mercredi 9 novembre 2011

Exposition "Pour un art pauvre"



KARLA BLACK
Division Is, 2010, papier, peinture, polystyrène, fond de teint, 145 x 260 x 70 cm.
Vue de l’exposition Ten Sculpture en 2010 à la Kunsthalle, Nuernberg.
Courtesy Kunsthalle Nuernberg / Galerie Gisela Capitain, Cologne. Photo Annette Kradisch. © K. Black




Exposition "Pour un art pauvre"
(Inventaire du monde et de l'atelier)
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 4 novembre 2011 au 15 janvier 2012




Une leçon d'humilité




La référence sémantique à l'Arte Povera constitue un fil conducteur mais assez trompeur en ce qui concerne cette exposition. En effet si dans le mouvement italien la référence symbolique au monde et aux êtres demeure essentielle nous nous trouvons ici dans une déclinaison personnelle qui a pour but d'utiliser des matériaux triviaux et de mettre en lumière le processus de création. Le résultat de l'œuvre finale s'estompant devant la notion valéryenne du "faire". Pourtant la perception globale de la manifestation risque de susciter bien des grincements de dents de la part du public car la problématique de cette sculpture contemporaine, pour utiliser une catégorie générique, s'appuie sur une mythologie quotidienne et personnelle à chaque artiste où s'épanouit l'art du peu.

Dans cette optique Françoise Cohen qui en assure ici le commissariat présente huit artistes, Karla Black, Katinka Bock, Abraham Cruzvillegas, Thea Djordjadze, Gabriel Kuri, Guillaume Leblon, Gyan Panchal, Gedi Sibony, en un parcours où le bricolage a toujours partie liée avec le concept. Il ne sera donc pas possible de parler du travail de chacun mais plutôt d'essayer de trouver les lignes de force de ce parcours où les travaux n'optent pas pour une mise en situation immuable mais jouent avec les principes d'incertitude et de nomadisme.

Les réalisations de Karla Black par leur fragilité même, leur évanescence et leur construction, prenant en considération le risque, offrent un intéressant regard sur cette activité. On trouve d'une part des feuilles de papier en suspension, recouvertes d'une poudre de maquillage, de l'autre un rectangle de plâtre coloré, construit au sol qui lui répond. Si le rapport entre la zone pariétale et la zone du sol semble fonctionner on se trouve pris dans un dilemme qui ne peut se résoudre qu'en vérifiant attentivement le dialogue existant entre les œuvres aériennes qui se réfèrent formellement à Klee et la lente mise en situation du fragile volume terrestre qui joue avec une présence très forte.

Avec Abraham Cruzvillegas on se trouve en présence dans un véritable bricolage au travers d'une construction de bois trouvé, tissu, cuivre, fer, acier inoxydable, coton, bande de caoutchouc, café sucre et chocolat. L'énumération même des matériaux jointe au titre à rallonge "Autoportrait détumescent et post-keynesien, nostalgique du sexe matinal en prenant un café serré avec du sucre" nous entraîne dans un univers à la fois poétique et très volontairement placé sous le signe de l'inquiétude. Cette pièce exposée à Saint-Nazaire s'inscrit dans un jeu référentiel qui prend en compte toute l'existence de l'artiste.

On remarquera enfin l'influence de certains créateurs de Supports-Surfaces avec des notions liées au travail et à la frontière floue entre un intense bric-à-brac et de fortes références conceptuelles comme chez Daniel Dezeuze, Toni Grand ou Patrick Saytour. Si cette notion de travail se trouvait fortement évoquée à l'époque avec depuis bien des arrangements esthétiques on voit comme ils ont irrigué la pensée de certains de ces jeunes artistes, de la façon la plus indirecte donc la plus sûre.




Christian Skimao

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