jeudi 1 août 2024

Les Rencontres de la photographie, Arles, 2024 (première partie)

 

Les Rencontres de la photographie, Arles, 2024

Sous la surface, expositions dans toute la ville

Du 1er juillet au 29 septembre 2024

Première partie

 

 

Nhu Xuan Hua et Vimala Pons, installation (vue partielle), Arles 2024

  


                                Installations et vidéos

 Une vision kaléidoscopique nous guidera dans cette première partie consacrée à ce qui tourne désormais autour de la photographie, en la débordant ou en l’intégrant.

 

  Commençons avec l’époustouflant travail de Nhu Xuan Hua et Vimala Pons, Heaven and Hell, en l’église Saint-Blaise. Pour mémoire, Nhu Xuan Hua est une artiste et photographe française d’origine vietnamienne qui réalise des commandes nationales et internationales pour de grandes maisons de mode. Vimala Pons, née dans une famille d’origine indienne, est une actrice, artiste, performeuse française. Plusieurs entrées donnent naissance à un travail environnemental avec visuels, sons et récitatif. Le mélange surprenant entre le monde de la mode et le questionnement sur l’identité fonctionne à plein travaillant avec diverses installations comme Ses cliques et ses claques. Transformation avec divers portraits de femmes puissantes, allant de Drew Barrymore à Florence Arthaud en passant par Angela Merkel, la puissance du maquillage donne un sentiment de tournis. Où nous trouvons-nous véritablement ? Dans une préparation de shooting pour magazine de mode ou dans une contestation glamour de l’art contemporain ? La notion de déséquilibre semble essentielle. Ainsi, sur grand écran, Vimala Pons tient à bout de bras une montagne de colis volumineux et disproportionnés. Bien sûr, la scène est truquée et nous nous trouvons devant une image mouvante et métaphorique. Le poids des mots et le choc des photos ? Pas vraiment, plutôt le poids de la mémoire et le choc d’un réel réenchanté.

 

Marilou Poncin, installation (vue partielle), Arles,2024

  Dans le cadre du Prix découverte de la Fondation Louis Roederer, au premier étage du Monoprix, se trouve l’intéressante installation de Marilou Poncin, jeune artiste française, intitulée Liquid Love is Full of Ghosts. Plongée dans une obscurité complice, l’artiste propose trois personnages, deux hommes et une femme, qui vont connaître une extase avec un objet technologique (une berline parfaitement briquée, une combinaison sensorielle et un écran par trop tactile). L’aventure individuelle liée à cette lumière bleutée, propose une existence augmentée. Le titre générique fait allusion à l’ouvrage du sociologue Zygmunt Bauman intitulé Liquid Love. Nous nous trouvons face à une mise en scène qui nous place aussi en position de voyeur. L’angoisse qui sourd de cette aventure artistique confirme le caractère fantastique et fantasmatique de cette œuvre, peut-être annonciatrice de pratiques sexuelles nouvelles. La jouissance sera bleue ou ne sera pas !

 

Michel Medinger, Cabinet de curiosités, Arles 2024

 Dans un tout autre style, une approche plus historique et fort surréalisante, celle de Michel Medinger, artiste historique luxembourgeois de 83 ans, qui propose une exposition intitulée de façon assez ironique L’ordre des choses, à la Chapelle de la Charité. Ses fameuses natures mortes photographiques s’inscrivent dans une longue tradition picturale. Il possède une quantité invraisemblable d’objets, futur stock d’mages, travaillant à l’ancienne, et détournant ces artefacts de leur fonction première pour en donner une version poétique ou érotique. L’apparence se trouve donc dépassée par une transmutation photographique d’où la dénomination d’alchimiste qui le caractérise parfois. Une dimension assez tragique sourd de cette monstration, car le photographe-bricoleur se trouve désormais dans l’impossibilité de circuler et cette exposition résonne, hélas, comme une sorte d’adieu.

 

Sophie Calle, aux cryptoportiques, Arles 2024

  Sophie Calle occupe l’espace souterrain des cryptoportiques avec Finir en beauté qui forment le soubassement, la partie cachée du forum romain d’Arles. Ce qui est passionnant pour la connaissance architecturale n’en fait cependant pas un lieu très agréable à visiter, car il y règne une forte humidité permanente jointe à une pénombre quelque peu oppressante. Ces entrailles de la terre servent donc à l’artiste à mettre en bière sa série Les Aveugles et d’autres œuvres. Pourquoi ? Sophie Calle nous explique : « Peu avant l’inauguration de mon exposition À toi de faire, ma mignonne au musée Picasso, à Paris, un orage a causé des dégâts dans ma réserve et des spores de moisissure se sont infiltrées dans Les Aveugles, une des séries qui devaient la constituer. Les restaurateurs se sont prononcés : afin d’éviter tout risque de contamination, il était préférable de détruire les œuvres. » Ne pouvant ni les restaurer, ni les détruire, ni les jeter, il lui restait donc la possibilité de les enterrer. Pourquoi pas ? Si la démarche apparaît intellectuellement séduisante, sa réalisation apparait beaucoup moins plaisante. En effet, cette sensation de voir disparaître physiquement les œuvres dans une atmosphère de caveau nous plonge dans une intense perplexité. Nous nous trouvons bien à l’abri du monde (et du soleil) mais avec la sensation de partager l’effacement de productions artistiques. « Est-ce un rêve ? », question qui émane du Prince de Hombourg, dans la pièce éponyme de Kleist, et qui conviendrait aussi à cette démarche.

 

                                                                                                                                                  Christian Skimao

 

 

  

 

 

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