mardi 19 novembre 2019

Les "non-conformistes", Montpellier, 2019


Mo.Co. Hôtel des collections
13, rue de la République à Montpellier
Exposition « Les non-conformistes. Histoire d’une collection russe. »
Du 13 novembre 2019 au 9 février 2020


     
Affiche d'exposition avec le groupe Blue Noses
                        
   Poussières d’étoiles plus ou moins rouges


  Être d’avant-garde n’est jamais facile, ici et ailleurs, surtout ailleurs, au temps de l’Union soviétique. Conserver des œuvres d’avant-garde ne semble pas aisé non plus, surtout lorsque qu’une idéologie dicte les choix esthétiques des artistes. Une partie de la collection exposée, concerne la période des années 1960 à 2000 et a été constituée entre 1983 et 2008 à l’initiative d’Andreï Erofeev, historien d’art et curateur de ces « non-conformistes » à l’Hôtel des collections de Montpellier. Elle provient du département art contemporain de la Galerie Nationale Tretiakov, à Moscou. Autres temps, autres perceptions … (« CCCP-Rossïïa »). Ce qui ne signifie pas que tout soit facile actuellement, loin de là, en raison des nouveaux, et parfois anciens, conservatismes dans la société post socialiste.
  Une approche très didactique, doublée d’une classification par époque et genre, sous-tend cette exposition en 16 sections allant de « La révolte des sculpteurs » dans les années 1950 à « L’actionnisme radical » dans les années 1990 et s’achève avec « Adieu l’URSS » (une installation d’Irina Korina, intitulée Retour vers le futur, de 2004. Commençons donc par la fin et cette étonnante métaphore des carreaux blancs des bureaux capitalistes et des galeries de style occidental « white cube » opposés de façon quasi anachronique aux mosaïques de cosmonautes de l’ère soviétique. Ces derniers représentés, non pas en mosaïques, mais avec de la peinture acrylique pixelisée, apparaissent comme un choc spatio-temporel.
  Quelques noms importants en Occident retiennent d’abord l’attention comme le groupe Komar & Melamid (qui travaillent maintenant de façon séparée), avec leur projet Cercle, carré, triangle conçu en URSS, réalisé aux États-Unis en 1974-1975 ; ils jouent sur la circulation Est-Ouest mais aussi la critique des deux systèmes artistiques. Ilya Kabakov (mémorable environnement de L’étrange cité, réalisée avec sa femme Emilia en 2014 pour « Monumenta » à Paris) qui expose ici une installation de 1981, Coffre avec déchets ; l’articulation improbable entre les objets déglingués réunis par l’artiste et les étiquettes attachés à ces derniers, comprenant des jurons maléfiques, montre l’étendue du désastre d’une société. Enfin Oleg Kulik (les fameux clichés de sa performance « Mad Dog ») qui œuvre de façon retentissante dans la zone entre l’animal et l’homme, mettant ainsi en cause de façon radicale l’anthropocentrisme, connaissant des soucis juridiques en Russie, mais aussi à Paris lors de la FIAC 2008.
  La partie nommée « Sots Art/Corrompre l’image du pouvoir » a souvent posé des problèmes politiques lors de sa monstration, à l’intérieur comme à l’extérieur de la Fédération. Le fait d’utiliser le folklore communiste et la figure de Lénine, en les détournant, crée un effet de ridicule, chose la plus insupportable pour un régime tourné perpétuellement vers son autocélébration. On y trouvera Alexander Kosopalov et deux œuvres de type boîte lumineuse, l’une intitulée Lenin-Coca-Cola (1980), l’autre Marlboro-Malevich (1985), rouges et blanches, parlantes et claquantes, dérisoires et sublimes.
  Le groupe Blue Noses, plus récent, joue avec brio les imbéciles en slips, devant des églises, avec son triptyque photographique Les nouveaux saints idiots, de 1999 ; les artistes essayent la parodie avec Exposition 0.10 de 2005 qui reprend les tableaux suprématistes et futuristes de 1915 sous forme de photographies composées de mortadelle, saucisson et saucisses. Et bien d’autres créateurs encore…
  Peut-on évoquer de rusés artistes russes en Russie ? Et que vont-ils devenir maintenant que le socialisme s’est estompé ? Il existe une sorte d’aura quelque peu fatiguée, clignotante, où le marché aura eu le dernier mot. Un paradoxe de taille se fait jour : la contrainte obligeait à l’inventivité et la liberté d’inventer se frotte maintenant à l’uniformité des demandes. Reste une noble poussière comme évoquée dans le titre, dans une galaxie désormais mondialisée.                               
                                                                                                                            Christian Skimao

Alexander  Kosolapov "Marlboro-Malevich", 1985

Aucun commentaire: