lundi 18 juillet 2011

Exposition Odilon Redon


L'homme-cactus, 1881.


Le Bouddha, 1904


Exposition Odilon Redon
"Prince du Rêve"
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier
et Abbaye de Fontfroide (Aude)
Du 7 juillet au 16 octobre 2011




Entre deux mondes



La présente exposition d'Odilon Redon (1840-1916), artiste du 19ème et du 20ème siècle, au musée Fabre à Montpellier se décline également avec les décors de la bibliothèque de l'abbaye de Fontfroide commandés par le grand collectionneur Gustave Fayet, dans le cadre d'une appréhension élargie du travail de l'artiste.

On connaît l'approche chronologique et duelle qui consiste à mettre en relation la période noire et la colorée. Elles demeurent en fait indissociables d'une vision personnelle du monde. Si l'importance donnée aux noirs demeure incontestable au travers des fusains et des lithographies, son évolution personnelle le conduira à la couleur. Travaillant sur diverses approches, l'artiste participe ainsi au mouvement Symboliste tout en servant de référence aux futurs surréalistes. André Breton y verra à juste titre un précurseur ou du moins un explorateur des liens unissant le monde réel et le monde sensible des rêves.

La puissance des "Noirs" nous amène ainsi à une interprétation liée au rêve donc à l'inconscient. Ces formes étranges où souvent l'animal se mêle à l'homme participent d'une approche où le fantastique se mêle aux fantasmes. Formellement ces œuvres très riches suscitent l'interrogation de ses contemporains et un fort engouement. L'amitié de Huysmans et l'hommage qui lui est rendu dans son ouvrage "A rebours" contribuent à le rendre célèbre. L'imaginaire peut prendre son envol, soutenu par une forte technique tandis que les chemins exploratoires d'un artiste profondément original se réfèrent dans le domaine littéraire à Baudelaire, Darwin, Flaubert, Poe et dans le domaine artistique à Goya. La monstruosité et l'étrangeté se trouvent mises en scène dans un rapport très spécifique comme dans le cas de "l'Araignée en pleurs" et "l'Araignée souriante".

A partir de 1899 Odilon Redon change de cap et se lance résolument dans l'exploration de la couleur. Le fantastique y apparaît bien tempéré et l'on revient vers une esthétique plus proche de son époque. La puissance du travail se trouve mise au service d'une thématique plus traditionnelle mais avec une grande maîtrise du pastel. L'importance de la musique pour l'artiste le conduit à essayer de trouver dans la peinture les fameuses "correspondances" baudelairiennes. Pourtant l'effet de choc n'opère pas vraiment ou pas davantage qu'avec les œuvres des Nabis. Nous nous trouvons dans des paysages flottants, des portraits rêveurs ou de grandes compositions. Ce passage du côté des arts décoratifs se traduit dans l'exposition par la reconstitution du décor de la salle à manger de Robert de Domecy (réalisé entre 1900 et 1901). Pour intéressant qu'il soit et avec le problème posé par la question du lieu et de l'œuvre (Heidegger) nous sommes dans une approche moins contemporaine et plus inscrite dans l'histoire de l'art.

Ce problème de la réception de l'œuvre de Redon n'apparaît bien sûr pas pour la première fois. La jonction opère pourtant dans les territoires du rêve et pose la question de ce que représente pour nous les notions de nouveauté et de singularité. Les jeunes Fauves, en 1905, ont pensé que Redon et ses bouquets de fleurs avait quelque chose à voir, non pas avec le sujet mais avec la force signifiante de la couleur. Le dépassement des apparences et la rigueur nécessaire à l'expérimentation nous amène à ce fort parallèle avec Mallarmé que nous rappelle Maurice Denis dans un article de 1934. En peinture aussi "un coup de dé jamais…"



Christian Skimao

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