lundi 9 décembre 2024

Dominique De Beir et Pierre Buraglio, musée Fabre, Montpellier, 2024-25


Deux expositions

Dominique De Beir, Accroc & Caractère

Pierre Buraglio …d’après…autour…avec…selon

Musée Fabre, Montpellier

Du 7 décembre 2024 au 5 mars 2025

 

 

              Murmurer à l’oreille des collections

 

Dominique De Beir, Zone verte, 2014. Musée Fabre, 2024.

  Deux artistes de talent qui entretiennent aussi une relation de professeur à élève circulent avec brio dans les collections du musée Fabre.  Commençons avec Dominique De Beir, née en 1964, qui se situe, avec malice, dans le rôle de l’ancienne élève de Buraglio. Elle poursuit depuis des années un travail questionnant et singulier autour des supports, intervenant sur toutes sortes de papiers jusqu’à des matériaux plus éloignés. Ainsi Zone verte (2014), appellation ironique pour un matériau aussi synthétique, se compose de polystyrène, de peinture et d’impacts réalisés avec des outils créés par ses soins. Elle aussi se réfère à de nombreux artistes comme Eve Gramatzki ou Pierrette Bloch dont elle a été l’assistante. Pourtant, ses filiations la conduisent paradoxalement à une forte singularité. Sa façon d’utiliser des outils pour trouer, percer, creuser la « peau », dont certains se trouvent exposés, crée un délicieux frisson de transgression. Avec la dénomination « Accroc » et « Caractère », les deux termes doivent se séparer avant de s’assembler à nouveau, car le premier relève de l’accidentel et le second de l’univers typographique. La très grande pièce, au titre éponyme, suspendue dans l’atrium du musée, reprend les codes des perforations des papiers ainsi que l’utilisation de la paraffine. Son écriture exploratoire et contemporaine repose également sur sa connaissance du braille qui permet de comprendre les choses autrement, lire par le toucher. Comme le dit si bien l’artiste « Trouer signifie avant tout regarder autrement… », un acte essentiel où les lignes du papier rejoignent les lignes de vie.

 

Pierre Buraglio (gauche), 2024 d'après Max Leenhardt (droite), 1899, D'après ...Etude pour Le prêche au désert. Musée Fabre, 2024.

   Continuons avec Pierre Buraglio, né en 1939, en pleine forme, qui joue le rôle du maître de la précédente, et dont le sous-titre de son exposition « La peinture s’édifie sur ses propres ruines », ne manque ni de poésie, ni de piquant, ni non plus de vérité. Proche du mouvement Supports-Surfaces, sans y appartenir, il va interroger la peinture et les problématiques des supports avec ses « Agrafages », la notion de cadre avec sa série des « Fenêtres ». Parcourant depuis sa jeunesse les musées, il va peu à peu reproduire certaines parties des oeuvres au travers de dessins plus ou moins épurés. Il a consacré de nombreuses visites aux salles du musée Fabre, réinterprétant certaines de ses œuvres les plus connues. On retrouve donc les originaux (Bazille, Courbet, David, Leenhardt, etc.) et les représentations distanciées réalisées par Buraglio. Ainsi en va-t-il pour Étude pour Le prêche au désert de Maximilien Leenhardt (1899) qui devient Aux huguenotes (2024) de Pierre Buraglio ou encore Académie dite Hector (1778) de Jacques-Louis David transmuté en une série de dessins de Buraglio D’après David-Hector (2023). Des pièces plus anciennes parsèment l’ensemble, comme Metro della Robbia, composée de morceaux de tôles émaillées bleues du métro parisien, référence directe aux grès vernissés de la famille de céramistes Della Robbia de Florence. Ce « mélange » intergénérationnel débouche sur une lecture nouvelle, passionnante et parfois émouvante.

                                                                                                                             Christian Skimao

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