Exposition « … et labora »
Avec des photographies de la collection de Ruth et
Peter Herzog, les œuvres des artistes contemporains Mika Rottenberg, Yuri
Pattison, Emmanuelle Lainé, Andreas Gursky, Thomas Struth, Liu Xiaodong,
Cyprien Gaillard, Michael Hakimi ainsi que des ex-voto provençaux des XIXe et
XXe siècles.
Fondation Vincent van Gogh
35ter, rue du docteur Fanton,
Arles
Du 16 novembre 2019 au 13 avril
2020
Collisions temporelles
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William Karrick, Le Semeur (portrait d’un paysan russe), vers 1860 © Jacques Herzog und Pierre de Meuron Kabinett, Basel Fotosammlung Ruth und Peter Herzog |
Collisions temporelles
« Ora et labora » (« Prie et travaille ») pour
reprendre une formule monastique. La partie « prière » étant tombée aujourd’hui
en Occident dans un oubli relatif, resterait la torture, le « tripalium »
latin qui, étymologiquement mène au labeur. Ainsi cette monstration aurait-elle
partie liée, comme le condamné sur ses trois pieux, avec un travail de
bénédictin ?
Un mélange audacieux opère entre la présentation de photographies
anciennes (19ème et jusqu’aux années trente du 20ème siècle)
provenant de la collection Herzog de Bâle avec des œuvres contemporaines
diverses. Des clichés, certains anonymes, d’autres signés, de travailleurs, de
machines et plus rarement de femmes et d’enfants au travail. Certaines scènes
évoquent les grands projets liés au chemin de fer et ses tunnels (percement de
celui du Saint-Gothard) d’autres parlent du monde agricole De ce rude
environnement mis en scène, le plus souvent mais pas toujours, par un patronat
paternaliste, apparaissent bien des stéréotypes de l’époque. La lutte des
classes apparaîtrait-elle sous ces dehors figés ?
Les œuvres d’Andreas Gursky font le lien avec cette première perception.
Ses photos monumentales jouent sur l’approche conceptuelle et humaine de ce qui
pourrait sembler très distant. Sa recomposition du réel au travers de plusieurs
prises de vue perturbe une approche supposée objective du fait photographique.
Thomas Struth s’inscrit également dans cette approche au travers d’une série
photographique prise au CERN près de Genève. L’enchevêtrement des câbles et des
mécanismes offre une perception qui a partie liée avec la peinture. Tout se
mélange jusqu’à devenir l’apparence d’une chose autre.
Spécial Chine avec trois approches fort différentes. Tout d’abord, celle
de Yuri Pattison avec the ideal (v.0.2.) qui propose une installation
avec un « Antminer » pour produire de la monnaie virtuelle
« bitcoin », une fontaine d’inspiration bouddhiste et un film de
reportage sur une « mine » au Tibet, c’est-à-dire un espace
comprenant de nombreux serveurs informatiques nécessitant un fort
approvisionnement en électricité, donc proche d’un barrage hydraulique fournissant
l’énergie à bas coût. Les questions posées sur le virtuel, le réel très trivial
et l’informel demeurent essentielles à l’heure actuelle. Mika Rottenberg a
conçu un film NoNoseKnows (Biennale de Venise, 2015) où une manageuse
européenne a d’étranges relations avec les travailleuses chinoises, puisqu’elle
fournit des plats cuisinés en éternuant, grâce à un ventilateur qui l’enrhume
et lui fait allonger le nez. L’absurde dialogue entre la production
mondialisée, le corps des protagonistes et les situations surréalistes donnent
naissance à une réelle magie filmique, bien qu’un peu angoissante. Enfin, les
peintures de Liu Xiadong, dans le style figuratif héroïque, s’appuient sur une
réalité, celle des travailleurs extrayant le jade blanc dans l’ancien lit de la
rivière Hotan, à l’entrée du désert du Taklamakan, dans la région autonome du
Xinjiang. S’appuyant sur de nombreuses photographies, l’artiste nous montre des
mineurs ouïghours durant leur dur labeur d’extraction en plein air. Vu le
contexte actuel, il y a bien des facettes nouvelles qui apparaissent dans sa
démarche.
Citons encore le film d’Emmanuelle Lainé, Incremental Self : les
corps transparents, la première version datant de 2017. Elle questionne les
rapports entre les corps travaillant et les objets utilisés par eux. Partant
d’une série d’entretiens, elle nous emmène dans des zones mouvantes, mêlant les
séquences, sur ce que représente un travail et ses souvenirs et quel en est
l’investissement personnel.
Mais que devient la série d’ex-voto provençaux ? Elle appartient à
la culture populaire et possède un lien intrinsèque avec la vie et le travail.
Petites peintures naïves servant à remercier le saint ou la sainte d’avoir eu
la vie sauve lors d’un accident, par exemple, elles mettent en avant l’« ora »
absente du début de l’intitulé de la manifestation, tout en nous emmenant sur
les chemins tortueux de l’ « aura » de l’œuvre. Christian
Skimao
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Andreas Gursky, Tokyo, Stock Exchange, 1990 Kunstmuseum Basel, Suisse C-Print / Diasec, encadré 170 × 205 × 5 cm Dépôt de l’artiste en 2004 © Andreas Gursky / Adagp, Paris, 2019 |
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