérage pour un film, Christophe Colomb qui ne se fera jamais et va s’y installer définitivement en 1952. Le musée présente 150 photographies sur un fonds qui compte dans les 20.000 clichés, avec l’active participation de la fondation « Photographic Social Vision » de Barcelone. Son œuvre journalistique comprend, entre autres, les Evadés (jeunes français passant par l’Espagne pour rejoindre la France Libre en 1943), La Division Azul en 1954 qui évoque le retour des survivants de l’armée espagnole partis se battre sur le front de l’Est avec les Allemands et libérés des camps soviétiques après la mort de Staline, mais aussi des reportages sur la Foire internationale de Bruxelles en 1958 avec l’Atomium en toile de fond. L’essentiel réside dans ses photographies de la communauté gitane du quartier de Montjuïc. Léonard, à moitié gitan par son père, va épouser Rosario Amaya, cousine lointaine de la grande danseuse de flamenco, Carmen Amaya. Travaillant au plus près d’une réalité vécue de l’intérieur, il photographie la joie de vivre et la douleur de la misère dans des œuvres composées avec force et vérité comme dans La nuit de la Saint-Jean chez Rosita ou dans des portraits héroïques et héroïsés comme Gitane. Godo Trias, usine de fils et de tissus. L’Hospitalet de Llobregat. Barcelone. (1959). Un monde disparu, en raison de la destruction des quartiers gitans, le relogement dans des HLM lointains et l’avancée d’un monde moderne où la gentrification a force de loi. L’essentiel demeure l’impalpable d’une mémoire où l’art n’abandonne pas les siens.

 

                                                                                                                                                         Christian Skimao

 

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