Exposition Francesca Caruana
« Recto OtceR »
Centre d’art contemporain
A cent mètres du centre du monde
3, avenue de Grande Bretagne
66000 Perpignan T. 04.68.34.14.35.
Du 11 avril au 31 mai 2015
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Francesca Caruana Igname vert2014. Acrylique et fusain sur buvard industriel. 230 x 112cm |
Tours, détours, … une relation enchantée
Cette
exposition met en lumière des enjeux difficiles mais palpitants. L’art demeure
une activité pleine de périls qui fonctionne avec des références, des
sensations, de l’histoire, des histoires, de l’art, d’autres arts et du vécu. Pour
Francesca Caruana il s’agit de mettre en relation son histoire et le temps qui
passe avec une époque plus immémoriale, celle de son expérience de la culture
kanak. Sa série des « Masques » (« Masque bleu »,
« Masque turquoise », …) mixe en un tour de force époustouflant des photographies de
« Grimaces » réalisées il y a 40 ans où l’artiste se mettait en
scène, et des peintures se référant à l’imaginaire des peuples de la
Nouvelle-Calédonie. Ainsi commence-t-on à comprendre ce qui se cache dans cet
envers des choses, cette fine pellicule de l’ « OtceR », concept
inventé par l’artiste, qui n’est point le simple Verso du Recto mais sa part
mystérieuse, impalpable mais traductible par le biais de la création
artistique.
L’artiste a été très marquée par cette
relation avec des pratiques artistiques « autres » lors d’un séjour
en Kanakie. Il s’agit pour elle de conjuguer ce qui relève d’une histoire
ancienne et de la modernité occidentale. La peinture et ses multiples avatars
peuvent s’inscrire dans ce champ de recherches qui bien sûr dépasse le cadre trop
étroit de la simple représentation. Une grande installation sise au centre du
Centre d’art permet d’appréhender les possibles interactions entre des mondes
en apparence si différents. En réalité il est question de franchir d’un bond
l’espace des siècles, revoir la peinture abstraite avec la lucidité d’un
assembleur d’objets magiques. Un chemin initiatique en quelque sorte qui conjugue
esthétique et énergie. Des toiles d’une grande qualité visuelle comme celle
intitulée « Igname vert » diffusent un parfum où la présence de ce
tubercule incontournable interroge le spectateur sur les liens qui se tissent.
Le regardeur se tourne vers le regardé et bascule dans une nouvelle perception.
La mise en relation entre les objets conduits
à une réévaluation de leur fonction et de leur destination. Comme nous le dit
l’artiste : « Le masque est portrait / Le bâton est graphisme / L’igname
est objet rituel / Le tressage est la
couture transdisciplinaire ». Les valeurs établies flottent pour donner
naissance à cette migration à l’intérieur des genres préétablis. Une salle des
bâtons offre toute la puissance d’une reposante méditation tandis qu’à l’étage
une autre installation composée d’une succession de nids et d’aquari-os
diffusent une lancinante interrogation. L’utilisation de la luminosité jointe à
l’élégance des tracés nous happe et nous transporte. Enfin la notion de rythme
offre une nouvelle possibilité
d’approche, entre perceptions sensorielles et chocs esthétiques. Les images
parlent et narrent d’abstraites configurations.
L’essentiel, qui demeure comme toujours
invisible, consiste à mettre en lumière des connexions entre ce qui ne devrait
pas se rencontrer. L’altérité devient familiarité et vice-versa. Alice aux
miroirs transposés, cette exposition renoue avec l’enchantement des mondes.
Christian Skimao
Christian Skimao
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