Exposition Michel Butor-Francesca
Caruana
Butor, 12 poésures et en… corps !
Centre d’art contemporain àcentmètresducentredumonde,
Perpignan
En partenariat avec la revue ArtPress
Du 4 janvier au 25 janvier 2025
Exposition Butor-Caruana, Carnaval des dragons, ACMCM, Perpignan, 2025
Transpositions transposées
La transposition irrigue l’œuvre de Michel
Butor (1926-2016) tout au long de ses rencontres artistiques, depuis Hommage
partiel à Max Ernst, poème publié à 19 ans, dans la revue Vrille en 1945.
Par le biais de l’écriture poétique et au travers de livres d’artistes, il a
tenté de rendre compte de l’œuvre d’art, s’inscrivant dans une filiation qui
comprend chronologiquement Charles Baudelaire et André Breton, pour ne citer qu’eux.
Dans le cas présent la situation s’inverse puisque Francesca Caruana a confié à
Michel Butor des toiles vierges avec des feutres. Il a rédigé douze poèmes
directement sur les toiles en préservant des zones blanches. L’écrivain débute
le processus et l’artiste va le suivre. Ainsi naissent ces Poésures au
nombre de douze qui inversent le processus de transposition évoqué auparavant.
L’exposition propose à la fois une
présentation des douze réalisations mais toutes se trouvent enrichies et
présentées à la façon d’un triptyque. Chacune possède un nom, Entrelacs,
Carnaval des dragons, Hiatus, L’Antre de la Nymphe, Narthex,
etc. L’œuvre croisée de Butor et de Caruana se trouve au centre et se nomme génériquement
poésure. A droite se trouve une œuvre de grand format de l’artiste
réalisée sur un support plastique de type papier bulles. Enfin à gauche se
trouvent un grand dessin et des objets divers. Mais cette disposition peut
également s’inverser. Ainsi opère le débordement dans une sorte d’installation
verticale qui franchit allègrement les normes en vigueur. La toile sur bâche
plastique opte pour un univers onirique, parfois marin, parfois cosmique,
parfois minéral, qui convoque un gestuel maîtrisé et un sens aigu de la mise en
espace. Les tracés de l’artiste évoquent les écritures de l’écrivain en une
savante correspondance. Les « mots dans la peinture » pourraient
devenir également les mots autour de la peinture grâce à cette danse rituelle. Il
est également loisible de découvrir, de façon plus traditionnelle mais plus
lisible, sous un cadre de verre le poème butorien reproduit en caractères
d’imprimerie accompagné d’une œuvre référentielle de l’artiste.
Situé uniquement au rez-de-chaussée du Centre
d’art, ce dispositif resserré et efficace permet de mieux cerner les
problématiques de la collaboration mais aussi de l’absence de l’écrivain, ce
dernier nous ayant hélas quittés avant ses 90 ans. Francesca Caruana insiste
fortement sur le caractère transitoire de cette monstration puisqu’elle doit rejoindre
un musée qui la conservera dans son fonds, à charge pour lui d’éditer un
catalogue dont les textes critiques existent déjà. Les institutions françaises ne
sauraient laisser passer cette occasion malgré les temps de disette qui
s’annoncent.
Christian
Skimao
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