Les
Rencontres de la photographie, Arles, 2024
Sous
la surface, expositions dans toute la ville
Du 1er
juillet au 29 septembre 2024
Première
partie
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| Nhu Xuan Hua et Vimala Pons, installation (vue partielle), Arles 2024 |
Installations
et vidéos
Une
vision kaléidoscopique nous guidera dans cette première partie consacrée à ce
qui tourne désormais autour de la photographie, en la débordant ou en
l’intégrant.
Commençons avec l’époustouflant travail de
Nhu Xuan Hua et Vimala Pons, Heaven and Hell, en l’église Saint-Blaise.
Pour mémoire, Nhu Xuan Hua est une artiste et photographe française d’origine
vietnamienne qui réalise des commandes nationales et internationales pour de grandes
maisons de mode. Vimala Pons, née dans une famille d’origine indienne, est une
actrice, artiste, performeuse française. Plusieurs entrées donnent naissance à un travail environnemental avec visuels,
sons et récitatif. Le mélange surprenant entre le monde de la mode et le
questionnement sur l’identité fonctionne à plein travaillant avec diverses
installations comme Ses cliques et ses claques. Transformation avec divers
portraits de femmes puissantes, allant de Drew Barrymore à Florence Arthaud en
passant par Angela Merkel, la puissance du maquillage donne un sentiment de
tournis. Où nous trouvons-nous véritablement ? Dans une préparation de
shooting pour magazine de mode ou dans une contestation glamour de l’art
contemporain ? La notion de déséquilibre semble essentielle. Ainsi, sur
grand écran, Vimala Pons tient à bout de bras une montagne de colis volumineux
et disproportionnés. Bien sûr, la scène est truquée et nous nous trouvons
devant une image mouvante et métaphorique. Le poids des mots et le choc des
photos ? Pas vraiment, plutôt le poids de la mémoire et le choc d’un réel réenchanté.
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| Marilou Poncin, installation (vue partielle), Arles,2024 |
Dans le cadre du Prix découverte de la
Fondation Louis Roederer, au premier étage du Monoprix, se trouve l’intéressante
installation de Marilou Poncin, jeune artiste française, intitulée Liquid
Love is Full of Ghosts. Plongée dans une obscurité complice, l’artiste
propose trois personnages, deux hommes et une femme, qui vont connaître une
extase avec un objet technologique (une berline parfaitement briquée, une
combinaison sensorielle et un écran par trop tactile). L’aventure individuelle liée
à cette lumière bleutée, propose une existence augmentée. Le titre générique fait
allusion à l’ouvrage du sociologue Zygmunt Bauman intitulé Liquid Love.
Nous nous trouvons face à une mise en scène qui nous place aussi en position de
voyeur. L’angoisse qui sourd de cette aventure artistique confirme le caractère
fantastique et fantasmatique de cette œuvre, peut-être annonciatrice de
pratiques sexuelles nouvelles. La jouissance sera bleue ou ne sera pas !

Michel Medinger, Cabinet de curiosités, Arles 2024
Dans un tout autre style, une approche plus
historique et fort surréalisante, celle de Michel Medinger, artiste historique luxembourgeois
de 83 ans, qui propose une exposition intitulée de façon assez ironique L’ordre
des choses, à la Chapelle de la Charité. Ses fameuses natures mortes photographiques
s’inscrivent dans une longue tradition picturale. Il possède une quantité
invraisemblable d’objets, futur stock d’mages, travaillant à l’ancienne, et
détournant ces artefacts de leur fonction première pour en donner une version
poétique ou érotique. L’apparence se trouve donc dépassée par une transmutation
photographique d’où la dénomination d’alchimiste qui le caractérise parfois.
Une dimension assez tragique sourd de cette monstration, car le photographe-bricoleur
se trouve désormais dans l’impossibilité de circuler et cette exposition
résonne, hélas, comme une sorte d’adieu.

Sophie Calle, aux cryptoportiques, Arles 2024
Sophie Calle occupe l’espace souterrain des cryptoportiques
avec Finir en beauté qui forment le soubassement, la partie cachée
du forum romain d’Arles. Ce qui est passionnant pour la connaissance architecturale
n’en fait cependant pas un lieu très agréable à visiter, car il y règne une forte
humidité permanente jointe à une pénombre quelque peu oppressante. Ces
entrailles de la terre servent donc à l’artiste à mettre en bière sa série Les
Aveugles et d’autres œuvres. Pourquoi ? Sophie Calle nous explique :
« Peu avant l’inauguration de mon exposition À toi de faire, ma
mignonne au musée Picasso, à Paris, un orage a causé des dégâts dans
ma réserve et des spores de moisissure se sont infiltrées dans Les
Aveugles, une des séries qui devaient la constituer. Les restaurateurs se
sont prononcés : afin d’éviter tout risque de contamination, il était
préférable de détruire les œuvres. » Ne pouvant ni les restaurer, ni les
détruire, ni les jeter, il lui restait donc la possibilité de les enterrer.
Pourquoi pas ? Si la démarche apparaît intellectuellement séduisante, sa
réalisation apparait beaucoup moins plaisante. En effet, cette sensation de
voir disparaître physiquement les œuvres dans une atmosphère de caveau nous
plonge dans une intense perplexité. Nous nous trouvons bien à l’abri du monde (et
du soleil) mais avec la sensation de partager l’effacement de productions
artistiques. « Est-ce un rêve ? », question qui émane du Prince
de Hombourg, dans la pièce éponyme de Kleist, et qui conviendrait aussi à cette
démarche.
Christian Skimao
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