Exposition
Toni Grand
Morceaux
d’une chose possible
Musée
Fabre, Montpellier
Du 20
janvier au 5 mai 2024
Toni Grand, Sans titre, 10 juin 1988, au premier plan et photo de l'artiste au second plan, musée Fabre, 2024.
Sec, brut, refendu…le faire
en action permanente
Une exposition très
claire et très bien documentée qui présente le parcours de Toni Grand et ses recherches
sur la notion de sculpture. En quatre parties, une approche didactique permet
de comprendre le parcours d’un artiste, quelque peu oublié par les jeunes
générations, dont le travail conserve une puissante actualité : « Du
bricolage sans importance » ; « Le double-jeu de la
sculpture » ; « Le vivant et le fossilisé… » et enfin « Dénaturer
l’art. Couleur, géométrie, éléments industriels ». Saluons également la présence
d’Olivier Kaeppelin dans le commissariat scientifique de cette monstration.
Durant l’époque héroïque de
Supports/Surfaces, Grand, qui a connu Viallat dès son plus jeune âge, a proposé
une approche où la dénomination des termes techniques utilisés pour la découpe
du bois devient le titre même de l’œuvre, comme pour cette réalisation datant
de 1970-75 : Sec, brut, débité entier-glissé-collé. Ce
« bricolage » au sens où l’entendait Claude Lévi-Strauss s’inscrit
dans une démarche artistique proche du minimal art, mais typiquement française.
L’apparente technicité du vocabulaire cache néanmoins une poésie propre aux
pièces dont la virtuosité demeure intacte.
L’introduction
d’un élément nouveau, la résine, pose de nouvelles problématiques. Cette
matière, artificielle, enrobe le bois, matière naturelle, créant des effets
d’opacité et de transparence. Conjointement apparaissent des colonnes doubles,
créées à partir de troncs d’arbres sciés en deux. Le stratifié polyester épouse
le demi-tronc évidé du bois pour donner naissance à un volume hybride. Une fois
encore, l’apparente simplicité de son travail met en lumière la complexité intellectuelle
où se trouve toujours évoquée la dimension humaine. Avec l’utilisation de
l’acier découpé, le plein et le vide se répondent comme dans Sans titre
(1981). Au poids des matériaux répond l’élégance de la pensée en action.
L’apparition des poissons dans ses sculptures
marque une date importante. En incluant dans un matériau artificiel, du vivant,
l’artiste franchit un nouveau cap, comme en témoigne une réception assez
controversée à l’époque des premières présentations. Différents éléments, comme
les os de chevaux ou des fragments de squelette de bovins ont également
participé à cette approche. Toni Grand incorpore ainsi une partie du monde réel
dans ses sculptures. Les anguilles se trouvent souvent incluses, mais aussi
d’autres variétés aquatiques. La notion de momification apparaît, non point
dans l’apparat de l’ancienne Egypte, mais dans une approche paradoxalement cosmique,
imprégnée de la connaissance matérielle et symbolique des éléments terrestres
et maritimes.
Pour terminer, évoquons les sculptures
géométriques avec poissons qui proposent une géométrie un peu branlante et très
inattendue, semblable à celle de 1988, Sans titre. Enfin une dernière
série composée d’amas de bois sculpté et peint, dont la légèreté évoque un
nuage. Ses amas de grande taille, imposants et fragiles, se trouvent fixés au
mur ou parfois placés sur des objets fonctionnels et industriels comme Genie
Superlift Advantage de 1999. Les machines ne sont désormais plus
célibataires et composent avec un volume plus ou moins évanescent. La
disparition prématurée de l’artiste laisse évidemment un goût d’inachevé, mais son
œuvre demeure plus intrigante et questionnante que jamais.
Christian
Skimao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire