Rétrospective
Vincent Bioulès « Chemins de traverse »
Musée
Fabre, Montpellier
et
Hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran, Montpellier
Du
15 juin au 6 octobre 2019
Vincent Bioulès "L'étang de l'or", 2015, huile sur toile, 130 x195 cm. Collection particulière.Photo Pierre Schwartz. Copyright ADAGP, Paris, 2019. |
En cheminant à travers paysages, histoires et portraits
La rétrospective Vincent Bioulès présente de
façon chronologique le parcours d’un artiste qui s’inscrit dans la grande
peinture. Mais est-il pour autant classique ? Et quel rapport entretient-il
avec la modernité ? Ce questionnement pourrait s’appuyer sur une œuvre de
1965, « Le Marronnier en fleurs » qui propose un regard abstrait sur
une thématique liée à la réalité du paysage, un arbre en fleurs, soit deux
possibilités d’approche qui questionnent l’histoire de l’art et laissent
transparaître de façon éclatante le traitement du sujet et la maîtrise des
couleurs.
Michel Hilaire, directeur du musée et
Stanislas Colodiet, conservateur au musée, commissaires d’exposition, ont conçu
sept sections thématiques pour une approche didactique. Il paraît néanmoins tentant
pour le regardeur de musarder au travers, jouant avec les époques en une
promenade cultivée. Supports-Surfaces demeure une aventure lointaine constituée
par des réflexions et des expositions de groupe ; de ces longues
réflexions sur le devenir de la peinture, il reste des expériences radicales
comme « Impact » à Céret en 1966 et la fameuse opération « Cent artistes
dans la ville » en 1970 à Montpellier. Mais l’essentiel pour Bioulès se
situe ailleurs, forcément ailleurs.
Ainsi, la série des « Places »
montre la ville comme un décor d’opéra. Celle d’Aix en 1976 réalisée en hommage
à Auguste Chabaud, montre de façon évidente la puissance de la composition,
l’influence matissienne (très présente évidemment dans la série des
« Fenêtres ») et un sens du monumental, plus inattendu. La musique
qui joue un grand rôle dans la vie de l’artiste en raison des activités de son
père et de sa passion personnelle trouve donc un écho dans ces nombreuses
places de villes méditerranéennes, à la fois magnifiées et inscrites dans une
vision presque magique. Les paysages (citons le port de Carnon, l’étang de l’Or
ou le Pic Saint-Loup) continuent sur cette lancée en établissant une
construction très rigoureuse. Si nous avons quitté la scène de l’opéra, c’est
pour mieux pénétrer celle du théâtre du monde. Une Méditerranée revisitée, faite
de blocs lumineux, de lignes d’horizon strictes et de pensée grecque.
L’alignement des formes le dispute à l’emploi de la couleur, Signac et la
peinture américaine habitent ces toiles sudistes où navigue l’ombre d’Ulysse.
Les portraits appartiennent à un autre genre
magistral de la peinture. Bioulès l’aborde de façon complexe. Beaucoup de jeunes filles et de
femmes prennent la pose s’abandonnent au crayon puis au pinceau. Le travail sur
modèle vivant interpelle, car il en ressort toujours quelque chose d’imprévu. Comme
la photo, le portrait peint demeure un instant figé dans le temps et amorce un
processus d’appropriation et d’éternité. Avoir son portrait réalisé par un
artiste entame pour le sujet un processus de reconnaissance maximale, mais
aussi de dépossession. Les influences demeurent variées, on a parfois évoqué
Bernard Buffet mais aussi les primitifs italiens. Deux séries très spécifiques
nous interpellent, celui des « Nues » et celui des membres du groupe Supports-Surfaces
peints en 1990. Pour le premier, le corps des femmes se trouve traité de façon
figée avec un érotisme froid. Leur environnement très dépouillé met en valeur
un principe féminin très intellectualisé. Ici, la peinture pense plutôt qu’elle
ne parle. Dans le hall Buren du musée, se trouvent exposés les acteurs du
dernier mouvement d’avant-garde français. Au nombre de douze, comme les apôtres
d’un temps déjà passé, ils défient l’avenir par leur nouvelle intemporalité.
Enfin à l’Hôtel de Cabrières, au milieu des
dorures du 19ème siècle et avec l’active participation de Florence
Hudowicz se trouvent présentés divers portraits en pied, des œuvres au fusain
ainsi que des intérieurs familiers à Jean Hugo qui a aussi influencé Bioulès,
dont deux compositions avec Léopoldine Hugo. Les époques se mélangent alors
dans une sorte de prosodie proustienne.
Christian
Skimao
Vincent Bioulès "Céline", 1990-91, huile sur toile, 162 x 130 cm. Collection particulière. Photo Pierre Scwartz. Copyright ADAGP, Paris, 2019. |
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