Exposition Francesca Caruana
« Lignes d’eau »
à Sète (Centre Régional d’Art Contemporain,
Chapelle Haute, et deux installations in situ
« l’îlot de Robinson » et
« S. eau S. » )
Du 15 au 30 mars 2012
Une vague déferlante
Avec ces quatre interventions réalisées à Sète par Francesca Caruana
dans le cadre du 6ème Forum Mondial de l’Eau nous nous trouvons en face d’une
approche artistique polymorphe qui joue avec les lieux et les moyens
d’expression tout en respectant la thématique fixée, celle de l’eau. Cette
dernière se trouve mise en évidence par son contenant même dans le hall d'entrée du CRAC
grâce à la constitution d’une ligne sinusoïde avec des bouteilles vides, colorées
et enfilées sur un câble tandis qu’un lourd parallélépipède composé de plus de 200
bouteilles vides elles aussi lui répond. La présence entêtante du plastique
indestructible, de sa volumétrie et de sa mise en espace répond par la négative
à la présence, ou plutôt à l’absence du liquide vital. La rareté du produit se
trouve ainsi mise en lumière par une esthétique de la récupération.
Deux installations optent pour une forte présence en naviguant avec les
contraintes portuaires. La première nommée « S. eau S. » au dock
Richelieu se compose de bouées de plage de grand format tandis que la seconde
intitulée « l’îlot de Robinson » est constituée par un radeau avec un
arbre mort, une chaise longue, un parasol, et des objets divers dans des
couleurs artificielles. Cette représentation d’une des inventions littéraires
occidentales les plus fantasmées (de Daniel Defoe à Michel Tournier) nous
plonge dans des considérations tant plastiques que référentielles. Il existe
dans l’œuvre de Caruana le souvenir d’une absence et la mise en perspective d’un
jeu enfantin qui offre une nouvelle perspective conceptuelle à l’interprétation
de son éphémère monument.
Enfin avec la Chapelle Haute nous nous trouvons en présence d’une monstration
en apparence plus traditionnelle mais qui possède un fort pouvoir séducteur. Le
génie du lieu offre d’emblée une plus value pour les œuvres exposées. Au centre
se trouve une ingénieuse installation de petits aquariums remplis d’eau, avec
le liquide allant du sale au limpide en passant par tous les stades possibles.
Il ne s’agit cependant pas d’une démonstration didactique mais d’un
questionnement amenant de l’évidence à la grâce. La série des « Buvards d’eau »
joue sur l’imprégnation et la représentation picturale. Divers éléments proches
de l’univers de l’artiste (os, rostres d’espadon, crânes de lapin, vertèbres de
mouton,…) se trouvent réagencés pour entrer dans la définition même du sujet. La
construction de lignes d’eau à partir de restes tangibles peut surprendre dans
un premier temps. Pourtant cette contraction-dilatation des ingrédients naturels
participe à l’élaboration savante d’une poétique qui transcende les genres
établis.
Partant d’une contrainte donnée –
l’eau –, Francesca
Caruana en décline avec inventivité les caractéristiques les plus secrètes. Elle
affine notre perception du précieux liquide au travers d’une approche
contemporaine qui magnifie la souveraine puissance du mythe.
Christian Skimao
Christian Skimao
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