Exposition Peter Friedl
TEATRO
Carré d’art-Musée d’art contemporain
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Du 25 octobre 2019 au 1er
mars 2020
Sur la scène
des histoires du théâtre du monde
Peter Friedl construit des narrations complexes en explorant les
coulisses de l’Histoire mais il nous dit dans un entretien avec Claire Tancons :
« Exposer quelque chose n’est jamais normal ; exposer l’histoire est
encore plus problématique. » Partant de ce constat, la mise en scène des
faits historiques devient la seule solution, comme l’indique l’intitulé de la
monstration. A Carré d’art, l’exposition commence avec l’installation nommée
« Teatro Popular » composée de « barracas », des castelets de
bois et de tissu pour marionnettes provenant du Portugal et du Brésil. Des
personnages qui ont existé à des époques différentes (Calouste Gulbenkian né en
1896, le milliardaire arménien devenu grand mécène, l’astronome juif Abraham
Zacuto né vers 1452 et qui a fui les persécutions, Isabel dos Santos née en
1973, femme d’affaires et son père, et d’autres encore) se retrouvent sous la forme
de poupées inanimées, posées sur le rebord de leur lieu d’action. Mélange des genres
et des époques qui va se retrouver tout au long du parcours. Il pourra s’agir
des déguisements d’enfants en animaux qui parsèment les salles, des accessoires
posés sur des socles de cirque présentant des portraits de pirates dans
« No prey, no pay » ou bien des différents maquettes de maisons à
échelle réduite, œuvre nommée « Rehousing » avec un mélange de
maisons de tous pays, celles de gens célèbres (Hô-Chi-Minh), un conteneur pour
s’abriter dans un camp de réfugiés en Jordanie, ou encore le projet de la
succursale Fiat à Tripoli en 1931, esthétique moderniste, fasciste et
coloniale.
La dernière salle suit ce fil conducteur du théâtre mais en se déroulant
réellement au Théâtre national grec d’Athènes par le bais de la vidéo « Report »
Des acteurs, de diverses nationalités, récitent à tour de rôle, et dans leur
langue, la nouvelle de Franz Kafka, Compte rendu pour une académie, rédigée
en 1917 où un singe explique comment il s’est « humanisé » au fil de
diverses péripéties pour finir par ressembler à un occidental moyen. On
retrouve là toute l’ironie et l’humour noir de l’auteur. Le fait d’intégrer
cette « intégration » dans un véritable théâtre au début du 20ème
siècle, bâti par l’architecte allemand Ernst Ziller, avec des acteurs amateurs,
sur une scène tout à fait nue, avec au fond, les parois coupe-feu, offre un
sentiment de vertige. Au fur et à mesure de l’avancée de la mise en paroles de
cet écrit, servi par le travail filmique, l’évidence se brouille. Une maquette
de la scène où se déroule la performance est exposée mais les
« acteurs » ne se trouvent pas vraiment représentés à l’échelle du
bâtiment, symbolisant ainsi leur ailleurs.
L’approche de Peter Friedl n’est donc pas toujours aisée à saisir puisque les potentiels annoncés le demeurent jusqu’à leur hypothétique
réalisation. Ses totems artistiques évoquent le relativisme des situations et
des personnages. Rien ne se trouve à sa place et tout peut changer rapidement,
comme dans la vraie vie. Ces jeux d’illusion flirtent avec une sorte d’aptitude
à ne rien prendre trop au sérieux car la désillusion deviendrait alors trop
grande. L’apparence de la vérité avance elle aussi masquée, suspendue aux fils
des marionnettistes invisibles.
Christian Skimao
Christian Skimao
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