mardi 29 octobre 2019

Exposition Peter Friedl "TEATRO" Carré d’art-Musée d’art contemporain, Nîmes

Exposition Peter Friedl
TEATRO
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 25 octobre 2019 au 1er mars 2020


Teatro (Report), 2016-2018  chêne, contreplaqué, laiton, plexiglas, polyuréthane, résine de polystyrène, puc, acier inoxydable,  impressions numériques, aimants en néodyme, peinture acrylique, 185 x 119 x 84 cm.  Courtesy de l’artiste & Guido Costa Projects, Turin. Vue de l’exposition Peter Friedl, Teatro à la Kunsthalle de Vienne, 2019. Photo Jorit Aust. 

                                                            
  Sur la scène des histoires du théâtre du monde

                                                   
  Peter Friedl construit des narrations complexes en explorant les coulisses de l’Histoire mais il nous dit dans un entretien avec Claire Tancons : « Exposer quelque chose n’est jamais normal ; exposer l’histoire est encore plus problématique. » Partant de ce constat, la mise en scène des faits historiques devient la seule solution, comme l’indique l’intitulé de la monstration. A Carré d’art, l’exposition commence avec l’installation nommée « Teatro Popular » composée de « barracas », des castelets de bois et de tissu pour marionnettes provenant du Portugal et du Brésil. Des personnages qui ont existé à des époques différentes (Calouste Gulbenkian né en 1896, le milliardaire arménien devenu grand mécène, l’astronome juif Abraham Zacuto né vers 1452 et qui a fui les persécutions, Isabel dos Santos née en 1973, femme d’affaires et son père, et d’autres encore) se retrouvent sous la forme de poupées inanimées, posées sur le rebord de leur lieu d’action. Mélange des genres et des époques qui va se retrouver tout au long du parcours. Il pourra s’agir des déguisements d’enfants en animaux qui parsèment les salles, des accessoires posés sur des socles de cirque présentant des portraits de pirates dans « No prey, no pay » ou bien des différents maquettes de maisons à échelle réduite, œuvre nommée « Rehousing » avec un mélange de maisons de tous pays, celles de gens célèbres (Hô-Chi-Minh), un conteneur pour s’abriter dans un camp de réfugiés en Jordanie, ou encore le projet de la succursale Fiat à Tripoli en 1931, esthétique moderniste, fasciste et coloniale.

  La dernière salle suit ce fil conducteur du théâtre mais en se déroulant réellement au Théâtre national grec d’Athènes par le bais de la vidéo « Report » Des acteurs, de diverses nationalités, récitent à tour de rôle, et dans leur langue, la nouvelle de Franz Kafka, Compte rendu pour une académie, rédigée en 1917 où un singe explique comment il s’est « humanisé » au fil de diverses péripéties pour finir par ressembler à un occidental moyen. On retrouve là toute l’ironie et l’humour noir de l’auteur. Le fait d’intégrer cette « intégration » dans un véritable théâtre au début du 20ème siècle, bâti par l’architecte allemand Ernst Ziller, avec des acteurs amateurs, sur une scène tout à fait nue, avec au fond, les parois coupe-feu, offre un sentiment de vertige. Au fur et à mesure de l’avancée de la mise en paroles de cet écrit, servi par le travail filmique, l’évidence se brouille. Une maquette de la scène où se déroule la performance est exposée mais les « acteurs » ne se trouvent pas vraiment représentés à l’échelle du bâtiment, symbolisant ainsi leur ailleurs.

  L’approche de Peter Friedl n’est donc pas toujours aisée à saisir puisque les potentiels annoncés le demeurent jusqu’à leur hypothétique réalisation. Ses totems artistiques évoquent le relativisme des situations et des personnages. Rien ne se trouve à sa place et tout peut changer rapidement, comme dans la vraie vie. Ces jeux d’illusion flirtent avec une sorte d’aptitude à ne rien prendre trop au sérieux car la désillusion deviendrait alors trop grande. L’apparence de la vérité avance elle aussi masquée, suspendue aux fils des marionnettistes invisibles.                     
                                                                                                                              Christian Skimao

                                                                                                                                                                     







Aucun commentaire: