vendredi 24 avril 2015

Exposition Francesca Caruana "Recto OtceR"

Exposition Francesca Caruana 
« Recto OtceR »
Centre d’art contemporain
A cent mètres du centre du monde
3, avenue de Grande Bretagne
66000 Perpignan T. 04.68.34.14.35.
Du 11 avril au 31 mai 2015


Francesca Caruana Igname vert2014. Acrylique et fusain sur buvard industriel. 230 x 112cm


Tours, détours, … une relation enchantée


  Cette exposition met en lumière des enjeux difficiles mais palpitants. L’art demeure une activité pleine de périls qui fonctionne avec des références, des sensations, de l’histoire, des histoires, de l’art, d’autres arts et du vécu. Pour Francesca Caruana il s’agit de mettre en relation son histoire et le temps qui passe avec une époque plus immémoriale, celle de son expérience de la culture kanak. Sa série des « Masques »  (« Masque bleu », « Masque turquoise », …) mixe en un tour de force  époustouflant des photographies de « Grimaces » réalisées il y a 40 ans où l’artiste se mettait en scène, et des peintures se référant à l’imaginaire des peuples de la Nouvelle-Calédonie. Ainsi commence-t-on à comprendre ce qui se cache dans cet envers des choses, cette fine pellicule de l’ « OtceR », concept inventé par l’artiste, qui n’est point le simple Verso du Recto mais sa part mystérieuse, impalpable mais traductible par le biais de la création artistique.

  L’artiste a été très marquée par cette relation avec des pratiques artistiques « autres » lors d’un séjour en Kanakie. Il s’agit pour elle de conjuguer ce qui relève d’une histoire ancienne et de la modernité occidentale. La peinture et ses multiples avatars peuvent s’inscrire dans ce champ de recherches qui bien sûr dépasse le cadre trop étroit de la simple représentation. Une grande installation sise au centre du Centre d’art permet d’appréhender les possibles interactions entre des mondes en apparence si différents. En réalité il est question de franchir d’un bond l’espace des siècles, revoir la peinture abstraite avec la lucidité d’un assembleur d’objets magiques. Un chemin initiatique en quelque sorte qui conjugue esthétique et énergie. Des toiles d’une grande qualité visuelle comme celle intitulée « Igname vert » diffusent un parfum où la présence de ce tubercule incontournable interroge le spectateur sur les liens qui se tissent. Le regardeur se tourne vers le regardé et bascule dans une nouvelle perception.

  La mise en relation entre les objets conduits à une réévaluation de leur fonction et de leur destination. Comme nous le dit l’artiste : « Le masque est portrait / Le bâton est graphisme / L’igname est objet rituel  / Le tressage est la couture transdisciplinaire ». Les valeurs établies flottent pour donner naissance à cette migration à l’intérieur des genres préétablis. Une salle des bâtons offre toute la puissance d’une reposante méditation tandis qu’à l’étage une autre installation composée d’une succession de nids et d’aquari-os diffusent une lancinante interrogation. L’utilisation de la luminosité jointe à l’élégance des tracés nous happe et nous transporte. Enfin la notion de rythme offre une  nouvelle possibilité d’approche, entre perceptions sensorielles et chocs esthétiques. Les images parlent et narrent d’abstraites configurations.


  L’essentiel, qui demeure comme toujours invisible, consiste à mettre en lumière des connexions entre ce qui ne devrait pas se rencontrer. L’altérité devient familiarité et vice-versa. Alice aux miroirs transposés, cette exposition renoue avec l’enchantement des mondes.
                                                                                                                                       Christian Skimao



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