mercredi 4 juillet 2012

Exposition « Corps et Ombres, Caravage et le caravagisme européen »


Exposition « Corps et Ombres, Caravage et le caravagisme européen »
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier
Du 24 juin au 14 octobre 2012

  



                   Caravage "La flagellation du Christ (vers 1606-1607) Musée de Rouen.

                                                 Une trivialité sublime

  
  
   L’exposition intitulée « Corps et Ombres, Caravage et le caravagisme européen » se divise en deux parties : l’une à Montpellier au musée Fabre avec Caravage et les caravagesques du Sud, l’autre à Toulouse au musée des Augustins avec le caravagisme du Nord. Nous n’évoquerons ici que celle de Montpellier orchestrée avec brio par Michel Hilaire, co-commissaire général de la manifestation en compagnie d’Axel Hémery, avec le soutien du réseau FRAME.

  Lorsque l’on évoque l’œuvre de Michelangelo Merisi dit Caravage la confrontation du spectateur à la notion de génie semble toujours lourde à porter. Et pourtant cette monstration très didactique qui met en relation l’inventivité de l’artiste et le courant qui s’en réclame, directement ou indirectement, nous situe au cœur de cette problématique et des innombrables connexions qui irriguent l’histoire de l’art. Chaque attitude induit une autre attitude, chaque corps évoque un autre corps et chaque coup de pinceau se réfère à une autre façon de peindre. Tradition et transgression se complètent alors à merveille dans un dialogue permanent.

  Caravage bouscule les codes en vigueur, changeant cadrages et éclairages. Il met en place un « naturalisme » au travers de l’emploi de modèles qui viennent de la vie quotidienne. La confrontation entre les scènes obligées du répertoire sacré et les figurants peints issus de son voisinage crée les conditions d’un choc visuel et culturel. La dimension sexuelle demeure extrêmement forte dans ses œuvres. Le peintre tente de redonner vie aux corps dans le cadre d’une mise en scène qui privilégie la figure humaine. Si les natures mortes ne se trouvent pas dans l’exposition (on songe ici à la célèbre corbeille de fruits de Milan et au texte d’analyse de Michel Butor intitulé « La Corbeille de l’Ambrosienne », datant de 1959) les corps se heurtent et se rencontrent dans de suppliantes et mystiques violences (cf. « La flagellation du Christ »). Il existe donc une approche paradoxale chez Caravage qui cherche le sacré dans l’humaine trivialité. Cette mise en avant de la chair de l’être au détriment de son aspect éthéré ne doit pas nous faire perdre de vue qu’il s’agit toujours ici de peinture. La figuration permet une narration qui semble en apparence plus accessible que l’abstraction mais l’extrême connotation des scènes donne lieu à un lent et minutieux décryptage. Nous nous trouvons bien en présence d’un art du savoir enrichi ou contrebalancé par le ressenti. La perception globale de chaque peinture, tout en ne négligeant pas sa contextualisation, s’inscrit dans une contemporanéité qui en bouleverse à chaque fois la lecture, entre sentiments et sensations.

  Une grande partie de l’exposition explore la continuité de l’œuvre au travers de ce que l’on nomme le caravagisme. Il faut se souvenir qu’il ne s’agit pas d’une école mais d’un courant irriguant une grande partie de la peinture occidentale durant de nombreuses années après la disparition du Caravage. Cette mise en place d’un corpus contraignant mais dynamisant  qui repose sur le naturalisme, la grandeur des figures, la luminosité, l’utilisation du clair-obscur, etc., donne naissance à la fois aux caravagesques, héritiers directs du maître à Rome (avec les deux Gentileschi par exemple) puis à un mouvement qui nous conduit en Espagne (avec Francisco Zurbarán) et en France (avec Georges de La Tour) ; cette déclinaison de la référence première offre un parcours où les comparaisons le disputent aux découvertes. D’une lumière si modelée à des personnages si vivants c’est toute une esthétique « révolutionnaire » pour son temps qui se déroule devant nos yeux.
   
                                                                                                                                                                                      Christian Skimao






  


       

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