vendredi 18 novembre 2022

"Nature humaine-Humaine nature" Fondation Vincent van Gogh, Arles, 2022-23.

Exposition "Nature humaine-Humaine nature"

Fondation Vincent van Gogh, Arles

Du 11 novembre 2022 au 10 avril 2023

 

 

 

Gilles Aillaud, La Fosse, 1967
Huile sur toile, 200 × 250 cm (FNAC 29065)
© Adagp, Paris, 2022 / Cnap
Photo : Jean-Manuel Salingue – Musée des Beaux-Arts de Rennes

                                        L’Artiste perché

 

  Ce titre, quelque peu étrange, fait référence à celui du livre d’Italo Calvino, Le Baron perché (Il Barone rampante), l’insolite de l’histoire semblant faire pendant au récit des œuvres des 14 artistes de l’exposition, certes de façon différente et durant une autre époque. Aujourd’hui, à l’heure des mises en cause de vérités qui semblaient évidentes et de jugements hâtifs sur les relations nature/culture, cette passionnante exposition permet de questionner autrement ce rapport humanité/nature et son renversement dialectique.

  Des peintures de Gilles Aillaud, chantre de la Figuration Narrative, représentent ses fameux animaux enfermés dans des zoos. Cette peinture froide et clinique maintient le spectateur loin de l’émotion tout en laissant sourdre un certain malaise. Jouant sur le cadre même de son sujet et les contraintes photographiques liées au point de vue, il dénonce avec un brio prémonitoire, le cadre de vie étriqué et triste, du lion, de l’hippopotame, etc. Artiste politique, un parallèle sur l’absence de liberté peut s’établir entre sa peinture de la lutte des classes et ses animaux condamnés à l’enfermement. En contrepoint les peintures colorées et pop de Shara Hughes nous entraînent dans un univers de végétaux fantasmés. La multiplicité des techniques, traditionnelles et actuelles, offre aux yeux, des oasis psychédéliques, revisitant les jungles imaginaires du Douanier Rousseau en un perpétuel émerveillement. Ou bien s’agit-il de Van Gogh sous acide ? N'oublions cependant pas qu’une véritable toile du maître hollandais, Arbres (1887) attend dans sa salle réservée. Jochen Lempert lui rend hommage avec 15 photographies qui redéfinissent le vivant et le végétal en une sorte de rhizome conceptuel. Également en hommage, une œuvre sur métal de Robert Rauschenberg, datée de 1987, provenant de la « Collection Yolande Clergue », illumine le regard. Enfin les peintures décalées de Luigi Zuccheri (1904-1974) qui a toujours travaillé à côté des courants de son temps, hormis sa découverte du Surréalisme, s’investissant dans un rapport au passé pictural et à son savoir-faire, qui retrouve aujourd’hui un accueil digne de ses recherches sur la nature.

 

Oláh Gyárfás, Muscles de foin dans une montagne de rubans (2020).

  Les volumes offrent aussi bien des surprises. Valentin Carron ouvre le parcours de visite avec Kid and Dog (2021). Il démarre à partir de la pâte à modeler avant de transformer l’esquisse, par le biais de la 3D, en aluminium coulé. Une œuvre interactive, The One (2022), se compose d’une grande tête en bois et feutre de laine où il est possible de s’asseoir et de méditer. Remarquable travail d’Oláh Gyárfás, d’origine hongroise et roumaine, avec sa grande pièce double, intitulée en français Muscles de foin dans une montagne de rubans (2020). Se référant à des traditions issues de Transylvanie, il réactive des forces bénéfiques et/ou maléfiques, tout en posant des questions ethnologiques, spirituelles et contemporaines.

  Pamela Rosenkranz propose une grande et superbe installation composée de cinq « vitraux » bleus présentés initialement à Zurich en 2018. Jouant avec la référence religieuse de la lumière et profane des écrans d’ordinateur, elle crée un espace environnemental qui peut devenir volontairement éprouvant lors d’une vision prolongée. Des bouteilles en plastique contenant des liquides teintés, parsèment l’ensemble de l’exposition, parodiant les slogans des grandes industries d’eau minérale et de leur discours normatif sur les corps éternellement jeunes. Otobong Nkanga, née au Nigeria et basée à Anvers en Belgique, expose une vaste tapisserie The Weight of Scars (Le Poids des cicatrices) de 2015, qui met en scène des références personnelles et les traces de l’exploitation minière en Namibie. Et pour terminer, un film très immersif, réalisé par la créatrice d’origine chinoise, Yuyan Wang, One Thousand and One Attemps to Be an Ocean (Mille et une tentatives de devenir un océan). La beauté des éléments nous immerge dans la tragédie de leur disparition. Paradoxes et interférences prennent ici place dans un flot d’images recomposées.

                                                                                                                                       Christian Skimao

 

 

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