Deux expositions
Dans le cadre d’Arles associé des Rencontres
de la photographie 2023
Portraits. La collection Florence et
Damien Bachelot
Du 1er juillet au 1er
octobre 2023
Jacques Léonard. L’esprit nomade.
Du 27 mai au 1er octobre 2023
Musée Réattu, Arles
Souvenirs
et avenirs
Deux expositions qui nous entraînent dans les
méandres d’une photographie historique au sens le plus large. La première, intitulée
Portraits, propose une sélection de 120 portraits prêtés par la collection
Florence et Damien Bachelot, importante institution privée en France, possédant
près de 1000 tirages de qualité muséale. Elle débute avec le fameux portrait de
Paul Strand, Young boy, Gondeville, Charente (1951) pour s’achever sur un
polyptyque de Luc Delahaye, montrant le corps d’un jeune palestinien en une mise
en scène éclatée relevant presque de la scénographie chrétienne. Les
photographies répondent aux toiles de Jacques Réattu ou de Pablo Picasso, mais
aussi aux sculptures de Germaine Richier dans un dialogue passionnant. Il se
crée ainsi de nouvelles mises en regard qui enrichissent simultanément la
perception du passé et du présent dans un espace muséal ainsi mis en mouvement.
Citons quelques photographies extraordinaires comme Igor Stravinsky
d’Arnold Newman (1946), pensif face à son énorme piano à queue ou Lella,
d’Edouard Boubat (1948) sans oublier un inconnu Soldat américain, guerre du
Vietnam de Gilles Caron (1967) où se lit toute l’amertume des combats
inutiles. Un éblouissant visuel, rouge sang, de Nan Goldin, Jennifer Jason Leigh
au bar Seventh Veil, Los Angeles (1997), avec une actrice entre
provocation et mélancolie. Et bien d’autres encore, de toutes époques, comme les
photographies américaines des années 1910 à 1980 comprenant les tirages en
couleurs du grand Saul Leiter.
La seconde consacrée à Jacques Léonard permet
de mettre en lumière un photographe encore peu connu en France. Né en 1909, il
est mort en 1994, a travaillé dans le cinéma aux studios Gaumont avant de
collaborer avec Abel Gance sur plusieurs films. Il part en Espagne en 1940, en
repérage pour un film, Christophe Colomb qui ne se fera jamais et va s’y
installer définitivement en 1952. Le musée présente 150 photographies sur un
fonds qui compte dans les 20.000 clichés, avec l’active participation de la
fondation « Photographic Social Vision » de Barcelone. Son œuvre journalistique
comprend, entre autres, les Evadés (jeunes français passant par
l’Espagne pour rejoindre la France Libre en 1943), La Division Azul en
1954 qui évoque le retour des survivants de l’armée espagnole partis se battre
sur le front de l’Est avec les Allemands et libérés des camps soviétiques après
la mort de Staline, mais aussi des reportages sur la Foire internationale de
Bruxelles en 1958 avec l’Atomium en toile de fond. L’essentiel réside dans ses
photographies de la communauté gitane du quartier de Montjuïc. Léonard, à
moitié gitan par son père, va épouser Rosario Amaya, cousine lointaine de la
grande danseuse de flamenco, Carmen Amaya. Travaillant au plus près d’une réalité
vécue de l’intérieur, il photographie la joie de vivre et la douleur de la
misère dans des œuvres composées avec force et vérité comme dans La nuit de
la Saint-Jean chez Rosita ou dans des portraits héroïques et héroïsés comme
Gitane. Godo Trias, usine de fils et de tissus. L’Hospitalet de Llobregat.
Barcelone. (1959). Un monde disparu, en raison de la destruction des
quartiers gitans, le relogement dans des HLM lointains et l’avancée d’un monde
moderne où la gentrification a force de loi. L’essentiel demeure l’impalpable
d’une mémoire où l’art n’abandonne pas les siens.
Christian Skimao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire