
"Ramble Room Chair", 2010, bois, époxy peint, impression offset sur papier, chaise, 85 x 65 x 180 cm. Courtesy de l’artiste et Zeno X Gallery, Anvers © MARK MANDERS
Exposition Mark Manders
« Les études d’ombres »
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 10 février au 13 mai 2012
Une œuvre sans fin
Mark Manders est un artiste hollandais qui tente la réalisation d’un autoportrait au travers d’une œuvre en expansion permanente grâce à diverses installations qui utilisent les sculptures et cherchent à donner des points de repères au spectateur. Le caractère insolite de certaines ainsi que leur propension à générer des interrogations multiples participent de cette mise en scène d’une vie ou de sa représentation. La question de la vie et de l’art se trouve donc posée, ou plutôt leur interaction au travers d’interférences et de connexités.
Pour cette première exposition monographique en France organisée par Françoise Cohen, un parcours spécifique a été créé au second étage du musée, essayant de retrouver les conditions optimales d’une monstration toute en continuité. Il s’agit de retrouver l’esprit de cette « usine silencieuse » (pour reprendre l’expression très pertinente qui sert également de titre au texte du catalogue rédigé par Sylvie Coëllier) où l’artiste construit et se reconstruit. L’importance d’une narration semble essentielle bien que la part laissée au spectateur demeure primordiale. Il faudrait d’ailleurs évoquer des narrations plurielles fondatrices d’autoportraits multiples et en cela l’artiste rejoint une démarche littéraire abandonnée dans sa jeunesse au profit d’un investissement dans les arts plastiques.
L’exposition nîmoise ouvre sur une reproduction partielle de l’atelier ou plutôt d’une transposition d’une partie de son atelier dans l’espace muséal. On y trouve aussi deux têtes enserrées dans des presses de bois (« Still Life ») qui reviennent assez souvent dans son œuvre. Mark Manders s’est inspiré, assez librement, des kouroi de la Grèce antique, ces statues qui étaient des représentations archétypales. La volumétrie inhérente à ce genre d’installation introduit un effet réflexif des plus intéressants. Dans une œuvre comme « Ramble room chair » le travail d’abandon de la tête prolongée d’une pièce de bois et installée dans un fauteuil moderniste des années 60 joue sur les apparences et l’idée de sculpture. Notons que cette glaise n’est que feinte car réalisée en epoxy et que le journal qui recouvre le siège est lui aussi un faux journal composé par l’artiste suivant certains protocoles. Des réminiscences de cheminées d’usine ou de cuves brassicoles sises dans d’ingénieux dispositifs de fonctionnement narrent un paysage hollandais et belge.
D’une réalité figée et jouant sur avec nos sens, d’ailleurs souvent abusés, se met en place un réseau de vérités démenties par les matériaux. Des chiens comme morts gisent sur le sol, parfois couchés sur une bâche de plastique (« Abandoned Room, Constructed to Provide Persistent Absence »). L’artiste part ici du mot chien et le décline. L’idée, la représentation et la mise en scène contribuent fortement à inscrire ce travail dans une contemporanéité mais en tenant compte de nombreux paramètres liés à l’histoire des arts. Si la technique se met bien au service de la pensée, il ne faut pas perdre de vue que les sentiments obscurs de Mark Manders se mélangent avec la hardiesse des recouvrements de l’abîme.
Christian Skimao
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