lundi 11 juillet 2016

Urs Ficher Fondation Van Gogh et Jordan Wolfson LUMA, Parc des Ateliers; Arles (F)

Exposition « Mon cher… » d’Urs Fischer
Fondation Vincent van Gogh
35ter, rue du docteur Fanton, Arles
Du 1 octobre 201- au 29 janvier 2017
et
« Colored Sculpture » de Jordan Wolfson
Mécanique Générale, Parc des Ateliers, Arles
Du 30 septembre au 24 octobre 2016

Urs Fischer, last supper, 2014

Bronze moulé, armature en acier inoxydable, 144,8 x 767,1 x 147,3 cm
EA d’une édition de 2 & 1 EA
Collection privée
Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Gagosian Gallery
© Urs Fischer
Photo : Stefan Altenburger Photography Zürich

Urs Fischer, Melodrama

2013, Plâtre, apprêt à l’huile, acier inoxydable, fil de nylon Dimensions variables : 3000 gouttes de pluie, chacune jusque 16,5 x 5,7 x 6 cmMaja Hoffmann / LUMA FoundationAvec l’aimable autorisation de l’artiste et de Sadie Coles HQ, Londres
Crédit photo : Mats Nordman



   Les goûts et les couleurs

  Dès l’entrée, barrant insolemment l’espace de la cour, une sculpture monumentale accueille le visiteur : « Last supper » (2014), en référence à la peinture de Léonard De Vinci. Celle-ci d’abord réalisée en argile, de façon collective, avec toutes les maladresses voulues dans une œuvre aussi polymorphe s’est trouvée reprise dans le noble matériau synonyme d’éternité, le bronze. Lourde, énigmatique, légèrement vulgaire, presque populaire, cette réalisation questionne la notion de goût et le rapport à l’art entretenu par les élites.
  Urs Fischer a décidé d’occuper tous les étages de la Fondation. Au premier étage, une installation nommée « Mélodrama » (2013) qui se trouverait plutôt qualifiable d’environnement puisque le spectateur circule dans l’ensemble de la réalisation. Bice Curiger, dans le texte du catalogue, évoque un concept assez original d’« all-over spatial », car nous pénétrons dans un espace de grosses gouttes colorées suspendues dans l’espace. Au travers de cette pluie « arrêtée » usant de variations tonales, se trouvent des modèles féminins alanguis, sans tête, dans la tradition antique de l’« Ariane endormie ». Bien sûr, la relecture des images du passé rassure et inquiète à la fois, car le contexte est celui d’aujourd’hui. La destruction suit la construction (ou bien l’inverse ?) et l’inachèvement demeure une notion incontournable depuis le siècle dernier. Le plaisir de la promenade se double d’une légère angoisse devant les préoccupations contemporaines d’un monde mouvant.
  Au dernier étage, un énorme recouvrement de papier peint réalisé pour la circonstance nous fait entrer dans un espace éminemment régressif. Des figurines de cochons et de petits personnages sur métal apparaissent parfois sur les murs. La question du kitsch, déjà évoquée auparavant avec malice se précise ici, mais sans doute de façon trop affirmative. Passé le premier choc, on demeure sur sa faim malgré l’entêtante odeur de bacon grillé. Pour en revenir à Van Gogh, passerelle obligatoire liée au lieu et à sa destination, Urs Fischer a réalisé des œuvres sur aluminium utilisant des techniques mixtes, anciennes et technologiques, à partir de certaines parties de son corps. L’incontournable oreille, bien entendu, avec « Iodine » (2016) pose de nombreuses questions sur la représentation, le faux-semblant, l’histoire et les légendes qui en découlent. Un exercice intéressant de remise en cause de notre perception. Force est donc de constater que les goûts et les couleurs…







Jordan-Wolfson-Colored-Sculpture-Courtesy-of-the-artist-David-Zwirner-New-York-and-Sadie-Coles-HQ-London



  The meaning of life ?

  « Colored sculpture » fonctionne comme une installation monumentale, comprenant une sorte de grande poupée désarticulée, actionnée à l’aide de lourdes chaînes. Un vaste portique équipé de puissants moteurs impose une scénographie à la fois gênante et fascinante. En effet, le pantin désarticulé, possède une bouille sympathique, faisant référence à la culture populaire américaine. Jordan Wolfson présente ici une œuvre interactive puisque l’informatique y joue un grand rôle, tant dans le ballet qu’avec les yeux du « garçon » équipés d’un système de reconnaissance des visages. Suivant le regard des spectateurs grâce à la fibre optique, nous devenons voyeurs et regardés. Ce regardeur, toujours invoqué, jamais ignoré dans l’art, invoqué par Duchamp, devient aussi un auditeur puisqu’il écoute un bruit de chaînes, des musiques sympathiques mais décalées par rapport au contexte, souvent brutalement interrompues, enfin des fragments de textes comme si la statue parlait. Le syndrome de Pinocchio (le nez en moins) apparaît ici, à la fois humain et non humain, hors d’échelle bien sûr, mais comme frappé par la force d’un destin qui lui échappe. La thématique des chaînes le prouve ainsi que la forte fascination devant ce spectacle à la fois tragique et mécanique, référence à la notion de robot souvent déclinée par l’artiste. Les traces de peinture grise symbolisant l’usure liée aux chocs laissent entrevoir la fragilité de l’œuvre, pourvue paradoxalement de cette grande force machinique. Présentée la première fois à la galerie David Zwirner de New York, du 5 mai au 25 juin 2016, elle continue à nous questionner au travers des fortes tensions nerveuses créées à chaque représentation. Éprouvant et impressionnant.
                                                                                                                              Christian Skimao


Aucun commentaire: