Mo.Co. Hôtel
des collections
13, rue de
la République à Montpellier
Exposition « Distance intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa. »
Exposition « Distance intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa. »
Du 29 juin
au 29 septembre 2019
Pierre Huyghe. "Zoodrum 4", 2011. Coll. Ishikawa Foundation, Okayama, Japon. Photo: Guillaume Ziccarrelli. |
Un
écrin pour l’art en transit
Avec l’ouverture de l’Hôtel des collections,
dans l’hôtel de Montcalm transformé, le vaste projet Mo.Co. initié par Philippe
Saurel, maire de Montpellier, piloté par Nicolas Bourriaud, se met
définitivement en place. Ce nouvel espace ne disposant pas de collection
permanente, il présente des collections publiques ou privées provenant du monde
entier. Pour cette première exposition, 44 œuvres appartenant au collectionneur
japonais Yasuharu Ishikawa se trouvent mises en valeur avec la participation de
Yuko Hasegawa en qualité de commissaire invitée.
La monstration, tout en étages, ouvre avec
une installation à la fois ironique et référencée de Ryan Gander intitulée
« Ftt, Ft, Ftt, Ftt, Fttt,Ftt… » de 2010 qui propose au travers d’un
agencement de flèches de traduire la joute verbale et la brouille qui
s’ensuivit entre les deux grands théoriciens du mouvement De Stijl, Theo
van Doesburg et Piet Mondrian. Une superbe pièce de Pierre Huyghe nommée
« Zoodram 4 » de 2011 montre dans un grand aquarium, la réplique de
« La Muse endormie » de Brancusi colonisée par un bernard-l’hermite
hors d’échelle. Une métaphore du collectionneur et de sa proie ? Ou un
dandysme poétique des profondeurs ? Un bel hommage à Fischli & Weiss
avec « Untitled », objets de leur atelier réalisés à la main en
polyuréthane qui débordent ainsi la notion duchampienne et renvoient à
l’inutilité de la réalisation par l’absurde. Hommage aussi à David Weiss
disparu en 2012. Une mention spéciale à Danh Vo pour sa superbe série d’œuvres
suspendues qui jouent avec la notion de diaspora au travers de référents
commerciaux et d’extraits du texte de Cendrillon rédigé en lettres gothiques
par son père Phung Vo, sur des cartons usagés dorés à la feuille par des
artisans de Bangkok. Diverses vidéos parsèment l’ensemble, remarquons
« Lake Valley », de Rachel Rose (2016) qui joue avec un animal à la
fois lapin, chien ou indéterminé dans des décors oniriques et colorés. Le
spectateur, happé, oscille entre plaisir et malaise. Et bien sûr celles d’Anri
Sala qui travaille sur l’écho. Un questionnement sur le passé nippon, par le
biais photographique, de Motoyuki Shitamichi, concerne les « Torii »
(portiques shintoïstes) qui se réfèrent à la religion officielle du Japon, mais
symbolisent aussi la possession des lieux occupés durant la Seconde Guerre
mondiale. Un sujet toujours brûlant à l’heure actuelle.
Il y a également une sélection de travaux
plus historiques comme ceux d’On Kawara et de ses légendaires « Date
Paintings » ; deux œuvres de Marcel Broodthaers interrogent le
narcissisme de l’artiste, mais aussi la vanité des choses ; Felix
Gonzalez-Torres transcende les objets dans une nouvelle mise en scène et sa
pile mouvante d’affiches à emporter dans le cadre d’un anti-monument. Et bien
d’autres encore …
Si l’ensemble comprend indéniablement
d’intéressantes réalisations, la continuité de la pratique d’un art minimal et
conceptuel au travers de recherches plus récentes amène ici à une réflexion
plus posée. Face au débordement de La Panacée et de ses œuvres en devenir, nous
nous trouvons ici dans un espace plus muséal. Complémentaire de
l’effervescence, cette collection propose de réfléchir au temps qui passe et
qui change grandement toute perception. Le jugement de l’histoire a parfois
rendez-vous avec une paradoxale nostalgie.
Christian
Skimao
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