lundi 15 septembre 2025

Exposition Michelangelo Pistoletto et Lee Ufan, Arles, 2025

 

Exposition Michelangelo Pistoletto et Lee Ufan

A conversation Piece

Fondation Lee Ufan, Arles

Du 25 juin au 5 octobre 2025

 

 

Michelangelo Pistoletto et Lee Ufan, Io-Tu-Noi, 2003-2025, Arles

 

                                          Reflets et réflexions

 

 

 

  Il apparaît souvent difficile, pour ne pas dire artificiel, de mettre en relation deux artistes, dans le cadre d’un dialogue. D’un côté, Michelangelo Pistoletto (né en 1933) qui a participé à l’Arte Povera, de l’autre Lee Ufan (né en 1936), qui a fondé le Mono-ha. Le lieu de l’échange se trouve à Arles, dans les locaux même de la fondation Lee Ufan.

 

  Dès l’entrée, au rez-de-chaussée, se trouve L’etrusco (L’étrusque), 1976, de Pistoletto, copie du bronze, représentant en taille réelle Aulo Metello dit Le Harangueur (80 avant J-C). Il touche un miroir qui reflète sa propre image. Avec cette mise en abyme, l’artiste glisse à travers les civilisations et nous invite à « réfléchir » sur l’impact final de nos choix, car nous y apparaissons aussi à partir d’un certain angle. Pièce métaphysique, elle se conjugue avec une pièce en terre cuite de Lee Ufan qui ancre le geste de l’artiste dans une temporalité longue. À proximité, un buste d’Antonin le Pieux, du Ier siècle après J.-C., propose un dialogue à trois. Au même niveau, au fond, Io-Tu-Noi (Je-Tu-Nous), 2003-2025, œuvre qui symbolise la démarche à trois, les deux artistes et le spectateur-spectatrice. L’infini d’un côté, de l’autre une possible représentation mathématique qui inclue la poésie des choses. Le croisement indispensable entre une légèreté apparente et une massivité organique.

 

Michelangelo Pistoletto, ConTatto, 2017, Arles.

  Au premier étage, parmi les peintures de Lee Ufan se trouvent soigneusement placées les créations de Pistoletto. Retenons-en deux au moins. La première, ConTatto, 2017, utilise la fameuse technique des Mirror Paintings, soit une image photographique transférée par un processus de sérigraphie sur une surface réfléchissante en acier inoxydable poli comme un miroir. L’image du premier panneau se reflète dans l’autre, reprenant la fameuse main d’Adam tendue vers celle de Dieu, dans la chapelle Sixtine de Rome, intitulée La création d’Adam de Michel-Ange. Mais ici, la main humaine se multiplie par la seule force de sa réflexion. La seconde, Metrocubo d’infinito (Le Mètre Cubique de l’Infini ), 1966, appartient au cycle des Objets Minus (1965-1966), un groupe d’oeuvres créées selon un processus de remise en cause du système et du marché. Il s’agit d’un cube d’un mètre de côté, composé de six miroirs dont les surfaces réfléchissantes se trouvent tournées vers l’intérieur. Comme le dit génialement Pistoletto : « Au fur et à mesure que l’on ajoute des miroirs, le nombre d’images à l’intérieur de la structure augmente. Au moment où le dernier miroir est placé, formant un cube réfléchissant fermé, toutes les images visibles disparaissent. L’objet ne peut être vu que de l’extérieur, et l’on ne peut entrer en contact avec l’intérieur que par l’imagination. ». Dès lors surgit une énigme conceptuelle soutenue paradoxalement par un processus d’une extrême matérialité.

 

Michelangelo Pistoletto, Metrocubo d'infinito, 1966 et peintures de Lee Ufan, Arles

  Au dernier étage, divers Mirror Paintings, dont la caractéristique est d’offrir une double perspective, tournée à la fois vers l’avant et vers l’arrière du spectateur, se partagent l’espace, dont une œuvre historique de 1961, Uomo grigio di schiena (Homme gris de dos), encore peinte, qui les annoncent, mais qui utiliseront la photographie. L’attention peut se porter sur la production la plus récente des miroirs brisés, réalisés à partir de 2014. Color and Light en fait partie, exécuté de manière ordonnée pour aboutir à un puzzle. Le grand miroir se trouve éclaté et chaque fragment devient autonome. Cette métaphore de la société et de l’individu donne naissance formellement à des œuvres à la fois massives, fragiles, et toujours questionnantes.

 

  Les deux artistes s’interrogent sur le monde comme il ne va pas et tentent d’ouvrir leurs recherches à toutes et tous. Lee Ufan a multiplié les fondations tandis que Michelangelo Pistoletto a créé en 1994, Citadellarte, fondation ouverte, à but non lucratif à Biella, en Italie.

                                                                                                                                                    Christian Skimao

 

 

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