lundi 17 juin 2019

Rétrospective Vincent Bioulès « Chemins de traverse » Musée Fabre, Montpellier


Rétrospective Vincent Bioulès « Chemins de traverse »
Musée Fabre, Montpellier
et Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran, Montpellier
Du 15 juin au 6 octobre 2019
                                             
Vincent Bioulès "L'étang de l'or", 2015, huile sur toile, 130 x195 cm. Collection particulière.Photo Pierre Schwartz. Copyright ADAGP, Paris, 2019.

                                    
En cheminant à travers paysages, histoires et portraits


 La rétrospective Vincent Bioulès présente de façon chronologique le parcours d’un artiste qui s’inscrit dans la grande peinture. Mais est-il pour autant classique ? Et quel rapport entretient-il avec la modernité ? Ce questionnement pourrait s’appuyer sur une œuvre de 1965, « Le Marronnier en fleurs » qui propose un regard abstrait sur une thématique liée à la réalité du paysage, un arbre en fleurs, soit deux possibilités d’approche qui questionnent l’histoire de l’art et laissent transparaître de façon éclatante le traitement du sujet et la maîtrise des couleurs.
  Michel Hilaire, directeur du musée et Stanislas Colodiet, conservateur au musée, commissaires d’exposition, ont conçu sept sections thématiques pour une approche didactique. Il paraît néanmoins tentant pour le regardeur de musarder au travers, jouant avec les époques en une promenade cultivée. Supports-Surfaces demeure une aventure lointaine constituée par des réflexions et des expositions de groupe ; de ces longues réflexions sur le devenir de la peinture, il reste des expériences radicales comme « Impact » à Céret en 1966 et la fameuse opération « Cent artistes dans la ville » en 1970 à Montpellier. Mais l’essentiel pour Bioulès se situe ailleurs, forcément ailleurs.
 Ainsi, la série des « Places » montre la ville comme un décor d’opéra. Celle d’Aix en 1976 réalisée en hommage à Auguste Chabaud, montre de façon évidente la puissance de la composition, l’influence matissienne (très présente évidemment dans la série des « Fenêtres ») et un sens du monumental, plus inattendu. La musique qui joue un grand rôle dans la vie de l’artiste en raison des activités de son père et de sa passion personnelle trouve donc un écho dans ces nombreuses places de villes méditerranéennes, à la fois magnifiées et inscrites dans une vision presque magique. Les paysages (citons le port de Carnon, l’étang de l’Or ou le Pic Saint-Loup) continuent sur cette lancée en établissant une construction très rigoureuse. Si nous avons quitté la scène de l’opéra, c’est pour mieux pénétrer celle du théâtre du monde. Une Méditerranée revisitée, faite de blocs lumineux, de lignes d’horizon strictes et de pensée grecque. L’alignement des formes le dispute à l’emploi de la couleur, Signac et la peinture américaine habitent ces toiles sudistes où navigue l’ombre d’Ulysse.
  Les portraits appartiennent à un autre genre magistral de la peinture. Bioulès l’aborde de façon  complexe. Beaucoup de jeunes filles et de femmes prennent la pose s’abandonnent au crayon puis au pinceau. Le travail sur modèle vivant interpelle, car il en ressort toujours quelque chose d’imprévu. Comme la photo, le portrait peint demeure un instant figé dans le temps et amorce un processus d’appropriation et d’éternité. Avoir son portrait réalisé par un artiste entame pour le sujet un processus de reconnaissance maximale, mais aussi de dépossession. Les influences demeurent variées, on a parfois évoqué Bernard Buffet mais aussi les primitifs italiens. Deux séries très spécifiques nous interpellent, celui des « Nues » et celui des membres du groupe Supports-Surfaces peints en 1990. Pour le premier, le corps des femmes se trouve traité de façon figée avec un érotisme froid. Leur environnement très dépouillé met en valeur un principe féminin très intellectualisé. Ici, la peinture pense plutôt qu’elle ne parle. Dans le hall Buren du musée, se trouvent exposés les acteurs du dernier mouvement d’avant-garde français. Au nombre de douze, comme les apôtres d’un temps déjà passé, ils défient l’avenir par leur nouvelle intemporalité.
   Enfin à l’Hôtel de Cabrières, au milieu des dorures du 19ème siècle et avec l’active participation de Florence Hudowicz se trouvent présentés divers portraits en pied, des œuvres au fusain ainsi que des intérieurs familiers à Jean Hugo qui a aussi influencé Bioulès, dont deux compositions avec Léopoldine Hugo. Les époques se mélangent alors dans une sorte de prosodie proustienne.
                                                                                                                           Christian Skimao

Vincent Bioulès "Céline", 1990-91, huile sur toile, 162 x 130 cm. Collection particulière. Photo Pierre Scwartz. Copyright ADAGP, Paris, 2019.

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