Exposition « Formes biographiques»
Commissariat de Jean-François Chevrier,
assisté d’Elia Pijollet
Artistes exposés :
Chantal Akerman, Carl
Andre, Madeleine Bernardin Sabri, Laure Bréaud,
Marcel Broodthaers,
Lygia Clark, André du Colombier, Étienne-Martin, VALIE EXPORT, Robert
Filliou, Florian Fouché,
Peter Friedl, Philip Guston/Clark Coolidge, Martin Honert, Edward
Krasinski/Eustachy
Kossakowski, David Lamelas, Antonios Loupassis, Kerry James Marshall,
Santu Mofokeng, Gérard
de Nerval, Henrik Olesen, Marc Pataut, Sigmar Polke, Dieter Roth,
Anne-Marie
Schneider, Ahlam Shibli, Thomas Schütte, Claire Tenu
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 29 mai au 20 septembre 2015
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Etienne-Martin "Paravent", 1965. Collection Soizic Audouard/Galerie de France, Paris. |
Je est un autre
Cette exposition
organisée par Jean-François Chevrier a la force lumineuse de son énoncé.
Travaillant au corps la notion de biographie (pour mémoire « genre
d'écrit qui a pour objet l'histoire de vies particulières » mais aussi
« genre littéraire » et encore « faits et dits qui constituent
la vie d'un homme ou d’une femme »), elle se charge d’y inclure des
expériences plastiques de la période contemporaine. Formes
biographiques prolonge l’exposition Formas biográficas présentée au
musée Reina Sofia de Madrid en 2013-2014 et s’inscrit ainsi dans un vaste
panorama historique.
La construction
très rigoureuse opte pour une introduction sur le palier d’entrée avec une œuvre
de Florian Fouché (Dans le train Lyon-Bucarest), et 6 stations
référentielles : Le nom, la chambre ; Terre, air et lettre ;
Assemblages (auto)-biographiques ; Où vivre ? Exils et
migrations ; Crise et réinventions biographiques ; Personnages.
Pourtant en demeurant fidèle au champ exploratoire voulu par le commissaire, le
plaisir de vagabonder parmi une soixantaine d’œuvres décuple alors la valeur de
la découverte. La subjectivité demeure au cœur d’une biographie dont les atouts
de la connaissance mettent parfois en lumière la part obscure de chaque
créateur. Si la notion de Romantisme flirte avec l’approche kaléidoscopique de
notre époque éclatée, il n’est de vérité que fragmentaire.
En cela le film de
Chantal Akerman, News from Home,
remplit pleinement sa fonction entre images américaines et voix off reprenant des
lettres familiales (mère et au-delà des mers). La constitution d’un récit situé
entre Histoire et représentation s’exprime pleinement avec les quatre
marionnettes de Peter Friedl, Le Dramaturge (avec Kleist en embuscade). De façon emblématique, la figure de
l’enfant à une table de Martin Honert, Foto (Klein Martin am Tisch)
frappe le regard avec cette mise à distance de la présence même de l’enfance.
Toutes ces mythologies individuelles se contractent et frappent les sens. La
stridence de Mariage, film d’animation de Marie Schneider, nous
renvoie aux dessins et aux photos actionnistes de VALIE EXPORT. Un halo
généreux a toujours entouré les œuvres d’Etienne-Martin avec son travail
récurrent sur la maison de Loriol. La possibilité de continuer l’exploration
intérieure passe par l’incontournable Marcel Broodthaers et ses réalisations décalées.
Une mention spéciale pour les compositions de Thomas Schütte qui optent pour
des changements d’échelle et de point de vue proprement jouissifs. L’admirable
vision des chaussures religieusement rangées et du petit personnage en qualité
de modérateur d’échelle offre un complet renversement perceptif. Les
cathédrales issues de notre imaginaire sont plus grandes que celles du réel. Etc.
La mémoire joue
les tours que chaque artiste veut bien lui apprendre. Les récits encombrent nos
vues alors que les images guettent nos oreilles. Le « je » devient un
« jeu » où le regardeur, une fois encore, participe pleinement à cette
exposition (explosion ?) de morceaux de vie. Enfin la parution d’un fort
livre catalogue, entièrement rédigé par Jean-François Chevrier, fait office de
manifeste ; ou alors d’une nouvelle sorte de biographie en forme de clin d’œil
cacodylate.
Christian Skimao
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