Exposition « Ce à quoi nous tenons »
Dans le cadre du festival ¡Viva Villa !
Collection Lambert, Avignon
Du 12 novembre 2022 au 12 février
2023
Assigné(e)s à résidence … et à
réussir !
La Collection Lambert présente des travaux d’artistes issus des résidences françaises à l’étranger : la Casa de Velázquez à Madrid, la Villa Kujoyama à Kyoto et la Villa Médicis à Rome, sous la houlette de Victorine Grataloup (curatrice résidente) associée à Stéphane Ibars (curateur associé pour la Collection). Vaste festival comprenant beaucoup de créateurs et créatrices, nous nous bornerons ici à ceux et celles qui exposent dans les locaux avignonnais. Le parcours se nomme Ce à quoi nous tenons, d’après l’ouvrage d’Emilie Hache et se divise en quatre parties. Des points de convergence ponctuent cet article, plutôt qu’un parcours exhaustif.
La première, « Prendre en compte les voix qui manquent à l’appel », ouvre avec une tapisserie en viscose de Xie Lei, Encounter. Peintre, il s’est aventuré ici dans ce domaine étrange du relief et d’une représentation de circonstance aux couleurs sombres. Chloé Belloc présente une vidéo nommée MUSCINEA. Elle utilise ses recherches personnelles sur une plante Mimosa pudica et son système de défense pour en faire une narration qui mêle l’image de la femme, de la nature et d’un alphabet celte antique. De cette hybridation, naît une œuvre poétique et puissante.
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| Film-installation d'Evangelia Kranioti. Exposition Collection Lambert, 2022-23.L |
Avec la deuxième, « Une histoire commune », évoquons un film formidable, doublé d’une installation de têtes de pierre, nommé Toutes les routes, d’Evangelia Kranioti. Elle a filmé une dizaine de migrants tenant dans leurs bras une réplique de ces fameuses têtes. Ils déambulent, de nuit, dans les rues romaines dont une voix égrène les noms. La mise en relation du passé antique et de l’actualité offre un déplacement d’une grande intensité, le tout placé sous le signe de la tragédie. Les peintures de Rudy Ayoun posent des questions sur le temps qui passe et les archives du lieu où il officie. Il mélange les références d’autrefois avec la réalité des autres pensionnaires. Ensuite, fort différent, un projet décapant de Georges Senga Comment un petit chasseur noir païen devient prêtre catholique. Il s’agit de photographies de son père, utilisées en vrac, en 20 planches. Jouant avec les codes de la bande dessinée, il orchestre les références à l’univers colonial et au catholicisme véhiculé par les Pères Blancs. L’œuvre se situe entre une fiction presque vraie et l’émancipation de l’individu.
Dans la troisième, « Savoir si nous pouvons cohabiter », place aux représentations, avec l’approche sidérante de Najah Albukai qui dessine et grave de terrifiants corps nus de prisonniers, souvent en surnombre, victimes de cruautés diverses, en noir et blanc ; s’inspirant des prisons syriennes où il avait été détenu, il dépasse la simple représentation pour aboutir à un universel de la souffrance. Pourtant, au fond du gouffre, il parvient à nous ramener au temps d’un récit où les hallucinations reviennent intégrer le champ culturel. Bianca Argimón dessine également et propose un triptyque de grand format où se mélangent époques et genres. Sous un abord coloré, il est question du tragique de la vie et de l’Histoire, renouant avec certaines œuvres de l’art singulier.
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| Installation-film de Theodora Barat. Exposition Collection Lambert, 2022-23. |
Enfin la quatrième et dernière, « Rouvrir
la question des moyens et des fins », avec un travail filmé de Théodora
Barat, Littoria où elle questionne la sculpture au sens large en
utilisant l’Italie comme un banc d’essai. On y retrouve des images des
bâtiments fascistes, mais aussi du démantèlement de centrales nucléaires. Où se
situe cette « sculpture documentaire », quelle est la place de
l’architecture fonctionnaliste et comment percevons-nous nos ruines
contemporaines et les volumes tronqués exécutés par ses soins ?
La profusion des œuvres nécessitera d’autres
regards, plus de temps et d’espace. Ce sera à chacun et chacune d’y voir ce qui
n’a point été vu ici. De la diversité naît l’unique, celui qui demeure
personnel et qui relève parfois de la révélation. L’histoire de l’art actuel s’écrit
dans sa propre contradiction, dans le temps qui passe et celui qui est passé, mais
dans une incertitude exaltante pour l’avenir.
Christian Skimao



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