dimanche 30 juin 2019

Mo.Co. Hôtel des collections, Montpellier. Exposition « Distance intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa. »


Mo.Co. Hôtel des collections
13, rue de la République à Montpellier
Exposition « Distance intime. Chefs-d’œuvre de la collection Ishikawa. »
Du 29 juin au 29 septembre 2019

Pierre Huyghe. "Zoodrum 4", 2011. Coll. Ishikawa Foundation, Okayama, Japon. Photo: Guillaume Ziccarrelli.



    Un écrin pour l’art en transit

  Avec l’ouverture de l’Hôtel des collections, dans l’hôtel de Montcalm transformé, le vaste projet Mo.Co. initié par Philippe Saurel, maire de Montpellier, piloté par Nicolas Bourriaud, se met définitivement en place. Ce nouvel espace ne disposant pas de collection permanente, il présente des collections publiques ou privées provenant du monde entier. Pour cette première exposition, 44 œuvres appartenant au collectionneur japonais Yasuharu Ishikawa se trouvent mises en valeur avec la participation de Yuko Hasegawa en qualité de commissaire invitée.

  La monstration, tout en étages, ouvre avec une installation à la fois ironique et référencée de Ryan Gander intitulée « Ftt, Ft, Ftt, Ftt, Fttt,Ftt… » de 2010 qui propose au travers d’un agencement de flèches de traduire la joute verbale et la brouille qui s’ensuivit entre les deux grands théoriciens du mouvement De Stijl, Theo van Doesburg et Piet Mondrian. Une superbe pièce de Pierre Huyghe nommée « Zoodram 4 » de 2011 montre dans un grand aquarium, la réplique de « La Muse endormie » de Brancusi colonisée par un bernard-l’hermite hors d’échelle. Une métaphore du collectionneur et de sa proie ? Ou un dandysme poétique des profondeurs ? Un bel hommage à Fischli & Weiss avec « Untitled », objets de leur atelier réalisés à la main en polyuréthane qui débordent ainsi la notion duchampienne et renvoient à l’inutilité de la réalisation par l’absurde. Hommage aussi à David Weiss disparu en 2012. Une mention spéciale à Danh Vo pour sa superbe série d’œuvres suspendues qui jouent avec la notion de diaspora au travers de référents commerciaux et d’extraits du texte de Cendrillon rédigé en lettres gothiques par son père Phung Vo, sur des cartons usagés dorés à la feuille par des artisans de Bangkok. Diverses vidéos parsèment l’ensemble, remarquons « Lake Valley », de Rachel Rose (2016) qui joue avec un animal à la fois lapin, chien ou indéterminé dans des décors oniriques et colorés. Le spectateur, happé, oscille entre plaisir et malaise. Et bien sûr celles d’Anri Sala qui travaille sur l’écho. Un questionnement sur le passé nippon, par le biais photographique, de Motoyuki Shitamichi, concerne les « Torii » (portiques shintoïstes) qui se réfèrent à la religion officielle du Japon, mais symbolisent aussi la possession des lieux occupés durant la Seconde Guerre mondiale. Un sujet toujours brûlant à l’heure actuelle.

  Il y a également une sélection de travaux plus historiques comme ceux d’On Kawara et de ses légendaires « Date Paintings » ; deux œuvres de Marcel Broodthaers interrogent le narcissisme de l’artiste, mais aussi la vanité des choses ; Felix Gonzalez-Torres transcende les objets dans une nouvelle mise en scène et sa pile mouvante d’affiches à emporter dans le cadre d’un anti-monument. Et bien d’autres encore …

  Si l’ensemble comprend indéniablement d’intéressantes réalisations, la continuité de la pratique d’un art minimal et conceptuel au travers de recherches plus récentes amène ici à une réflexion plus posée. Face au débordement de La Panacée et de ses œuvres en devenir, nous nous trouvons ici dans un espace plus muséal. Complémentaire de l’effervescence, cette collection propose de réfléchir au temps qui passe et qui change grandement toute perception. Le jugement de l’histoire a parfois rendez-vous avec une paradoxale nostalgie.

Christian Skimao


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