Exposition François Rouan
« Tressages 1966-2016 »
Musée Fabre
39, boulevard Bonne Nouvelle à Montpellier
Du 4 février au 30 avril 2017
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Cette première rétrospective de François Rouan au Musée Fabre à
Montpellier, sa ville natale, a toute la force et l’élégance d’un tressage visuel
et didactique. Une soixantaine d’œuvres classées en 5 périodes permettent une
approche historique de son travail : la première intitulée
« 1966-1976 : Trames » montre les débuts du tressage et
l’importance des recherches dans le contexte d’une époque marquée par les
débats sur la forme ; la seconde « 1976-1986 : Combinatoires »
évoque la période romaine de l’artiste, très luxuriante jusqu’au choc personnel
de 1982 qui le ramène au noir et blanc ; la troisième
« 1986-1996 : Empreintes » fait glisser vers une notion nouvelle
qui met en scène l’Histoire dans sa grandeur, mais aussi son horreur (nous y
reviendrons par la suite) ; la quatrième « 1966-2006 :
Paysages » renoue avec une subtile approche de la figuration et de
l’abstraction ; enfin la cinquième « 2006-2016 :
Retour-Avant » propose une réactualisation de certains de ses tableaux en
un questionnement étourdissant.
L’approche de François Rouan est à la fois théorique
et pratique. Elle repose sur une grande connaissance de la peinture ancienne et
actuelle. Loin de s’inscrire dans un art contemporain dont il déteste l’idée
restrictive puisque tout art de son époque est contemporain, il met en place
une technique liée au tressage qui le situe dans une recherche permanente. L’importance
de la peinture se trouve confrontée à une lecture nouvelle qui joue avec une
profondeur nouvelle. Le regard posé sur les choses change de nature par cette
« difficulté » à les saisir d’emblée. Nous ne sommes ni dans une
relecture ni dans une simple réappropriation des codes du passé, mais dans un
univers spécifique à l’artiste qui joue avec les possibles. Cet espace du
regard entre fond et forme nous offre une magnifique ouverture qui multiplie
les points de vue.
Si la série des « Cassoni » (coffrets) décline la magnificence
des couvercles de coffres de mariage florentins et siennois du 15ème
siècle, une autre série, beaucoup plus sombre, nommée « Stücke »
(« morceaux ») emprunte, pour en montrer toute l’inhumanité, la
terminologie nazie qui désignait ainsi les détenus promis à l’extermination
dans les camps. La rencontre entre l’espace politique et l’espace pictural trouve
sa pleine justification, et dans l’approche de ce sujet délicat, et dans le
souvenir de l’artiste. Une réalité pleine qui ne se commet dans aucune complaisance
et nous entraîne dans cette vision à la fois esthétique et éthique.
Tresser, c’est entrelacer. Des lés de peinture, des fragments
d’histoire, des éclats photographiques, des pensées, des impressions, sans
oublier Masson, Matisse, Picasso, etc. composent ce « génie du lieu »
du tressage. François Rouan demeure un artiste labyrinthique avec une œuvre en
constante mutation.
Christian Skimao
Christian Skimao
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