mercredi 8 janvier 2025

Exposition Butor-Caruana, ACMCM, Perpignan, 2024

 

Exposition Michel Butor-Francesca Caruana

Butor, 12 poésures et en… corps !

Centre d’art contemporain àcentmètresducentredumonde, Perpignan

En partenariat avec la revue ArtPress

Du 4 janvier au 25 janvier 2025

 

 

Exposition Butor-Caruana, Carnaval des dragons, ACMCM, Perpignan, 2025

     

                                       Transpositions transposées

 

 

        

  La transposition irrigue l’œuvre de Michel Butor (1926-2016) tout au long de ses rencontres artistiques, depuis Hommage partiel à Max Ernst, poème publié à 19 ans, dans la revue Vrille en 1945. Par le biais de l’écriture poétique et au travers de livres d’artistes, il a tenté de rendre compte de l’œuvre d’art, s’inscrivant dans une filiation qui comprend chronologiquement Charles Baudelaire et André Breton, pour ne citer qu’eux. Dans le cas présent la situation s’inverse puisque Francesca Caruana a confié à Michel Butor des toiles vierges avec des feutres. Il a rédigé douze poèmes directement sur les toiles en préservant des zones blanches. L’écrivain débute le processus et l’artiste va le suivre. Ainsi naissent ces Poésures au nombre de douze qui inversent le processus de transposition évoqué auparavant.

 

  L’exposition propose à la fois une présentation des douze réalisations mais toutes se trouvent enrichies et présentées à la façon d’un triptyque. Chacune possède un nom, Entrelacs, Carnaval des dragons, Hiatus, L’Antre de la Nymphe, Narthex, etc. L’œuvre croisée de Butor et de Caruana se trouve au centre et se nomme génériquement poésure. A droite se trouve une œuvre de grand format de l’artiste réalisée sur un support plastique de type papier bulles. Enfin à gauche se trouvent un grand dessin et des objets divers. Mais cette disposition peut également s’inverser. Ainsi opère le débordement dans une sorte d’installation verticale qui franchit allègrement les normes en vigueur. La toile sur bâche plastique opte pour un univers onirique, parfois marin, parfois cosmique, parfois minéral, qui convoque un gestuel maîtrisé et un sens aigu de la mise en espace. Les tracés de l’artiste évoquent les écritures de l’écrivain en une savante correspondance. Les « mots dans la peinture » pourraient devenir également les mots autour de la peinture grâce à cette danse rituelle. Il est également loisible de découvrir, de façon plus traditionnelle mais plus lisible, sous un cadre de verre le poème butorien reproduit en caractères d’imprimerie accompagné d’une œuvre référentielle de l’artiste.

 

  Situé uniquement au rez-de-chaussée du Centre d’art, ce dispositif resserré et efficace permet de mieux cerner les problématiques de la collaboration mais aussi de l’absence de l’écrivain, ce dernier nous ayant hélas quittés avant ses 90 ans. Francesca Caruana insiste fortement sur le caractère transitoire de cette monstration puisqu’elle doit rejoindre un musée qui la conservera dans son fonds, à charge pour lui d’éditer un catalogue dont les textes critiques existent déjà. Les institutions françaises ne sauraient laisser passer cette occasion malgré les temps de disette qui s’annoncent.

 

                                                                                                                           Christian Skimao

Aucun commentaire: