Exposition
Peter Fischli, People Planet Profit
Les
Forges, LUMA Arles
Du 5 juillet 2025 au 11 janvier 2026
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Peter Fischli, entrée de l'installation People Planet Profit, vue partielle, LUMA Arles, 2025 |
Sens
plus ou moins interdits
Cette
exposition de l’artiste suisse Peter Fischli (membre du célèbre duo avec David
Weiss, ce dernier disparu en 2012) occupe un grand espace pour explorer certaines
phases du capitalisme mondialisé, une démarche souvent déclinée par bien des artistes
contemporains. En se servant des images de son téléphone portable, toujours
aplaties, l’artiste nous propose une exploration d’une réalité sise sous le
signe du simulacre.
Dès l’entrée, des photos en noir et blanc, imprimées
sur un revêtement de sol en vinyle (Vertigo Vinyl Floor Pattern) tapissent
le sol tandis qu’une grande installation de feux de circulation, plus ou moins
désaffectés, avec deux couleurs seulement (blanc éclatant et jaune citron) s’allument
et s’éteignent, présentant métaphoriquement la marche du monde, au travers des
potentialités d’un parcours balisé. L’ensemble fait songer à ces parcours de laboratoire
où de malheureux rats courent vers une hypothétique récompense. D’emblée, le
sens de la marche peut entrer en contradiction avec le sens de sa vie. Le long
de l’escalier menant à l’étage, une œuvre nommée Trackless Train, composée
d’ images sérigraphiées et répétitives, contrecollées sur aluminium, d’un train
touristique rose, en deux dimensions, mais avec des pneus, nous emporte
visuellement dans une visite touristique connotée.
Cette vision d’une ville connectée, dite
« augmentée », ressemble de plus en plus à notre contemporanéité.
Pourtant l’effet de déréalité joue à plein à cause de l’omniprésence des images
inventées provenant d’un mille-feuille numérisé. L’enchevêtrement offre un
sentiment apaisant d’épaisseur, tandis que la circulation permanente des
capitaux, des humains, des représentations, du décor urbain, des désirs, des
idées (?), ouvre le plus souvent sur un vide abyssal. Curiosité, fascination et
perplexité composent ainsi une trilogie questionnante. À l’étage, une énorme
présentation de 462 couvertures d’ouvrages, devant permettre à des débutants
n’y connaissant rien, de s’enrichir rapidement grâce à la connaissance ultra-rapide
du monde des affaires. Ces représentations usent de stéréotypes et se trouvent
parfois retouchées par l’artiste (People Planet Profit). Reposant
sur le concept entrepreneurial de « triple performance », Fischli convoque
un modèle qui cherche à élargir les critères de succès des entreprises, en y
incluant le bien-être social et la durabilité environnementale, en plus du
profit, tout en se demandant si cela paraît vraisemblable ou appartient à la
doxa affairiste.
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Peter Fischli, People Planet Profit, couvertures d'ouvrages, vue partielle, LUMA Arles, 2025 |
Pour continuer le débat, l’Histoire nous propose
toujours des références, comme « Le Cauchemar climatisé (The
Air-Conditoned Nightmare), titre d’un récit célèbre d’Henry Miller, qui offrait
au lecteur des années 1940 une vision critique de l’American way of life
. Aujourd’hui l’adjectif « numérisé » a bien détrôné
« climatisé », quoiqu’avec la nécessité de rafraîchir en permanence
les énormes serveurs des bases de données, un nouveau « cauchemar » reste
à écrire.
Christian Skimao
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