Exposition de Jean-Marc SCANREIGH

Exposition Jean-Marc SCANREIGH
Livres d'artiste et estampes 1984-2011
Carré d’art-Bibliothèque
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 18 mars au 4 septembre 2011
Tél. 04.66.76.35.03.




UNE IMPRESSION PROLIFERANTE



Cette grande exposition des œuvres croisées de Jean-Marc Scanreigh intitulée "Vous ne regardez pas, vous lisez…" couvre la période allant de 1984 à 2011 et met en lumière sa capacité d'invention tous azimuts. On ne dira jamais assez l'attention portée par l'artiste à la pratique de l'écriture de l'autre et la puissante interaction qui en résulte. On connaît bien l'œuvre du peintre qui a opté pour une "figuration revisitée" où les formes prennent leur expansion jusqu'à devenir difficilement perceptibles, ce jeu étrange et maîtrisé qui offre de possibles figurations dans un espace qualifiable de presque abstrait.

Les livres d'artiste, ces objets au caractère magnifiquement hybrides donnent un aperçu des réalisations de l'artiste qui jongle avec le texte, le réinterprétant, mettant ainsi en place une musique entêtante, la sienne, qui change la nature du texte premier, ou plutôt lui fait parcourir un nouveau chemin. En effet la réunion des deux pratiques conduit immanquablement à une troisième voie puisque l'objet réalisé séduit à la fois l'amateur et le lecteur. A noter que la séduction immédiate apparaît du côté du visuel tandis que l'écrit ne l'acquiert que dans le silence de la lecture. Des auteurs comme Hervé Bauer, Zeno Bianu, Michel Butor, Pierre Courtaud, Régine Detambel, Jacques Jouet, Yves Peyré, Jean-Pierre Verheggen et de nombreux autres ponctuent ce parcours à quatre mains ou davantage si l'on tient compte des éditeurs qui vont de Fata Morgana à Rémy Maure en passant par Michel Chomarat ou Jean-Yves Lacroix. On voit ici combien les points d'ancrage géographiques (Saint-Etienne, Strasbourg, Lyon et Nîmes) servent aussi de points de repère au nomadisme de l'artiste. On ne citera pas tout le monde tant la liste s'allonge rapidement et s'allongera sûrement davantage encore dans les années à venir.

Si le maître mot de l'approche scanreighienne semble la prolifération, ce que nul ne conteste et surtout pas le principal intéressé, la production d'estampes permet d'augmenter encore la réalisation en une rapidité d'exécution où le talent ne se trouve nullement exclu. Se servant de diverses techniques comme la gravure sur bois, l'eau-forte, la lithographie ou la sérigraphie, etc. il multiplie là encore les rencontres avec des écrivains, jetant sur le papier les résultats de ces collaborations. Des mots prennent forme, armoriés en quelque sorte par le peintre. L'incidence de la mise en scène visuelle fonctionne avec un grand sens de l'efficacité. La précision du trait opte pour un accompagnement fervent du texte tandis que le spectateur découvre, à la fois ravi et interloqué, ce mariage de déraison.

La scénographie de l'exposition, gourmande et didactique, offre à chacun la possibilité de découvrir cet envahissement cultivé. L'artiste a laissé le champ ouvert à toutes les aventures et à toutes les rencontres. En témoigne l'insolite "Jeu du Minotaure aux cornes rouges" réalisé en compagnie de Gilbert Lascault, paru aux mythiques éditions Baby Lone, qui pourrait servir de métaphore à une visite tant réelle que fantasmée.





Christian Skimao