vendredi 10 octobre 2025

Exposition "Les animaux, ça vous parle ?", Grenier à sel, Avignon,2025

 

Exposition Les animaux, ça vous parle ?

Grenier à sel, Avignon

Avec Erik Bunger, France Cadet, Dominique Castell, Nicolas Darrot, Lab212, Jean Painlevé, Daniel Spoerri, Tout/reste/à/faire, Knud Viktor, Filipe Vilas-Boas

Du 4 octobre au 31 décembre 2025

 

 


                       Le déclin de l’empire humain ?

 

 

  C’est sur un paradoxe que s’ouvre cette questionnante exposition autour du langage des animaux. En effet, comment « parlent-ils », comment les comprenons-nous et vice-versa. La science tente d’y répondre mais l’altérité demeure. Bien sûr, le travail de Jean de La Fontaine, inspiré d’Esope, nous marque toujours, mais dans leur cadre d’un anthropomorphisme très littéraire. Filipe Vilas-Boas nous invite à découvrir ses Fabulations partir d’une machine qui utilise l’IA pour générer de nouvelles fables, rédigées devant nos yeux à l’aide d’un dispositif mécanique avec une fausse plume censée évoquer le passé.

 

  Une grande installation nommée Aurae, de Béatrice Lartigue et Nicolas Guichard, appartenant au collectif « Lab212 », joue avec un vide spatial ponctué de faisceaux lumineux qui libèrent des chants d’oiseaux au-dessus du visiteur. Cette création environnementale use de sons naturels capturés dans divers points du globe et donne naissance à une forêt virtuelle, sonore, qui pourrait évoquer Baudelaire avec «… leurs grands piliers, droits et majestueux ». Un autre collectif, « Tout/reste/à/faire », avec Mathieu Desailly, Vincent Gadras et David Chalmin proposent Phasme carapace, une sculpture de belle taille, reprenant la morphologie de l’insecte, composée d’instruments de musique de l’Afrique de l’ouest. Cette hybridation se trouve enrichie d’un dispositif sonore et de textes, l’ensemble dégageant une magie inattendue.

 

Filipe Vilas-Boas, Les fabulations de La Fontaine, Grenier à sel, 2025

  Deux artistes importants, France Cadet et Nicolas Darrot ouvrent la monstration. Elle présente une tentative de résurrection du dodo, oiseau exterminé par les Européens sur l’île Maurice à la fin du 17eme siècle, en raison d’une chasse intensive, des maladies et des rongeurs ramenés sur leurs bateaux. À travers une application sur smartphone, ce dernier réapparaît, avec son cri, qualifiable d’affreux, dans un paysage encadré. D’autres œuvres suivent, plus conséquentes, comme les Trophées de chasse qui reprennent les « massacres » des chasseurs, ici des créatures robotiques qui manifestent leur mécontentement de se trouver tuées et transformées en pièces décoratives, grâce à une interaction menaçante vis-à-vis du regardeur. Botched Dollies met en scène des animaux-robots qui présentent leurs malformations, suite à de potentiels clonages ratés, dans l’esprit de la malheureuse brebis Dolly. Là encore, ces derniers se plaignent en gémissant, créant un effet de trouble et de malaise général. Robots avez-vous donc une âme ?

France Cadet, Trophées de chasse (détail d'un trophée), Grenier à sel, 2025



  Darrot expose Apollo, petite pièce suspendue, comprenant un félin factice en tenue d’astronaute. Une interaction s’effectue avec le visiteur lors de son approche, puisqu’il virevolte et l’étrange chanson de Nico, Le petit Chevalier, se déclenche. La contradiction entre la technologie et l’apparence d’un artefact de type marionnette crée la surprise. Avec Prince Vaillant, l’artiste met en scène Vaillant, pigeon voyageur qui a porté le dernier message écrit du commandant Raynal en juin 1916, durant la Grande Guerre. Cet agent de transmission, ou plutôt son clone, se trouve dans un casque russe, récupéré sur le front ukrainien, qui lui sert de cockpit. Une lumière irréelle rend l’univers d’une science-fiction glaçante, tempérée par une sorte d’humour noir assez plaisant.

 

  Un hommage spécial se trouve rendu à Knud Victor (1924-2013), pour ses travaux sur les bruits minuscules produits par les animaux et leur aménagement plastique. Ses « images sonores » demeurent aujourd’hui une grande source d’inspiration pour une jeune génération. Au sous-sol, se trouve reconstituée sa chambre de travail dans le Luberon. Et un autre hommage historique à Jean Painlevé (1902-1989) avec des extraits de son film La Pieuvre, daté de 1927, qui mêle poésie et amour du vivant. Les travaux postérieurs de la philosophe belge Vinciane Despret, connus sous le nom de « thérolinguistique » nous culpabiliseront désormais si nous avions encore la tentation de manger du poulpe.

 

                                                                                                                                                      Christian Skimao

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