mardi 6 août 2024

Les Rencontres de la photographie, Arles, 2024 (deuxième partie)

 

Les Rencontres de la photographie, Arles, 2024

Sous la surface, expositions dans toute la ville

Du 1er juillet au 29 septembre 2024

Deuxième partie

 

 

Katayama Mari, Shell, 2016. Exposition Arles, 2024

                                                  

                            Photographies photographiques

 

  Une vision impressionniste s’impose dans cette deuxième partie consacrée à la photographie plus traditionnelle, d’où cette redondance, dans l’esprit de la dénomination peinture-peinture, du titre de l’article.

 

  Profitons-en pour dédicacer l’ensemble de l’article à  Katayama Mari, photographe héroïque, présente dans la grande exposition Quelle joie de vous voir (Photographies japonaises des années 1950 à aujourd’hui) au palais de l’Archevêché. Née en 1987, avec diverses malformations, elle a subi une amputation des deux jambes à l'âge de neuf ans. Elle a utilisé cette situation au travers de projets qu'elle crée avec ses prothèses, des objets brodés, des cadres rehaussés de coquillages et des autoportraits. Le rapport entre l’image du corps handicapé et le côté parfois mignon (« kawaii ») des accessoires crée un choc évident. Cette mise en abyme vertigineuse nous oblige à nous connecter à l’altérité grâce à un talent exceptionnel qui défie les normes. Retenons également l’élégance des compositions de Yamazawa Eiko (1899-1995) qui travaille des compositions abstraites proches de la peinture. L’Occident et l’Orient se rejoignent avec son approche duelle de l’épure des formes.

 

  Deux autres expositions de taille importante trouvent retenues. La première, une rétrospective de Mary Ellen Mark (1940-2015) qui a beaucoup travaillé sur et avec les oubliés des l’Amérique, que ce soit des travailleurs, des femmes placées en institution à l’Oregon State Hospital (Ward 81) ou encore des familles à la dérive (l’extraordinaire cliché The Damn Family in their Car de 1987) sans oublier l’incroyable série sur le Ku-Klux-Klan. Elle s’inscrit dans une filiation historique avec l’œuvre de Dorothea Lange. La seconde concerne la collection d’Astrid Ullens de Schooten Whettnall (Fondation A) avec Quand les images apprennent à parler, à La Mécanique Générale (LUMA). Sa fondation, de droit néerlandais, a procédé à des achats sériels auprès de très nombreux artistes ; on trouvera ici des œuvres allant, par ordre alphabétique, de Robert Adams à Garry Winogrand. On sait combien la déclinaison d’un sujet a structuré le travail et la pensée de Bernd et Hilla Becher, pour citer les plus célèbres du genre, mais de nombreux autres photographes ont exploré cette voie. La révolution visuelle qui en découle depuis les années 1960 change désormais toute notre perception de l’image.

 

  Autre point de vue, celui de Nicolas Floc’h à la Chapelle du Méjean avec Fleuves Océan. Le paysage de la couleur. Mississippi. Une approche très surprenante qui conjugue recherche scientifique sur la couleur des eaux du bassin du grand fleuve au travers d’une sélection d’une dizaine des 224 colonnes d’eau sur autant de sites couvrant 31 États et photographies de paysages en noir et blanc. Cette rencontre surprend au premier abord, pour ne pas dire davantage, avant de séduire très fortement. L’abstraction et la figuration tiennent lieu d’espaces de rêverie en un mariage fluvial où se meut toute une mémoire oubliée des Etats-Unis.


  Concernant Christina de Middel, à l’Eglise des Frères Prêcheurs, son Voyage au centre propose une traversée migratoire du Mexique (Tapachula) aux USA (Felicity). Cette traversée vers la Californie, rêvée, se trouve magnifiée par des photographies réelles et des images inventées. L’oscillation existant entre la dureté du voyage, la notion de traversée et la déception inhérente à cette odyssée marque durablement les esprits.

 

Photo de Rajesh Vora, exposition Arles 2024

  Beaucoup d’autres expositions n’ont pas trouvé leur place ici. Pour le plaisir, n’oublions pas le travail de Rajesh Vora, Baroque du quotidien, pour les monumentales sculptures (avions, tanks, soldats, sportifs, etc.) qui ornent les toits des maisons du Penjab, à la Maison des Peintres. Une recherche qui flirte avec la sociologie, l’art populaire, les inconscients de tous ordres et aussi le kitsch ostentatoire.

 

                                                                                                                     Christian Skimao

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