jeudi 25 janvier 2024

Exposition Toni Grand, musée Fabre, Montpellier, 2024

 

Exposition Toni Grand

Morceaux d’une chose possible

Musée Fabre, Montpellier

Du 20 janvier au 5 mai 2024

 

 

Toni Grand, Sans titre, 10 juin 1988, au premier plan et photo de l'artiste au second plan, musée Fabre, 2024.

 

 

 

 

  Sec, brut, refendu…le faire en action permanente

 

 

 Une exposition très claire et très bien documentée qui présente le parcours de Toni Grand et ses recherches sur la notion de sculpture. En quatre parties, une approche didactique permet de comprendre le parcours d’un artiste, quelque peu oublié par les jeunes générations, dont le travail conserve une puissante actualité : « Du bricolage sans importance » ; « Le double-jeu de la sculpture » ; « Le vivant et le fossilisé… » et enfin « Dénaturer l’art. Couleur, géométrie, éléments industriels ». Saluons également la présence d’Olivier Kaeppelin dans le commissariat scientifique de cette monstration.

 

  Durant l’époque héroïque de Supports/Surfaces, Grand, qui a connu Viallat dès son plus jeune âge, a proposé une approche où la dénomination des termes techniques utilisés pour la découpe du bois devient le titre même de l’œuvre, comme pour cette réalisation datant de 1970-75 : Sec, brut, débité entier-glissé-collé. Ce « bricolage » au sens où l’entendait Claude Lévi-Strauss s’inscrit dans une démarche artistique proche du minimal art, mais typiquement française. L’apparente technicité du vocabulaire cache néanmoins une poésie propre aux pièces dont la virtuosité demeure intacte.

 

  L’introduction d’un élément nouveau, la résine, pose de nouvelles problématiques. Cette matière, artificielle, enrobe le bois, matière naturelle, créant des effets d’opacité et de transparence. Conjointement apparaissent des colonnes doubles, créées à partir de troncs d’arbres sciés en deux. Le stratifié polyester épouse le demi-tronc évidé du bois pour donner naissance à un volume hybride. Une fois encore, l’apparente simplicité de son travail met en lumière la complexité intellectuelle où se trouve toujours évoquée la dimension humaine. Avec l’utilisation de l’acier découpé, le plein et le vide se répondent comme dans Sans titre (1981). Au poids des matériaux répond l’élégance de la pensée en action.

 

  L’apparition des poissons dans ses sculptures marque une date importante. En incluant dans un matériau artificiel, du vivant, l’artiste franchit un nouveau cap, comme en témoigne une réception assez controversée à l’époque des premières présentations. Différents éléments, comme les os de chevaux ou des fragments de squelette de bovins ont également participé à cette approche. Toni Grand incorpore ainsi une partie du monde réel dans ses sculptures. Les anguilles se trouvent souvent incluses, mais aussi d’autres variétés aquatiques. La notion de momification apparaît, non point dans l’apparat de l’ancienne Egypte, mais dans une approche paradoxalement cosmique, imprégnée de la connaissance matérielle et symbolique des éléments terrestres et maritimes.

 

  Pour terminer, évoquons les sculptures géométriques avec poissons qui proposent une géométrie un peu branlante et très inattendue, semblable à celle de 1988, Sans titre. Enfin une dernière série composée d’amas de bois sculpté et peint, dont la légèreté évoque un nuage. Ses amas de grande taille, imposants et fragiles, se trouvent fixés au mur ou parfois placés sur des objets fonctionnels et industriels comme Genie Superlift Advantage de 1999. Les machines ne sont désormais plus célibataires et composent avec un volume plus ou moins évanescent. La disparition prématurée de l’artiste laisse évidemment un goût d’inachevé, mais son œuvre demeure plus intrigante et questionnante que jamais.

 

                                                                                                                       

                                                                                                                               Christian Skimao

 

 

 

 

 

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