Exposition
Michelangelo Pistoletto et Lee Ufan
A
conversation Piece
Fondation
Lee Ufan, Arles
Du 25 juin
au 5 octobre 2025
Michelangelo Pistoletto et Lee Ufan, Io-Tu-Noi, 2003-2025, Arles
Reflets
et réflexions
Il apparaît souvent
difficile, pour ne pas dire artificiel, de mettre en relation deux artistes,
dans le cadre d’un dialogue. D’un côté, Michelangelo Pistoletto (né en 1933)
qui a participé à l’Arte Povera, de l’autre Lee Ufan (né en 1936), qui a
fondé le Mono-ha. Le lieu de l’échange se trouve à Arles, dans les
locaux même de la fondation Lee Ufan.
Dès l’entrée, au rez-de-chaussée, se trouve L’etrusco
(L’étrusque), 1976, de Pistoletto, copie du bronze, représentant en taille
réelle Aulo Metello dit Le Harangueur (80 avant J-C). Il touche un miroir qui
reflète sa propre image. Avec cette mise en abyme, l’artiste glisse à travers
les civilisations et nous invite à « réfléchir » sur l’impact final
de nos choix, car nous y apparaissons aussi à partir d’un certain angle. Pièce
métaphysique, elle se conjugue avec une pièce en terre cuite de Lee Ufan qui ancre
le geste de l’artiste dans une temporalité longue. À proximité, un buste
d’Antonin le Pieux, du Ier siècle après J.-C., propose un dialogue à
trois. Au même niveau, au fond, Io-Tu-Noi (Je-Tu-Nous), 2003-2025,
œuvre qui symbolise la démarche à trois, les deux artistes et le
spectateur-spectatrice. L’infini d’un côté, de l’autre une possible représentation
mathématique qui inclue la poésie des choses. Le croisement indispensable entre
une légèreté apparente et une massivité organique.
Michelangelo Pistoletto, ConTatto, 2017, Arles.
Au premier étage, parmi les peintures de Lee
Ufan se trouvent soigneusement placées les créations de Pistoletto. Retenons-en
deux au moins. La première, ConTatto, 2017, utilise la fameuse technique
des Mirror Paintings, soit une image photographique transférée par un
processus de sérigraphie sur une surface réfléchissante en acier inoxydable
poli comme un miroir. L’image du premier panneau se reflète dans l’autre,
reprenant la fameuse main d’Adam tendue vers celle de Dieu, dans la chapelle Sixtine
de Rome, intitulée La création d’Adam de Michel-Ange. Mais ici, la main
humaine se multiplie par la seule force de sa réflexion. La seconde, Metrocubo
d’infinito (Le Mètre Cubique de l’Infini ), 1966, appartient au
cycle des Objets Minus (1965-1966), un groupe d’oeuvres créées
selon un processus de remise en cause du système et du marché. Il s’agit d’un
cube d’un mètre de côté, composé de six miroirs dont les surfaces
réfléchissantes se trouvent tournées vers l’intérieur. Comme le dit génialement
Pistoletto : « Au fur et à mesure que l’on ajoute des miroirs, le nombre d’images
à l’intérieur de la structure augmente. Au moment où le dernier miroir est
placé, formant un cube réfléchissant fermé, toutes les images visibles
disparaissent. L’objet ne peut être vu que de l’extérieur, et l’on ne peut
entrer en contact avec l’intérieur que par l’imagination. ». Dès lors surgit une
énigme conceptuelle soutenue paradoxalement par un processus d’une extrême
matérialité.
Michelangelo Pistoletto, Metrocubo d'infinito, 1966 et peintures de Lee Ufan, Arles
Au dernier étage, divers Mirror Paintings,
dont la caractéristique est d’offrir une double perspective, tournée à la fois
vers l’avant et vers l’arrière du spectateur, se partagent l’espace, dont une œuvre
historique de 1961, Uomo grigio di schiena (Homme gris de dos),
encore peinte, qui les annoncent, mais qui utiliseront la photographie. L’attention
peut se porter sur la production la plus récente des miroirs brisés, réalisés à
partir de 2014. Color and Light en fait partie, exécuté de manière
ordonnée pour aboutir à un puzzle. Le grand miroir se trouve éclaté et chaque fragment
devient autonome. Cette métaphore de la société et de l’individu donne
naissance formellement à des œuvres à la fois massives, fragiles, et toujours
questionnantes.
Les deux artistes s’interrogent sur le monde comme il ne va pas et tentent d’ouvrir leurs recherches à toutes et tous. Lee Ufan a multiplié les fondations tandis que Michelangelo Pistoletto a créé en 1994, Citadellarte, fondation ouverte, à but non lucratif à Biella, en Italie.
Christian Skimao
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire