dimanche 30 janvier 2022

Exposition "Post-performance vidéo, prospective 1 : Los Angeles" Project-Room avec Coleman Collins, Rodney Mc Millian, Nathaniel Mellors, Anna Wittenberg Carré d’art-Musée d’art contemporain (2022) avec

 

Exposition « Post-performance vidéo, prospective 1 : Los Angeles »

Dans le cadre de Project-Room

Avec Coleman Collins, Rodney Mc Millian, Nathaniel Mellors, Anna Wittenberg    

Carré d’art-Musée d’art contemporain

Place de la Maison Carrée, Nîmes

Du 30 novembre 2021 au 17 avril 2022


 

Squarefoot (2020), projection du film et sculpture The Drunk au premier plan, d' Anna Wittenberg

 

 Tactiques techniques ou techniques tactiques ?


  Marie de Brugerolle, commissaire de cette exposition, nous rappelle que la « Post Performance Future » est un concept qui interroge l’impact et l’héritage de la performance sur les arts visuels aujourd’hui. Il s’agit d’un projet fort ambitieux fonctionnant à partir des œuvres de quatre artistes travaillant à Los Angeles ou ayant été formés dans cette ville.

  Mettre en lumière les relations qui existent entre l’objet filmique et des éléments hétérogènes qui les accompagnent, telle est la volonté affichée de cette mise en scène en quatre espaces plus un plus restreint, qualifiable de cabinet d’amateur, selon la terminologie d’autrefois. On connaît l’importance prise par la performance au fur et à mesure des années, son côté vivant, mais aussi sa reproductible existence liée aux images qui bougent et s’infiltrent dans notre mémoire. L’importance du regardeur, parfois voyeur, demeure essentielle dans cette approche. Rien ne se trouve véritablement figé ici, chaque œuvre évoluant avec d’autres dans le cadre d’une mise en relation complexe et toujours recommencée. 

  La salle introductive propose les travaux de trois des quatre artistes (Wittenberg, Collins et Mellors) dans une interrogation liée autour d’un masque à la fois présent sur l’écran et dans l’espace physique. La deuxième salle présente une installation vidéo Neshoba County Fair (2012) de Rodney McMillian avec des dessins d’Horace Taylor réalisés entre 1942 et 1956. Des marionnettes s’agitent en tenant des discours électoraux à contenu raciste larvé, dans un comté du Mississippi. La multiplication des voix et des références à l’Amérique, au Sud profond et à tout un environnement politique et religieux crée un environnement toxique mais également grotesque. Consacrée à Anna Wittenberg, la troisième salle comprend une installation vidéo Squarefoot  et des sculptures dont le Drunk, pantin articulé composé de bûches et assis sur une chaise en bois. Très impressionnant dans sa fixité, il s’anime dans le film grâce à ses manipulateurs qui le font bouger, vêtus de cagoules et d’habits noirs pour demeurer invisibles (tradition du théâtre japonais Bunraku). Ainsi s’estompent les repères traditionnels en raison de la position basse (à hauteur de pied) de la caméra « go pro » tandis que débute une sorte de voyage à l’intérieur et à l’extérieur de soi qui continue avec des images d’animaux. La salle 4 se trouve occupée par deux bustes plus ou moins déglingués, porteurs d’une paille en plastique, respectivement nommés Reliquary Reliquary (Degenerate Cycle) et Neanderthal Restyle de Nathaniel Mellors tandis qu’un film Ourhouse-1 (Time) propose des chocs temporels entre patrimoine génétique et acteurs de films et de séries. Pour le regardeur apparaît dès lors une légère inquiétude liée à l’incongruité apparente des choses et de leur contextualisation. Enfin, dans la dernière salle, Coleman Collins bouscule nos idées reçues sur l’apparence du monde en utilisant des angelots réalisés en série. Sa vidéo The Anxiety of incompleteness montre en grand format ces anges qui se mettent peu à peu par deux et laissent à la fin, tout seul, celui qui a une aile brisée. On est donc passé du merveilleux (de pacotille) à la réalité de la discrimination (sordide bien que distanciée). La technique utilisée « stop motion », opère prise de vue après prise de vue, pour aboutir à une fluidité quelque peu irréelle, semblable à celle des animations.

   Comme des chambres d’écho, où l’une répond à l’autre, ces œuvres tant physiques que filmiques se chevauchent, s’interpellent ou se complètent puis s’achèvent paradoxalement en re-commençant avec la première salle… Une expérience immersive très intéressante et très questionnante pour chacune et chacun.

                                                                                 Christian Skimao

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